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jeudi 24 février 2022

EDITO FEV-MARS 2022 : FAUT-IL ENCORE FAIRE CARÊME ?

 

Chers frères et sœurs,

Voici que la guerre revient aux portes de l’Europe. L’invasion russe de l’Ukraine va entraîner
une série de réactions en chaîne dont on ne sait pas jusqu’où cela mènera, car une fois que les équilibres géopolitiques dont nous bénéficions depuis la fin de la guerre froide sont déstabilisés, un effet dominos peut s’enclencher.

Bien sûr, l’Ukraine est à 2.000 km de la Belgique, elle ne fait pas (encore) partie de l’OTAN, et personne dans l’Union Européenne ne souhaite un conflit armé avec la Russie. On espère sans trop y croire que les sanctions économiques à l’encontre de Poutine et de sa clique suffiront à calmer ses ardeurs belliqueuses, mais on le voit mal retirer maintenant ses troupes vu ses discours nationalistes et idéologiques teintés de revanche sur l’Occident. Qui peut dire jusqu’où ira l’appétit de l’ours russe ?

On est reparti pour un jeu d’échecs qui va durer des années et où tout le monde risque d’être perdant, que ce soit les civils et les militaires ukrainiens entraînés dans cette guerre, mais aussi le peuple russe lui-même car c’est aussi lui que les sanctions internationales vont impacter, et puis toute l’économie mondiale tellement interdépendante. Sans compter le risque de dérapage et d’escalade incontrôlable…

« Ouf, on va parler d’autre chose ! » déclarait une journaliste juste après le commentaire d’un spécialiste des relations internationales. Hé oui, le citoyen belge et européen que nous sommes -en particulier la génération qui a suivi mai 68- a besoin d’une incroyable légèreté (comme le disait le philosophe Mathieu Pelletier lors d’une émission qui avait pour titre « Faut-il toujours être fun ?»*), légèreté doublée d’une capacité à se boucher les yeux pour ne pas voir ce qui pourrait menacer sa tranquillité. Ainsi de la crise climatique, qui n’a pas du tout freiné notre besoin de surconsommer, de polluer, de s’envoler vers des destinations lointaines… Même le Covid n’y est pas parvenu !

Notre portefeuille pourrait bien y arriver, lui, malheureusement. Mais comme d’habitude, ce seront les tranches les moins favorisées qui vont sans doute le plus souffrir des conséquences économiques du conflit à l’est. L’emballement des prix de l’énergie est déjà insupportable pour beaucoup, avec une inflation générale des biens et des services, même ceux de base. 

Il y a quelques jours, en réfléchissant à cet édito, je m’apprêtais à poser la question : Faut-il encore faire carême ?  Est-ce qu’après la pandémie, les confinements et les restrictions, les inondations et les catastrophes, le temps pourri et la tête du voisin, on n’a pas assez supporté finalement et est-ce qu’on ne pourrait pas « zapper » cette période qui de toute façon ne dit franchement pas grand-chose à la majorité de nos concitoyens, plus pressés de passer directement aux festivités, qu’elles soient pascales ou autres… ? Est-ce qu’on n’a pas assez jeûné de plaisirs et de divertissements ?

Jeûner, un mot repoussoir qui évoque des pratiques d’un autre âge, des privations scandaleusement mortifères. Et que dire des autres accents du carême : partager – prier ? L’Homme du XXIè siècle a-t-il encore besoin de s’embarrasser de ces « obligations » religieuses alors que la vie lui pose déjà suffisamment de problèmes ? Justement ! Parce que la vie lui pose des problèmes, ce pourrait bien être la voie qui mène à une solution pour sa vie personnelle, mais aussi collective, car aux défis actuels il ne peut y avoir que des solutions collectives et communautaires.

Le chant de Christophe Maé proposé par Entraide & Fraternité pour le carême : « C’est ma Terre » nous rappelle cette interconnexion des humains entre eux et de la nature, et que le mal que l’on fait (ou le bien que l’on ne fait pas) quelque part rejaillit sur l’ensemble des terriens. N’est-ce pas le moment propice pour se libérer, se libérer de notre insatisfaction perpétuelle qui fait que nous ne cessons de désirer ce que nous n’avons pas ? Cesser la surconsommation compulsive, apprendre la sobriété… Se libérer du pouvoir de l’argent et de la peur de manquer en donnant, en partageant pour que d’autres puissent vivre dignement… Prendre le temps en priant, pour se retrouver soi-même, le sens de sa vie, pour redécouvrir que le Dieu du ciel est en fait un Dieu de la terre, compagnon fidèle et discret de nos routes… Alors, le carême pourrait en effet être une voie de résurrection et même de salut pour la planète et pour nous-mêmes.  


« Y a-t-il un cœur qui s’élève pour que tout le monde soit d’accord ? Un cœur qui prenne la relève, quelqu’un qui vient en renfort ? C’est ma terre où je m’assois, ma rivière, l’eau que je bois, qu’on n’y touche pas ; c’est mes frères autour de moi, mes repères et ma seule voix : Qu’on n’y touche pas, non ! » (« C’est ma Terre », de Christophe Maé)

Je suis l’eau, je suis la terre, je suis mes frères : 40 jours pour l’apprendre ! Bon carême,

Avec vous en chemin, Bernard Pönsgen

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(*)  émission de Matthieu Pelletier :

https://www.rtbf.be/auvio/detail_la-philo-selon-matthieu?id=2863843


C'est ma Terre de Christophe Maé, par le groupe VOX ANGELI :



CAMPAGNE DE CARÊME 2022