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vendredi 25 février 2022

INVASION DE L'UKRAINE : COMME DES AVEUGLES...

 

La parabole des aveugles - Bruegel 

« Quand on secoue le tamis, il reste les déchets », disait le Sage Ben Sira dans la première lecture de ce dimanche.

Eh bien, le tamis, il est fameusement secoué pour le moment !

La guerre qui sévit en Ukraine fait trembler les occidentaux, pour qui une telle violation du droit international était impensable. On croyait la guerre froide enterrée, et les fusils définitivement rangés au fond des casernes… Les événements de jeudi dernier nous montrent brutalement qu’il n’en est rien.

Guerre en Irak, guerre en Syrie, guerre au Yémen, au Mali, au Soudan, en Tchétchénie, en Afghanistan… Toutes ces guerres semblaient si lointaines, même si des contingents de l’Onu ou des forces européennes étaient impliquées. Aujourd’hui, c’est en Europe, sur notre continent, que cela se déroule. Et sous nos yeux, en direct !

Apeuré par les menaces à peine voilées du président Poutine de déclencher le feu nucléaire si l’on se mêlait de vouloir l’empêcher d’accomplir sa mission de 'purification' et de 'libération' de l’Ukraine, le monde est paralysé. Les condamnations verbales et les sanctions économiques n’y changent pas grand-chose. On prend acte du fait, et de notre impuissance.

Alors, tout le monde y va de son commentaire, bien entendu. On nomme enfin Poutine pour ce qu’il est, un dictateur, qui se fout de la démocratie comme de sa première « trousikya » (culotte en russe) ; un mégalomane qui rêve de rendre à la Russie sa grandeur d’empire au mépris des traités et de la liberté des peuples… On grince également des dents en songeant aux factures du gaz et autres matières premières qui vont inévitablement s’alourdir…

 

Ces réactions sont normales, et bien légitimes. Cependant, je voudrais nous inviter à regarder d’un peu plus près la poutre qui est dans notre œil, et que nous ne voyons peut-être pas !

Ça ne nous a pas beaucoup dérangé d’acheter depuis des décennies notre gaz en Russie, nos vêtements et nos processeurs électroniques en Chine, notre pétrole en Arabie saoudite ou dans les Emirats, de passer nos vacances en Turquie qui nous fournit aussi ses fruits et légumes, etc. etc. Ce faisant, nous nous sommes rendus dépendants économiquement de ces pays et nous avons soutenu indirectement les pouvoirs forts qui les dirigent. Le bizness ne fait pas de politique !

Je ne me sens pas coupable de tourner le bouton de ma cuisinière à gaz, bien sûr, pas plus que vous. D’autant plus que c’est l’industrie qui est la plus grande consommatrice de ces combustibles. Mais notre modèle de développement capitaliste, en créant toujours davantage de nouveaux besoins et en poussant les gens vers une hyperconsommation de biens, est le plus grand responsable de cette situation.

Fermerons-nous encore longtemps les yeux sur les dictatures ? Ne serait-il pas temps d’interdire les échanges commerciaux avec les régimes concernés ?  Évidemment, cela risque de faire mal chez nous, habitués que nous sommes à notre confort, et mal à notre économie… (Qu’on pense par exemple à nos propres exportations vers ces pays douteux). On risque de payer beaucoup plus cher certains produits devenus « essentiels ». Quant au gaz et au pétrole, ne serait-ce que pour des raisons climatiques évidentes, il est plus que nécessaire de passer de plus en plus vers des énergies décarbonées. Et arrêter l’exploitation éhontée des ressources volées sur le dos des populations des pays du Sud.

Nos populations seront-elles prêtes à tant de sacrifices ? J’en doute. Il suffit de voir comment, dès que les mesures anti-Covid ont été levées, on s’est à nouveau précipité dans une frénésie de consommation et de voyages, de divertissements etc., sans égard pour la pollution. La machine industrielle s’est à nouveau emballée, ce qui explique d’ailleurs aussi en partie la hausse des prix de l’énergie. Il faudra bien qu’un jour, on se prenne le mur…

Je ne m’étonne pas d’une guerre si proche de nos frontières * – d’ailleurs, a-t-elle vraiment cessé ? Dans l’esprit de certains en tout cas, il ne s’agissait que d’un simple cessez-le-feu. La guerre économique, elle, a toujours fait rage. La soif de pouvoir des oligarques de tous poils se nourrit et prospère au travers de la lâcheté et de l’indolence confortable des peuples.

Notre aveuglement n’a d’égal que celui de nos dirigeants, qui pour la plupart n’auront jamais le courage politique de contrarier leurs électeurs en leur imposant un modèle basé sur la sobriété responsable et respectueuse de l’environnement, et des rapports financiers éthiques.


« Un aveugle peut-il guider d’autres aveugles ? Ne vont-ils pas tomber tous dans un trou ? »

Bonne question !

 

Bernard

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(*) La prochaine guerre sera sans doute pour la possession des territoires antarctiques regorgeant de minerais et enjeu stratégique, rendus accessibles par le réchauffement climatique et la fonte des glaces.