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Homélies du padre Bernard


25è dimanche ordinaire C -  Money, money… !

 

Si vous avez bien écouté les lectures d’aujourd’hui, vous avez dû être interloqués, surpris, ou même choqués !

Que le prophète Amos dénonce avec force les manigances de ceux qui réduisaient les pauvres d’Israël en esclavage, trichant sur les poids et mesures pour vendre plus cher les produits indispensables à la survie des petites gens, cela nous paraît tout-à-fait normal, car Dieu a l’injustice en horreur, surtout quand elle écrase les plus faibles.

C’est heureux qu’on trouve des passages comme celui-là dans la Bible, car notre monde d’aujourd’hui n’est hélas pas très différent sur ce rapport. Pas grand-chose ne semble avoir changé, et Amos souligne le cynisme de ces riches commerçants qui tiennent des discours dénués de toute morale… La seule différence avec l’époque d’Amos, c’est peut-être qu’aujourd’hui, ces procédés sont à l’échelle mondiale, perpétrés par des multinationales sans scrupules exploitant des peuples entiers dont ils pillent les richesses…  

Mais alors, comment comprendre le passage de l’évangile de Luc, où le maître de la parabole fait l’éloge du gérant malhonnête qui s’était enrichi à ses dépens, et qui de plus, après avoir été licencié, trouve encore le moyen de se servir des dettes contractées par les débiteurs de son maître en les falsifiant pour se faire des camarades et retrouver des soutiens ?

Est-ce que Jésus prônerait la malhonnêteté ? Cela paraît impensable, et cela l’est, effectivement.

D’ailleurs, la suite du texte semble contredire le sens de la parabole.  Il faut être fidèle dans les petites choses avant de pouvoir faire de grandes choses. Et celui qui est malhonnête déjà dans les petites choses le sera évidemment dans les grandes affaires. Ça, on le comprend très bien et on peut bien sûr être d’accord avec.

On ne peut servir 2 maîtres. Ça aussi on le comprend très bien. On ne peut à la fois appartenir à Dieu et à l’esprit du Mal. Le Saint-Esprit ne peut cohabiter avec un démon, en effet nous sommes le temple du Saint-Esprit. Ou on est au service de l’un, ou de l’autre mais pas des 2 à la fois.

Qu’on ne puisse pas servir à la fois Dieu et l’argent (vu comme une idole), cela ne nous semble pas incongru : on en voit trop qui sont complètement pervertis et détournés de Dieu par la passion d’accumuler de la richesse.

Alors, pourquoi Jésus raconte-t-il cette parabole sans queue ni tête ? Il s’agit là du passage le plus compliqué de l’évangile de Luc, et s’il l’a gardée dans son livre, c’est qu’elle doit enseigner quelque chose d’important.

Je pense que la complexité de cette parabole se situe au niveau de l’attitude du propriétaire. On peut comprendre l’agissement du mauvais gestionnaire. C’est un réflexe que l’on retrouve autour de nous. Mais comment ce propriétaire peut-il admirer cette manière de fonctionner ?

 

En fait, Jésus utilise cette parabole pour donner une leçon spirituelle. Il commence par décrire le comportement de ceux qui ne lui appartiennent pas. Le gérant ne va même pas demander pardon au maître et le supplier de le garder en promettant de se corriger et de réparer, mais il s’en tire par une plus grande tricherie encore en s’enfonçant dans le mal. Et Jésus termine la description du « non-disciple » par le Verset 8 : « En effet, ceux qui vivent pour ce monde sont plus habiles dans leurs affaires avec leurs semblables que les enfants de la lumière. »

Constat fréquent : les chrétiens passent souvent pour des naïfs à côté de ceux qui tirent les ficelles et manipulent froidement les règles à leur profit.

 

De ce constat il va en retirer une leçon spirituelle (verset  9) : « Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. »

 

Alors, là, on commence à perdre pied complètement. Qu’est-ce que Jésus peut bien vouloir dire ?

D’abord, il y a un souci de traduction : dans plusieurs versions, le mot qui est traduit ici par « malhonnête » accolé à l’argent, est en fait le mot « trompeur ». On parle de l’argent trompeur, pas du fruit de la malversation, de la fraude ou du blanchiment.

Pourquoi est-il trompeur ? Jésus déclare l’argent trompeur de manière générale quand il devient le but premier de la vie et qu’il fait se pervertir le cœur de l’homme en y introduisant de mauvaises valeurs. Si l’argent peut être un bon serviteur en permettant de faire avec lui beaucoup de bien, il est un très mauvais maître, alors qu’il fait croire qu’il n’est qu’un serviteur. C’est là qu’il est trompeur.

Ce qui nous trouble, bien sûr, c’est que le maître loua le gérant infidèle pour avoir agi d’une manière avisée. Pourquoi approuver une telle malhonnêteté ? Ce que l’économe avait fait était déloyal et injuste. En fait, le maître ne louait pas l’économe pour son escroquerie, mais pour sa prévoyance. Il avait agi avec prudence. Il avait pensé à l’avenir et pris des dispositions en conséquence. Il sacrifia des gains présents pour une récompense future.

: Invitation donc pour les fils de la lumière, les disciples du Christ, à être pareillement prévoyants et créatifs pour non pas amasser des richesses injustes sur la terre, mais se faire comme dit Jésus « un trésor dans le ciel ». Jésus nous demande de travailler davantage à ramasser des trésors célestes en utilisant pour cela les biens terrestres qui sont à notre disposition, sans les réserver à son seul propre usage. Faire du bien sur terre avec l’argent trompeur sans se laisser tromper embobiner par lui, voilà ce qui est demandé.

Les non-chrétiens sont plus malins que vous, voilà, dit Jésus. Leur but est sur terre, et ils savent se faire des trésors. Ils n’ont pas de problème avec ça, et c’est normal puisque ce sont des païens inconvertis. Vous, votre but est en principe au ciel, mais en comparaison, vous ne créez pas de la richesse spirituelle, car vous êtes encore trop de la terre et vous vous laissez berner par l’argent trompeur. Faites-vous donc des amis avec cet argent qui vous possède si bien, en aidant les pauvres, en remettant de la justice, et ce seront eux qui vous accueilleront un jour dans ma demeure, dit le Seigneur.

D’une manière générale, l’homme est un économe-intendant de Dieu ; mais il s’est comporté en économe entièrement malhonnête en privatisant et en gaspillant les ressources de la planète et des autres peuples. Aujourd’hui, il paye cela par le dérèglement climatique et celui de l’économie mondiale.


Les choses de ce monde étant placées entre les mains de l’homme, il ne doit pas s’en servir pour son bonheur présent qui exclut totalement Dieu et exploite les plus faibles, mais les utiliser en vue du futur. Nous ne devons pas amasser des biens pour le temps présent, mais les utiliser sagement en vue de constituer des trésors pour d’autres temps, d’autres générations. Chez les indiens d’Amérique, quand une tribu réunissait les sachems pour les décisions importantes, il fallait que cette décision soit prise en fonction non pas de la génération actuelle seulement, ni de la suivante, ni de la troisième… mais pour le bien de la tribu jusqu’à la 7ème génération ! Un exemple à suivre…

L’appel que Dieu me fait aujourd’hui

·  Suis-je au service de Dieu ?

·  Suis-je fidèle dans les petites choses qu’Il me confie ?

·  Amassai-je plus de trésors au ciel que les autres n’amassent de trésors d’ici bas ? Suis-je un bon intendant de ses biens ?


24ème DIMANCHE ORDINAIRE – 11 SEPTEMBRE 2022

Les prodigues et la crise


On vit une période fortement anxiogène. On entend des déclarations dans tous les sens, comme : « un tournant historique est à l’œuvre ; une crise énergétique, sociale et probablement bientôt politique sans précédent ; les conséquences du réchauffement climatique vont être catastrophiques, on ne peut plus continuer comme cela, ce n’est plus possible ; quel avenir pour nos enfants et nos petits-enfants ; 40 % des emplois existants pourraient disparaître dans les 10 ou 15 ans qui viennent ; il ne sera plus possible de se chauffer durant les hivers prochains ; la guerre pourrait s’étendre ; la Belgique, l’Europe est potentiellement en situation de faillite… »

C’est sûr qu’on est à un tournant. Le monde est à un tournant, et pour reprendre l’expression entendue quelque part, on est déjà demain.

S’il y en a encore quelques-uns pour se voiler la face et prétendre que « tout ira mieux demain » comme chantait Anny Cordy, ou pour tirer les marrons du feu comme les partis extrémistes, les Trump de tous poils qui essaient de surfer sur la vague de mécontentement pour imposer leur vision manipulatrice et faire le plein de voix, n’empêche que la situation a de quoi inquiéter fortement toutes les cigales d’hier, et même les fourmis travailleuses et économes… !

Quand on est confronté à une catastrophe, on en cherche généralement les causes. On peut dire par exemple que les dirigeants, ceux qui avaient en main les leviers de l’économie, de l’énergie, n’ont pas fait leur travail. On peut fustiger les gouvernements, les commissions européennes, les acteurs de l’industrie, et on aura bien sûr raison. D’ailleurs les partis politiques se déchirent déjà joyeusement en se rejetant mutuellement les responsabilités.

Mais la cause profonde du marasme et de la déroute actuels est à chercher plus loin : pour moi, frères et sœurs, la vraie cause, c’est qu’on a depuis trop longtemps adoré le « veau d’or » (cf la 1ère lecture du Livre de l’Exode) ! On s’est tous prosternés devant le dieu argent capitaliste, la loi du marché, qui fournissait à tout le monde ou presque : confort, consommation facile, voyages, amusements de toutes sortes et en quantité illimitée, à condition de permettre à une petite classe de nantis de faire des bénéfices plantureux et de se remplir les poches. Seulement, il fallait bien fermer les yeux sur quelques inconvénients : pollution de l’air, de la terre et de l’eau, surexploitation des ressources, mise en esclavage d’enfants et de femmes pour produire et extraire dans des mines, destruction des forêts, de la biodiversité, etc. Et, une dépendance de plus en plus croissante aux énergies fossiles, pétrole, gaz, charbon, dépendance dont on paye le prix actuellement.

En fait, on a vécu durant des décennies comme le « fils prodigue » de la parabole, captant l’héritage commun du Père, c’est-à-dire de tous les habitants actuels et futurs de la planète, pour le dilapider en une vie de plaisirs ! Nous en avons tous profité. Et on s’est tu, on n’a pas voulu voir les conséquences. On ne s’est pas levés ensemble pour dire : « stop ! »

Le fils prodigue a quitté le Père, il a oublié la « maison commune » où tout le monde est sur le même pied d’égalité et où tout appartient à tout le monde (« mon enfant, tout ce qui est à moi est à toi » Lc 15,32) et il a privatisé l’héritage en réclamant sa part. En plus, nous, les prodigues d’aujourd’hui, on a même bouffé la part des autres ! On s’est bien marré…

Et voilà qu’arrive la famine. La crise. On va se trouver de plus en plus dans le besoin, comme le premier fils, et peut-être qu’on mangera un jour la nourriture des porcs.

Allons-nous enfin rentrer en nous-mêmes, réfléchir sur notre comportement, cesser de se conduire en propriétaires, demander pardon à la Création et enfin revenir vers la maison commune, chez le Père ?

Ou allons-nous continuer à adorer le veau d’or et mettre le bien-être personnel au-dessus de tout en oubliant la solidarité indispensable entre tous les humains, toutes les créatures ?

Irai-je dire : « Père, j’ai péché contre toi et contre la création, je ne suis plus digne d’être appelé fils de la terre et de notre maison commune » ?

Ou me croirai-je encore trop vertueux, comme le second fils de la parabole, celui qui a toujours obéi à son Père, respecté les règles, mais comme un employé, sans amour pour la « maison commune ». Jaloux de ce qu’il n’a pas les moyens de faire la fête comme les autres, il rumine et ne se rend pas compte que tous les biens du Père, la nature, le soleil, le vent, le ruisseau, la création toute entière, est à sa disposition, une richesse immense mais qui appartient à tous. Il critique les prodigues qui abusent égoïstement et sans discernement de leur richesse en volant dans des jets privés, en faisant des croisières polluantes et en gaspillant les ressources, mais ce fils jaloux se cache derrière les excès des autres pour ne pas vouloir se changer lui-même… Lui aussi se coupe de la vraie joie.

  

Frères et sœurs, aujourd’hui, l’état de la terre, de la « maison commune », nous envoie des signaux forts. Arrêtons de renvoyer la responsabilité de ce qui ne va pas et le poids de la faute sur les autres, on a chacun sa part de responsabilité, si petite soit-elle. En fait, elle n’est pas si petite que ça, car comme je le disais, on a tous bien profité du système, jusqu’à ce que cette folle machine capitaliste se grippe et s’autodétruise, après avoir ravagé la planète.

Tant que nous ne reconnaissons pas chacun et chacune que nous sommes la brebis perdue, le fils perdu de l’Evangile qui a besoin de retrouver le sens de son existence en se convertissant à l’Amour au lieu du veau d’or, nous ne connaîtrons pas cette joie extraordinaire, la joie de se savoir les fils et les filles bien-aimés du Père, sœurs et frères de tous les habitants de la « maison commune » de la création.

« Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. » (Lc 15,10)

 Allez, j’en profite pour vous inviter tous au CUP de ce 14 septembre à Ste Thérèse, où nous avons aussi des décisions importantes à prendre en UP pour l’avenir de nos communautés. Soyons co-responsables, l’avenir de l’Eglise comme celui du monde est entre nos mains !


24è dimanche ordinaire C : « Je l’ai retrouvééé ! »

Allez, n’est-ce pas que vous avez déjà lancé ce cri, au moins quelques fois dans votre vie ?

C’est le cri de celui qui a perdu un objet qui lui tenait à cœur, qui a cherché, cherché, et qui enfin le retrouve dans un endroit inattendu…

ou encore, plus sérieusement, le cri de quelqu’un qui a retrouvé un ami, ou un enfant dis­trait égaré dans un grand magasin… Tous nous avons déjà connu ce stress d’essayer de retrouver une personne ou un objet précieux…

Et Jésus dans l’Evangile emploie les mêmes images, tirées de la vie quotidienne, pour parler de retrou­vailles ou de réconciliation : la brebis perdue et retrouvée, la pièce égarée et retrouvée.

Et c’est la même joie qui éclate à la fin quand, au bout de longues recherches, le désir immense, le désir fou de retrouver ce qui était perdu est comblé de succès !

Nous pouvons comprendre alors à travers ces histoires quelle est la joie de Dieu, la joie du Père quand un de ses enfants égarés, perdus, est retrouvé ! Il est sauvé ! Alléluia !!

 

Nous savons l’impor­tance de retrouver ou de se réconci­lier avec quelqu’un. De plus, si c’est avec Dieu ! Se laisser retrouver par lui… En fait, c’est lui qui nous cherche, dit Jésus : comme le berger qui lâche ses 99 brebis pour courir après celle qui est égarée, comme la femme qui balaie et retourne toute la maison jusqu’à ce qu’elle retrouve sa pièce d’argent !

Il m’arrive aussi de m’égarer, de ne plus trop savoir mon chemin… et je suis heureux quand un ami ou un prêtre me montre à nouveau le bon chemin.

En fait, nous passons beaucoup de temps à chercher le chemin du bon­heur auquel nous aspirons tous. Il est pourtant si proche de nous. Il est simplement la présence confiante de celui qui accueille chaque nouveau jour, Dieu et sa Paix. La paix du cœur.

N’est-ce pas Jésus qui incarne cette mission de Dieu, rassurant, inspirant la paix et non la colère, pour celui ou celle qui veut se rapprocher de lui ?

Pas de conditions, pas de formules à dire pour retrouver celui qui habite le plus profond de notre cœur !

Et si nous disons quelquefois : « Je l’ai retrouvé », Jésus le dit encore plus à chaque fois que nous le retrou­vons. C’est peut-être à l’occasion d’un sacrement de la réconcilia­tion, ou tout simplement dans une réconciliation vécue en famille, en couple, avec un ami. L’occasion de raviver en nous cette parole : « Je l’ai retrouvé. »

 

Les publicains et les pécheurs venaient tous à toi, Jésus...

Ils avaient deviné les sentiments qui remplissaient ton cœur, Seigneur.

Ils se sentaient reconnus, aimés, malgré leurs péchés...

malgré le mépris dont les enveloppaient les Pharisiens.

Près de toi, ils retrouvaient un sens à leur vie; la joie revenait.

Cette joie, elle était aussi dans ton cœur, Jésus.

C’est la joie d’être en paix, en harmonie avec Dieu et avec les autres.

Donne-nous de comprendre ton message, Seigneur,

et de nous ouvrir à ce Dieu qui nous aime tant !

 

Nous sommes des brebis souvent égarées...

mais Dieu poursuit ses recherches, inlassablement,

jusqu'à ce qu'il nous retrouve.

Il t'a envoyé sur terre pour cela,

pour que tu ramènes sur tes épaules chaque brebis perdue, chaque pécheur.

Donne-nous d'accueillir dans la confiance et la joie une telle tendresse !

Donne-nous un regard semblable au tien, Seigneur,

fais-nous partager ta soif de sauver tous les hommes

et ta joie de les voir auprès de toi,

tous animés d'un même amour fraternel.

Amen.

 


Dieu des armées ou Dieu désarmé ? – 22ème dimanche C

 

Depuis six mois, on se bat en Ukraine. Chrétiens contre chrétiens.

Même culture, même langue ou à peu près, même religion.

Lors de la dernière guerre mondiale, les soldats allemands portaient sur la boucle de leur ceinturon l’inscription : « Gott mit uns » « Dieu avec nous ! »

 

Dire qu’il a fallu des siècles -et c’est pas encore fini-

pour que le Dieu des armées soit enfin adoré comme le Dieu dés-armé !

Oui, un Dieu qui aime sans condescendance,

dont la grandeur est de pouvoir tout ce que peut l’amour, jusqu’à l’effacement de soi. 

 

Jésus est témoin de cette humilité aimante quand il lave les pieds aux siens.

Et quand il nous dit d’aller vers la dernière place.

Une fois de plus, il secoue les consciences !

Il nous rappelle que tout être humain a droit au respect.

Même et sans doute surtout celui qui ne me ressemble pas.

 

"Quand tu donnes un dîner, n'invite pas tes amis, tes frères, tes parents, ni de riches voisins."

II parlait de repas au Royaume de Dieu.

Et voilà qui nous change de nos façons de faire. De nos donnant-donnant.

Je t'invite, tu m'invites ; je te donne, tu me rends.

Et de tous nos calculs, et de nos intérêts. De nos invitations qui sont intéressées.

Et des gestes qu'on pose pour être récompensé, pour mériter le ciel.

Du souci de choisir la bonne religion pour y avoir accès, sans crainte de se tromper.

Mais voilà, avec Dieu, pas de contrepartie.

=>Au Royaume de Dieu, le repas est gratuit.

 

"Quand tu donnes un festin, avait-il ajouté, invite ceux et celles qui n'ont rien à te rendre, les pauvres, les estropiés, les boiteux, les aveugles."

Mais voilà qui était un propos scandaleux, parce que ces gens-là étaient tous des impurs

et ne pouvaient même pas avoir accès au temple.

Et ainsi voilà que nous devions inviter les rejetés,

les exclus de la société comme ceux de l'Eglise :

immigrés que l'on chasse, travailleurs qu'on refuse, comme aussi ceux et celles qui ne sont pas en règle et qu'on excommunie.

=>Au Royaume de Dieu, le repas est gratuit et pour n'importe qui.

 

Alors on comprend mieux quand il a dit aussi :

"Quand tu es invité, ne va donc pas te mettre à la première place mais choisis la dernière. Alors, quand il viendra, le maître de maison dira devant tout le monde : avance donc plus haut."

Et ainsi on saisit qu'il ne s'agit pas là de règles de politesse.

Mais de sa volonté de faire que les derniers soient, chez lui, les premiers,

les pauvres avant les riches, les petits avant les grands.

Alors, vous qui peinez, qui n'avez pas de chance, qui vous sentez rejetés,

gardez donc confiance.

=>Au Royaume de Dieu, le repas est gratuit et vous serez à l'honneur.

 

Désormais, il n'y a plus de "places à choisir".

Il n'y en a qu'une : celle que lui, Jésus, occupe et qu’il veut partager avec nous tous :

« Que là où je suis, qu’ils soient aussi avec moi » :

De la dernière place, de la croix, il nous conduit à la première – droit dans le cœur du Père !

=>Voilà le repas éternel, annoncé et commencé par ses repas de la terre.

 

 

Seigneur Jésus, tu es venu dans le monde

pour servir et non pour te faire servir.

Sans hésiter, tu as choisi la dernière place,

celle que personne ne convoitait.

Tu as pris le parti des petits et des sans-grade.

 

À nos repas de fête, tu nous demandes d'inviter,

en lieu et place des riches voisins,

de nos proches amis de même rang et qui ont de quoi rendre la politesse,

d’inviter les pauvres et les blessés de la vie,

car ceux-là n'ont rien à offrir en retour.

 

Grâce à toi, Fils bien-aimé du Père,

nous découvrons que Dieu est puissance illimitée de générosité,

de tendresse et d'effacement de soi.

« Heureux les invités à ton repas, Seigneur !

Nous ne pourrons jamais égaler ta prodigalité.

Garde-nous dans l’humilité !

 

 

« Garde-nous tout petits devant ta face, simples et purs comme un ruisseau ;

Garde-nous tout petits devant nos frères, simple chemin devant leurs pas !

 

Les mains ouvertes devant toi, Seigneur, pour t’offrir le monde,

Les mains ouvertes devant toi, Seigneur, notre joie est profonde !


Mon fils, accomplis toute chose dans l'humilité, et tu seras aimé plus qu'un bienfaiteur.  Plus tu es grand, plus il faut t'abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.  La puissance du Seigneur est grande, et les humbles lui rendent gloire.  La condition de l'orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui.  L'homme sensé médite les maximes de la sagesse; l'idéal du sage, c'est une oreille qui écoute.

 


15 août 2022



Je ne puis pas m’empêcher d’imaginer, de voir Marie danser en chantant son « Magnificat » ; il me paraît impossible qu’elle prononce ces paroles en se tenant de façon statique : Mon âme exalte le Seigneur… Il s’est penché sur son humble servante… Désormais tous les âges me diront bienheureuse… »

Au cœur de l’été, l’Assomption est un des grands rendez-vous annuels de l’Eglise. Elle met en route beaucoup de monde pour la fête, les vacances et les retrouvailles. Malheureusement nous ne savons plus exactement pourquoi…



Il y a deux manières de célébrer Marie : l’extraordinaire, à la limite du mythologique que beaucoup ne supportent plus, et l’ordinaire, celui de tout être humain en ce monde.

L’extraordinaire nous entraîne dans un déploiement imaginaire et merveilleux qui peut nous agacer, et qui pourtant nous aide à prier. Le texte que nous avons entendu en première lecture est le refrain du chant que nous entonnerons tout à l’heure. « Nous te saluons ô toi Notre-Dame… »

Nous sommes dans le ciel : un monde totalement imaginaire et irréel. Une femme apparaît sur la voute étoilée, elle est vêtue du soleil, la lune est sous ses pieds. Elle est enceinte. Elle est face à un dragon. C’est une étonnante bête rouge, avec dix têtes et dix cornes, qui balaie de sa queue le tiers des étoiles pour les précipiter sur la terre. C’est apocalyptique ! Comme dans les films, les chansons, les jeux vidéo : un monde imaginaire qui parle des combats entre les forces du mal et celles du bien.


Cette femme est au cœur du combat de la vie et de la mort, dans le ciel comme sur notre terre. Nous croyons tous à la vie et nous voudrions qu’elle gagne !

Cette femme met au monde un enfant. Toute la Tradition a reconnu en elle Marie, la mère de Dieu. Elle est la Theotokos, « celle qui porte Dieu ». C’est un dogme de l’Eglise depuis les premiers siècles. Elle crie dans les douleurs et la torture de l’enfantement, comme toute femme depuis la nuit des temps, ce que la Genèse attribue à la faute de l’homme, quand Adam et Eve se détournèrent de Dieu. L’apocalyptique rejoint ainsi le mythologique, mais aussi nous ramène aux réalités de la terre : la souffrance de l’humanité pour qui la vie est difficile, insupportable parfois.  

Marie est la femme, « Eve nouvelle », qui met au monde l’enfant qui sera « le berger de toutes les nations ». Cet enfant c’est le Christ qui apporte le salut à l’humanité.  Cette vie donnée dès l’origine, redonnée et pardonnée grâce à la tendresse miséricordieuse de Jésus, au cœur de l’histoire où se manifestera « la puissance et le règne de notre Dieu ».

Cette femme dans le ciel, la Tradition dit qu’elle est vierge : celle qui est protégée par Dieu de toutes les atteintes du mal, du péché et de la mort. Elle est pure de tous ces maux. De la mort même : le jour de l’Assomption nous faisons mémoire de « son élévation dans la gloire du ciel, avec son corps et avec son âme », comme l’a défini le Pape Pie XII en 1950, dans ce que l’on appelle le dogme de l’Assomption.  

Mais si l’Eglise catholique en a fait un dogme, pour le peuple chrétien, en occident comme en orient, c’était une évidence depuis des siècles que Marie ne pouvait qu’être totalement assumée, assomptionnée en Dieu à la fin de sa vie terrestre comme Jésus son fils. Car elle est la pauvre par excellence ; elle est depuis toujours totalement vide de soi, rien d’autre qu’accueil, acquiescement à la volonté de Dieu comme aiment le souligner Maurice Zundel, saint Bernard et bien d’autres…

Ce vide, cette béance qui permet la fécondité à la vie de Dieu, nous est rappelée par l’image de la grotte, représentée sur les icônes grecques de la Nativité, et dans la symbolique de la grotte de Lourdes. Marie est l’illustration la plus parfaite de la première des béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume de Dieu est à eux ». Elle vivait ce Royaume dès sa vie terrestre, déjà morte à elle-même, vivante en Dieu, pour Dieu. Nous, qui sommes tellement pleins de nous-mêmes, il nous faut encore passer par la mort pour y entrer.

 

La fécondité de Marie s’exerce continuellement jusque aujourd’hui. Marie donne la vie en plénitude, en commençant par son premier-né, Jésus. Elle donne l’amour dans toute sa pureté et tout son accomplissement. Elle est le réceptacle le plus parfait, le plus pur de la vie, comme nous souhaiterions l’être, comme nous souhaiterions que soit notre époux, notre épouse, notre enfant… C’est cela le sens le plus juste de la virginité, ce n’est pas ne pas avoir des relations sexuelles, c’est devenir pauvre de soi-même pour être riche de Dieu, riche d’amour…

La fête et les lectures de ce jour nous ramènent à l’ordinaire de notre humanité. En effet le langage extraordinaire risque de faire de Marie une déesse, et de la mettre au-dessus de tout, de Dieu même. Certaines dévotions, certaines formulations de chants nous interrogent.

La seconde lecture, la lettre de Paul aux Corinthiens, nous dit bien que nous ne sommes pas dans un autre monde : « La mort étant venu par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. » Dans notre actualité nous sommes confrontés à la violence, à la haine, aux injustices…  Jésus les assume jusqu’à la mort et les prend avec lui pour nous aider à traverses ces épreuves qui nous frappent si régulièrement !


La troisième lecture, l’Evangile nous présente Marie dans toute sa simplicité. La rencontre de ces deux femmes, Elisabeth et Marie, dans le récit de la Visitation, si bien décrite par saint Luc, nous permet de contempler celle qui est de notre race, celle qui nous ressemble. Marie est celle qui va voir sa cousine qui en est à son sixième mois, celle qui est, après la mort de son fils, sera présente au Cénacle aux amis de son fils, à leur détresse… eux qui ne comprennent toujours pas. Marie est toujours disponible.

Marie est mère dans les situations humaines qui sont les nôtres… De son enfant elle vit pauvrement la naissance à la crèche, l’itinéraire étonnant et bouleversant de son existence, la mort douloureuse et intolérable… Chacune des mamans de cette terre pourrait faire mémoire de ce qu’elle a vécu avec son enfant… Marie ne comprend pas toujours mais elle médite à chaque instant ce qui lui arrive, elle médite tout cela dans son cœur. Peu à peu la lumière se fait et tout s’illumine au bout du chemin. C’est ainsi qu’Ignace de Loyola, dans sa contemplation de la Résurrection, imagine que le premier être humain à qui Jésus apparaît est, sans aucun doute, sa mère… la première en chemin !

C’est cette mère que l’on vient prier à Lourdes, à Beauraing, à Banneux, où l’on prie la vierge des pauvres… On s’adresse à elle parce qu’elle est mère, qu’elle nous comprend et qu’elle saura parler à son fils, à Dieu, comme à Cana. Elle saura dire les mots qu’il faut pour qu’il nous sauve, pour que nous reconnaissions que sans lui nous ne pouvons rien faire pour sortir de notre mal et des combats infernaux de la vie.


Finalement Marie nous montre le chemin de notre humanité car justement elle n’est pas une déesse. Elle est ce que nous rêvons d’être, l’homme et la femme par excellence… Ce que nous désirons au plus profond de notre cœur : la sainteté dont parle avec tant de bonheur le Pape François.

Marie est ce que nous sommes en réalité. Elle nous montre comment y trouver des signes de vie et d’espérance… Elle nous entraîne à la louange du magnificat, à la miséricorde du pardon.

Marie, par son exemple, nous aide à vivre et à aimer. 

Alors, ne nous lassons pas de la prier ! Amen !

 

(grotte restaurée de l'église St Jean-Baptiste de Mont-Dison)

Voulez-vous une petite histoire pour terminer ? Elle nous montre toute l’humanité de Marie :

Je ne sais pas si vous connaissez Notre-Dame du Laus, près de Gap dans les Hautes-Alpes. C’est un lieu où Marie est apparue de nombreuses fois à une pauvre bergère (encore une !), Benoîte Récurel entre 1664 et 1718. 

Même si vous ne croyez pas aux apparitions (moi j’y crois), j’aime beaucoup cette petite anecdote qu’on raconte dans les manuscrits du Laus :

« La Mère par excellence (un titre qu’on donne là-bas à la VM), voyant Benoîte tomber presque de lassitude, lui dit de se reposer. Alors, Benoîte, qui avait beaucoup de caractère et de spontanéité quand elle s’adressait à la Vierge, elle lui dit : Oui, mais qui va garder alors mon troupeau ?

Alors Marie, elle lui répond : « Reposez-vous, moi je garderai votre troupeau. »


Voyez, par rapport à toutes nos lassitudes de vie, notre Mère du ciel ne nous dit pas « débrouille-toi » ; elle ne dit pas « fais des efforts », elle nous dit : « reposez-vous un peu, et moi je vais m’occuper de votre troupeau. » Cela me parle beaucoup, ça !

Nous pouvons confier – abandonner – complètement à Marie tous nos troupeaux, vos troupeaux d’enfants, vos troupeaux de problèmes, troupeaux de soucis, et les laisser sous la garde de Marie qui veille sur chacun.

Bénis sois-tu Seigneur, en l’honneur de maman Marie.



- 20e dimanche ordinaire C  « Je suis venu apporter un feu sur la terre. »

Ça y est ! Voilà Jésus qui se transforme en pyromane ! Comme si ça ne suffisait pas, avec tous les incendies géants qui ravagent la terre aujourd’hui ?


En fait, Jésus aimait passionnément la vérité et a voulu lui être fidèle au risque de créer de l'opposition jusque dans les liens les plus forts, avec ses plus proches parents ou amis : c'est cela qu'il nous dit dans le passage d'Évangile d'aujourd'hui. Il nous prévient : les disciples qui sont fidèles à la vérité connaîtront la même opposition.

Mais ne confondons-nous pas souvent l’amour de la vérité (qui peut être parfois démangeante ou dérangeante), avec notre amour-propre et la critique gratuite qui blesse, mine et détruit inutilement ?

Si on choisit de suivre l'exemple de Jésus, on bâtit la société, on la transforme seulement avec un coeur qui brûle d'amour. La société du temps de Jésus était drôlement malade et Jésus n'y est pas allé par quatre chemins : il l'a remise en question, mais il n'a jamais appelé à la violence. Jésus n'a jamais acquiescé à la demande de Jacques et de Jean de faire descendre le feu du ciel - parce que vous vous souvenez, un jour il était en route vers Jérusalem un petit village de Samarie a refusé de le recevoir. Et c'est alors que Jacques et Jean ont demandé à Jésus de faire descendre le feu du ciel.  Jésus dit : «  allons dans un autre village».

Le feu, «comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ! »  dit Jésus. « Je dois être baptisé d'un baptême et comme il m'en coûte d'attendre qu'il soit accompli ». Jésus semble impatient et pourtant le baptême dont Jésus parle c'est sa mort, c'est sa vie qu'il donne pour la société. Voilà un véritable engagement, donner sa vie. L'amour est toujours impatient, l'amour est impatient de se donner, de se dire, de s'exprimer, de se partager…

Dans nos communautés, dans l’ensemble de notre société nous avons aujourd’hui la critique facile. Pour discerner s’il s’agit de la « bonne » ou de la « mauvaise » critique, un seul critère : l’amour qui sous-tend la remarque, et la volonté de proposer des solutions positives même si ça n’est pas toujours accepté.

La critique ne peut jamais être fondée sur des préjugés idéoogiques, ni sur des sentiments de rancœur, d’envie, d’étroitesse d’esprit. Sinon, elle ne peut être que blessante, destructrice, dévastatrice, comme ces incendies qui ravagent les forêts un peu partout…

La « bonne critique », en découvrant avec délicatesse l’abcès caché sous l’épiderme, agit sur la société engourdie comme une douche froide qui favorise la circulation du sang, comme un massage énergique qui assouplit les muscles, ou comme un sécateur taille sur le vieil arbre les branches malades ou desséchées afin que l’arbre puisse respirer et revivre grace à des forces neuves.

La critique saine est nécessaire à la vie.

 

J’avais autrefois un jeune vicaire qui avait l’art, comme on dit, de « mettre les pieds dans le plat ». J’ai dû, en éteindre, des incendies qu’il avait allumés derrière lui ! Les plaintes de paroissiens choqués pleuvaient chaque jour chez le curé… je devais tout le temps jouer au pompier. Sacré Jean-Marie ! Tout ça, avec la meilleure bonne volonté du monde, et un sourire un peu naïf, désarmant, je n’arrivais pas à lui en vouloir.

Après coup, des années plus tard (malheureusement il était décédé), j’ai reconnu les conséquences positives de sa franchise : certaines mentalités conservatrices des paroissiens avaient peu à peu évolué, devenant plus ouvertes aux changements nécessaires.

Il y a quelquefois des bons incendies, qui permettent à la nature de se renouveler. Cela vaut aussi pour la vie de l’Eglise, pour la vie de la société tout court. Soyons donc, comme Jésus, de bons « pyromanes de l’Amour » ! Mais sans jouer avec les allumettes…

 

Seigneur Jésus,

Le feu sur la terre,


c'est l'Esprit que tu nous donnes.

Il a éclairé la foi de tes disciples à la Pentecôte.

Il illumine nos vies aujourd'hui.

 

Seigneur Jésus,

fais que nous soyons

tout feu tout flamme pour toi !

 

Ne permet pas que nous nous enfoncions

dans une critique morbide,

en devenant experts en démolition,

 

mais que nous sachions

de façon constructive

et au nom de l’Evangile

contester dans l’amour les erreurs,

pour le bien de l’autre, des autres,

 

et nous serons alors bénédiction

pour tout le corps qui est l’Eglise.

 

Amen.





 HOMELIE DIMANCHE 24 JUILLET - 17è TEMPS ORD. C

« Apprends-nous! »

 

Nous avons une idée assez bizarre de la prière : Certains prient pour que leur équipe de football favorite gagne la coupe … Dieu peut-il exaucer leur prière ? … J'en doute, étant donné que certains en face demandent aussi à Dieu la même chose pour leur équipe : vous me direz qu'à la fin du match, un des deux camps pourra toujours dire que Dieu aura exaucé sa prière…

Comment Dieu fait-il, alors que les uns prient pour la pluie et la fraîcheur parce qu’ils ont besoin d’eau, et que les autres, en un même lieu, prient pour le soleil, parce qu'ils veulent profiter de leurs vacances ? Comment y fait, Dieu ? Ça doit être vachement compliqué pour Lui !!

 

La demande que les disciples adressent à Jésus est bien plus profonde :« Seigneur, apprends-nous à prier ». Telle qu'elle est formulée, la question des disciples laisse penser que nous ne pouvons savoir ce qu'est la prière qu'en imitant Jésus, et en priant comme lui. (En fait, c’est une intuition très profonde : La prière s’apprend par imitation. N’avons-nous pas nous-mêmes appris à prier sur les genoux de notre maman ou de notre mamie ? Je ne remercierai jamais assez la mienne…) Jésus répond à leur interrogation en disant de parler à Dieu dans la prière en le nommant «Père, papa». Dieu est quelqu’un qui nous aime comme un père ou une mère, qui sait ce dont nous avons besoin. Si je ne me situe pas devant lui comme un enfant rempli de confiance et d’audace (sans-gêne), je ne sais pas encore prier.  

Jésus dit que Dieu répond toujours à nos prières. L’exemple dans l'Evangile de l’ami importun qui frappe en pleine nuit chez son ami pour demander du pain, veut nous le démontrer, sauf que Dieu on peut toujours l’appeler en pleine nuit et à n’importe quel moment ; et lui, il ne demande pas mieux que de donner, SI ON LE LUI DEMANDE (car on a peur de demander, on croit qu’on dérange, qu’il a mieux à faire ou qu’il faut marchander avec lui comme Abraham dans la première lecture. A propos, avez-vous remarqué que Dieu, lui, ne négocie même pas dans ce « marchandage » d’arrière-boutique : il tombe tout de suite d’accord, quel que soit le prix ! Quel mauvais commerçant ! 😊

Donc, Jésus dit que Dieu répond toujours à nos prières. Vous n’en êtes pas sûrs ? Vous avez l’impression qu’il ne vous entend pas bien ? que son âge le rend un peu sourd ? Eh bien, détrompez-vous :


-La première réponse est celle à laquelle tout le monde pense en premier; Dieu répond tout de suite: OUI! …Hé oui, ça arrive ! Si, si ! Réfléchissez, vous avez déjà reçu des cadeaux de Dieu. Par exemple, qui (ou que) vous a-t-il déjà donné pour vous accompagner dans la vie ?

-La deuxième réponse est souvent dure à accepter du fait de notre impatience, c'est celle où Dieu nous dit:  Pas encore maintenant ; ATTENDS !  (Vous savez bien, vous les parents, vous devez souvent dire cela à un enfant… « Attends, c’est pas le bon moment ». Alors, on trépigne, on tape du pied parce qu’on veut tout tout de suite !)

Une autre réponse apparaît, au premier abord, comme la plus décevante ; c'est celle où Dieu répond : NON!  Par la suite, mais parfois on ne s’en rend compte que longtemps après, cette réponse s'avère toujours de loin la meilleure pour nous. "CE NE SERAIT PAS BON POUR TOI SI JE TE DONNAIS…" (mettez-vous-même une demande à la place des pointillés.)

-La quatrième réponse est celle à laquelle on pense rarement et qui pourtant est vraiment là: DIEU NOUS DONNE PLUS que ce qu'on lui a demandé. Il met pas de limites car lui, il est généreux. Quand il donne, c’est en surabondance ! "Il comble son bien-aimé", c'est à dire toi, moi, nous...

-Une autre réponse est semblable à la précédente à une différence près. DIEU nous dit : NON ! CAR J'AI ENCORE BEAUCOUP MIEUX POUR TOI !


J’aime bien cette histoire que l’on raconte sur saint François d’Assise : François a fait un rêve dans lequel il était au ciel escorté par un ange. Ils sont passés près d'un entrepôt énorme sur lequel il n’y avait pas de nom. François a demandé à l'ange ce qu'il y avait à l'intérieur. L'ange a dit, "Oh vous ne devez pas regarder là-dedans." Cela a éveillé la curiosité de François et il a donc insisté. Quand l'ange a ouvert la porte, François a vu que l'entrepôt était rempli du sol au plafond avec toutes sortes de bénédictions spirituelles et matérielles. Il a demandé à l'ange, "C'est quoi tout ça, et pourquoi est-ce que vous ne vouliez pas que je le voie?" L'ange a dit, "et bien, je pensais que ceci vous rendrait triste. Vous voyez, ce sont les bénédictions que Dieu était prêt à vous donner, mais vous ne les avez jamais demandées. Vous n'avez pas parce que vous ne demandez pas ; ou vous demandez des choses qui ne sont absolument pas utiles…"

 DONC,

Quelle que soit la réponse de Dieu, il nous répond et sa réponse est toujours la meilleure pour nous ! Car Dieu est un Dieu d'Amour, un Dieu de compassion, un Père pour chacun de nous.

La prière c'est quelque chose qui doit venir du fond du coeur.  Nos prières n'ont aucun pouvoir magique sur Dieu. C'est le dialogue intérieur dans lequel nous parlons tout familièrement avec le Seigneur de tout ce que nous avons sur le coeur: de nos désirs et de nos peines, de nos vies et de leurs joies, de nos amours et de la confiance. La prière se fait de façon spontanée avec des mots simples et personnels. Cette prière atteint le coeur et c'est le coeur qui nous fait agir.

« Cherchez et vous trouverez. » Prier c'est apprendre à reconnaître, au plus profond de nous et dans l'univers, la présence mystérieuse de l'Esprit Saint. À travers et au-delà de tous les mots et gestes de nos prières, nous cherchons un visage, celui de Dieu et le nôtre.

 

Sans doute faut-il nous poser quelques questions, et demander à Dieu de nous apprendre à prier :

Quelle est la place de la prière dans notre vie ?

Quels liens voulons-nous créer avec Dieu ?

Dieu n'est-il pour nous qu'un distributeur automatique ?

Dieu est-il tenu d'accéder à nos requêtes, à toutes nos requêtes :

même les plus stupides parfois ?

Dieu nous doit-il une réponse ?

 

En terminant, voici une simple prière, une prière à ne pas dire avec automatisme.

 

Seigneur, apprends-nous à changer notre regard.

Ouvre nos yeux sur les réalités de notre monde

pour que nous puissions les voir,

pour ne pas les mépriser,

pour ne pas les redouter,

mais pour les accueillir comme un rendez-vous de Dieu.

 

Seigneur, apprends-nous à changer notre regard

sur les certitudes qui nous enferment,

sur les valeurs qui nous rassurent,

sur les autres que nous verrouillons dans nos jugements tout faits!

 

Donne-nous de savoir apporter,

de savoir recevoir,

de savoir demander à notre Père,

de savoir dire à l'autre le besoin qu'on a de lui...

 

Seigneur, apprends-nous à écouter,

à reconnaître les besoins de l'autre,

comme des Paroles de Dieu,

et à ne pas avoir peur de l'inconnu

qui est le visage de Dieu qui vient...

 

Amen !

 




15 ème dimanche ord C - 10/07/22

« Et qui est mon prochain ? »

Qu’auriez-vous répondu à cette question, mes amis ? 

Qui est votre prochain à vous, à moi ?

 .....?

Bien sûr, cela suppose qu’on ait un tout petit peu réfléchi au sens du mot « prochain ». C’est quoi un prochain ? Pour nous aider, je vous donne la définition du dictionnaire :

« Prochain » : 1er sens : Qui est proche, dans le temps ou dans l’espace.

2ème sens : Etre humain considéré comme semblable, proche de soi par la vie ou par les liens sociaux, l’origine ethnique, la culture, la religion…

Synonyme : Mon semblable, mon proche.

 

Alors, qui est concrètement, aujourd’hui, votre prochain ou votre prochaine à vous ? – si l’on tient compte de cette définition – Votre conjoint, votre enfant, vos parents, les gens de votre paroisse, de votre village ou quartier, les membres de votre club artistique, sportif ou de loisir, ou les membres de votre équipe de vie, de mon année d’ordination…

Voilà ! c’est ça, votre prochain. Ce sont les gens qu’on fréquente habituellement et avec qui en principe on s’entend bien parce qu’on partage les mêmes valeurs, la même culture, la même proximité de vie...

 

Bon. Maintenant, revenons à l’Evangile. Vous allez voir comment le sens de ce mot va glisser

-        « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha… »

-        - à ton avis, qui a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ?

 

Vous vous souvenez qu’on disait tout à l’heure que le prochain, c’était celui qui nous était proche par la vie, la culture, le milieu social, les valeurs, etc ?

Alors, qu’est-ce qu’il peut y avoir de plus éloignés, de moins proches l’un de l’autre que ce Juif qui venait de Jérusalem - donc attaché au Temple et à la « bonne » religion, et ce Samaritain membre d’une communauté considérée comme hérétique et que les Juifs détestaient ?  De plus, l’homme blessé à terre et perdant sans doute son sang est impur selon la Loi, ce qui justifie que ni le prêtre ni le serviteur du Temple qui passaient par là, ne se risquent à l’approcher : le tabou du sang est très important pour un Juif

Et ainsi, selon la parabole, c’est un étranger, un païen, un ennemi qui prend soin du blessé, qui s’est approché – donc s’est fait le prochain de l’autre, comme a dû le reconnaître le docteur qui interrogeait Jésus !

 

Quel renversement! Le prochain, ce n’est plus celui qui est proche par la vie et les valeurs, mais c’est celui dont on se rend proche, en réalisant notre commune humanité qui fait casser les barrières sociales, religieuses, et les convenances.

 


L’image du « bon Samaritain » fait partie de notre culture catholique. C’est l’interprétation "morale" que nous connaissons le mieux : Il faut aider son prochain en toutes circonstances, surtout quand il est dans le besoin.

Voici une autre interprétation, qui ne supprime pas la première mais la complète :

 

Imaginez que l’Homme qui descend de Jérusalem vers Jéricho, c’est vous.

Sur ce chemin rocailleux et pénible de la vie, vous êtes attaqué par des bandits qui vous dépouillent et vous rouent de coups.

Ces bandits peuvent être des personnes, mais aussi des événements qui vous ont traumatisés.

Ils vous ont dépouillé : qu’est-ce qui vous a été pris ?  La santé ? De l’argent, de la sécurité ? Un être cher ? La paix du cœur ? L’amour et la joie de vivre ?

Ils vous ont laissé, ces événements, par terre, plein de blessures physiques et morales, déprimé et impuissant.  Vous êtes comme mort.

Des gens passent, dans l’indifférence ou la fuite devant le malheur : des personnes bien-pensantes, religieux certainement, ou peut-être même des amis, des gens proches dont on aurait attendu un secours, une aide.

Ils ne font rien et s’éloignent sans vous toucher du bout des doigts...

Vous les voyez, ces personnes que vous auriez aimé voir à vos côtés.............................?

Et puis, de façon inattendue, quelqu’un s’est arrêté. Quelqu’un s’approche, se fait proche, et vous touche de sa voix et de ses mains avec délicatesse. Il a la figure d’un étranger, d’un inconnu. On fait attention à vous. Votre malheur vous paraît un peu moins insupportable.

Vous voyez, dans votre vie, celui ou celle qui ont été comme le Samaritain de la parabole ?

Vous vous souvenez de ce qu’il ou elle a réveillé en vous, l’espoir, la confiance, le courage de croire en la vie ?

Vous n’oublierez jamais cette personne, son visage est inscrit au plus profond de votre cœur.

Eh bien, sachez que cette personne, ce Samaritain, 

c’est le Christ ! Au travers de celui ou ceux qui se sont approchés de vous, c’est Jésus qui se faisait votre prochain.


Il s’est abaissé en descendant dans notre nature humaine, Jéricho est le point le plus bas d’Israël, pour venir à notre rencontre, et prendre soin de l’Humanité blessée par le péché, de l’homme par terre, de moi, de vous.

Il a versé sur nos blessures le vin et l’huile des sacrements et de sa Compassion,

puis il nous a chargé sur sa monture (la croix, devenue levier d’amour) pour nous confier à l’Auberge de l’Eglise qui est comme dit le pape François, un « hôpital de campagne », un hôpital de guerre où toutes les blessures de l’humain sont soignées avec l’amour même de Dieu…

Peut-être qu'en ce moment, le bon Samaritain Jésus est en train de guérir votre blessure par la Parole que vous avez entendue, par la grâce qu’il a donnée à l’Eglise ? « La parole que je te donne aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur... »

=>Nous avons tous la mission de conduire les hommes souffrants, nos frères, à l’Auberge de la Miséricorde, dit le pape François. De bénéficiaires, nous devenons collaborateurs de la Miséricorde et de la Compassion du Christ.

« Fais ainsi, et tu vivras ! »    






13° Dimanche du temps ordinaire C - 25/06/2022


Est-ce que nous savons toujours distinguer dans notre vie ce qui est urgent et ce qui ne l’est pas ?


J’entendais tout à l’heure sur TV5 monde, la télévision suisse, Bertrand Picard le célèbre scientifique, déplorer que tout le monde politique, mais aussi les jeunes qui manifestent pour le climat, se paient de déclarations unanimes : « Il faut changer, il faut changer pour éviter la catastrophe. » Bien sûr, tout le monde est d’accord. Mais personne ne parle des solutions à mettre en place, on reporte à demain les décisions douloureuses, parce qu’on n’en ressent pas encore l’urgence.

=>Par contre, on dirait qu’aujourd’hui, Jésus, lui, est aux urgences !

à trois personnes qui sont disposées à le suivre, il donne chaque fois un message surprenant :

-Il indique au 1er qui se présente, que lui-même Jésus n’a pas d’endroit où se reposer et donc qu’il ne faut pas s’attendre à une petite promenade bien gentille…

-Il impose au 2ème de renoncer à enterrer son père, car le temps presse et le règne de Dieu n’attend pas.

-Il conseille au 3ème, qui veut faire d’abord ses adieux à ses proches, de ne pas regarder en arrière alors qu’il vient de « mettre la main à la charrue », car le royaume de Dieu n’attend pas.


Avouez, c’est quand même un peu choquant ! Ces messages ne sont pas faits pour encourager les candidats à devenir disciples, n’est-ce pas ! Imaginez qu’on donne cet évangile lors des préparations de baptême, par exemple, où à ceux qui demandent un sacrement, les futurs confirmés ? Qui serait d’accord ?

ATTENTION ! DANGER ! SECTE !  N'est-ce pas ce que toute personne sensée dirait ? D'ailleurs, j'imagine que beaucoup d'entre nous auront déjà mis le bémol : Depuis le temps que nous entendons ces paroles à la messe, je ne connais personne qui ait refusé d'aller à l'enterrement de son père à cause d'elles ! On se dit : "ce n'est pas pour nous, nous on n'est pas des "fous de Dieu", mais des gens raisonnables, heureusement. "

Un couple qui préparait son mariage m’a fait découvrir ce texte autrement. Depuis, j’y vois surtout un avertissement contre la tentation du délai : délai pour éviter de se mettre en route tout de suite, excuse pour différer le véritable engagement… Le fiancé me racontait : « C’est ce que j’ai fait lors d’une première relation avec une autre femme, qui a duré des années. Je me disais : quand j’aurai un boulot stable, quand on aura une maison, quand on sera sûr d’être ensemble, quand on sera d’accord sur les enfants, quandquandalors peut-être on se mariera. Mais en réalité, c’était le symptôme d’une hésitation plus profonde. Et de fait, nous nous sommes séparés au bout de quelques années, constatant qu’on n’arrivait pas à s’engager ensemble. »

Je crois que c'est le nœud du problème que Jésus veut dénoncer avec des paroles fortes, certes, et même choquantes pour qu'elles marquent les esprits et fassent réfléchir.



Ne pas savoir gérer les priorités devient un mal régulier du monde d’aujourd’hui. Jésus avait choisi les siennes, rien ne pouvait lui en faire dévier : « Le visage déterminé, il prit la route de Jérusalem » – en sachant très bien ce qu’il risquait, il avait déjà annoncé sa mort prochaine aux disciples qui ne le croyaient pas. Mais pour lui, rendre visible le Règne de Dieu était la priorité des priorités. Et cela sans passer par la violence, comme l’auraient voulu les 2 frères Jacques et Jean, ce qui est un raccourci dangereux et en contradiction avec le sens du message d’amour.

Comme le fait d’interdire l’avortement aux Etats-Unis, quelles qu’en soient les raisons ou situations concrètes – alors que la vente d’arme de guerre est autorisée même pour les moins de 18 ans ! (Cherchez l’erreur.) Invoquer la volonté de Dieu comme le fait Trump est indécent, car, si la vie humaine est effec-tivement sacrée, il y a lieu de discerner dans chaque cas quelle est la véritable priorité, et ce n’est pas chose facile. Beaucoup de choses entrent en jeu en effet, et imposer par la loi peut aussi être une violence.

 

Nous sommes tiraillés sans cesse par ce que nous croyons être des urgences, ou de fausses priorités que nous absolutisons ainsi. La vie familiale, relationnelle en souffre. Les gens sont malades du stress qu’engendrent les conflits entre de nombreuses soi-disant « urgences » imposées par le mode de vie contemporain. Et ne parlons pas de notre vie spirituelle et religieuse ! Au rayon des priorités, elles seraient plutôt tout au bas de la liste ! 

Un ami me racontait dernièrement qu’à une réunion professionnelle, on devait travailler et réfléchir ensemble une heure sur un sujet assez pointu. Chacun avait son ordinateur portable devant lui. Or, le comportement d’une des cadres de l’entreprise avait stupéfié mon ami :  Pendant une heure elle n’a cessé de répondre à ses mails et messages qui apparaissaient sur l’écran de son ordinateur, sur son téléphone mobile professionnel et sur son téléphone mobile personnel (elle avait posé les deux sur la table !)  et même sur sa montre connectée qui bipait régulièrement au point de l’interrompre dans une phrase pour la consulter et répondre…  



On relèvera que c’est le cas de très nombreux jeunes, une génération hyper-connectée dont la grande crainte est de manquer un seul appel d’un membre de leur groupe…

En fait, ce souci d’être connecté en permanence et de répondre dans l’urgence à tous ses messages les coupe en réalité, d’une présence effective à l’autre et à leur tâche présente…

=>Or, c’est peut-être, si on en croit Jésus, de cette dimension spirituelle que nous négligeons tant, que viendrait l’oxygène qui irriguerait tous les autres domaines de notre vie, en les harmonisant, en les remettant à leur juste place ?

Je me demande même si ce ne serait pas au fond cela, le Règne de Dieu dont parle Jésus ? En fait, quand Dieu est la priorité, au cœur de chaque personne et de la vie sociale, familiale, tout devient en principe équilibré, et les choses s’ordonnent d’elles-mêmes !

Alors que nous célébrons la clôture de l’année AMORIS LAETITIA consacrée au couple et à la famille, famille tellement tiraillée aujourd’hui entre tant de priorités et d’exigences contradictoires, ne devrions-nous pas, quel que soit notre état de vie, opérer un authentique discernement spirituel (= à la lumière de l’Esprit de Dieu) : qu’est-ce qui est urgent et qu’est-ce qui peut attendre ? Qu’est-ce qui est important et qu’est-ce qui l’est moins ?

Savoir dire non aux pressions de la société est sans doute une clé pour discerner l’important et les véritables priorités. Non à tout ce qui aujourd’hui pollue nos boîtes mails, nos agendas, notre énergie.

Mais aussi, comme Jésus, qui le visage décidé, a pris courageusement le chemin de Jérusalem où il allait vivre sa passion, savoir rester en chemin, et se laisser toujours désinstaller, remettre en question, ne pas se contenter des acquis… en étant solidaire de l’humanité dans laquelle nos choix individuels portent conséquence.

« Le monde est en feu… ce n’est point l’heure de traiter avec Dieu d’affaires de peu d’importance » disait Sainte Thérèse d’Avila à ses Sœurs.


Et vous, chers frères et sœurs, quelles sont vos vraies urgences ?

 Prenons un temps de silence pour y réfléchir.



19 juin 2022 - CORPS ET SANG DU CHRIST

DITES : "AMEN !"



Il y a un moment précis, dans la messe, qui devrait attirer notre attention, car nous disons alors une parole énorme, qui pourrait avoir des conséquences extrêmes dans notre vie.

Ce moment solennel, c'est quand nous recevons l'Eucharistie des mains du prêtre ou du ministre de la communion.

Celui-ci dit : " Le Corps du Christ ", et nous répondons " AMEN ".

Ce simple petit mot AMEN est plein de signification : de foi, de promesse et de défi. Cette fête aujourd'hui du Corps et du Sang du Christ nous rappelle le sens de ce mot Amen.  Amen signifie : " Oui, je crois."

"Oui, je crois que ce petit morceau de pain est vraiment le Corps et le Sang du Christ.

Oui, je crois que c'est lui, le Christ, qui fait de nous tous un seul corps, une seule famille. "

 

Ce petit Amen que nous prononçons de nos lèvres, parfois timidement, c'est notre façon à nous, le simple petit peuple de Dieu, de dire oui à ce grand mystère de l'Eucharistie, que les grands savants de la religion essayent d’expliquer dans les gros livres, mais que les simples gens, les petits comprennent intuitivement :  


Ce grand mystère veut tout simplement nous dire ceci : " Nous sommes unis, nous faisons un avec Jésus lui-même. "  Et encore plus que cela : Nous sommes unis, nous, tous les baptisés, nous formons un peuple, une communauté, avec toute la grande famille des enfants de Dieu. "

 

L'Eucharistie de ce jour nous dit le désir de Jésus d'être avec nous, d'être tout près de nous, et même d'être en nous, c'est-à-dire de nous accompagner dans nos profondes peines comme dans nos grandes joies. Il veut vraiment partager toute sa vie avec nous, en nous livrant son Corps et son Sang.

 

C’est le sens de l’Evangile d’aujourd’hui, qui est merveilleusement simple : Jésus qui était suivi par des foules qui écoutaient son message de bonheur, Jésus donc voit que ces gens ont faim. Alors, tout simplement, il va leur donner à manger.


Voilà. L’Eucharistie, c’est d’abord cela : Vivre une convivialité, un partage, une communion de table qui rassasie autant le corps que l’esprit et le cœur, l’âme enfin. Être ensemble pour partager un repas, se soucier (et s’engager) pour la faim des autres : de pain, de dignité, de respect, d’écoute, de justice, de liberté… C’est cela déjà, le Règne de Dieu qu’annonçait Jésus.

Le pain et le vin dans la Bible, sont signes de rassasiement, de bonheur, d’alliance avec Dieu, comme le rappelle la lointaine figure de Melchisédek dans la 1ère lecture.

 

Le pain, sur une table ou sur un autel, veut toujours dire une présence, une disponibilité. 

Il y a quelques temps, dans une de mes paroisses, on fêtait des jubilaires, et j’ai pris une comparaison, peut-être un peu oséeJ’ai dit que la présence réelle du Christ dans le pain de la messe était comparable à celle des époux qui accordent toute leur attention à leur conjoint, comme l’ont fait pendant 50 ans les jubilaires ! Oui, cela aussi c’est une présence réelle ! Ils fêtaient 50 ans de présence réelle l’un à l’autre, et de présence du Seigneur à leur couple. Que c’était beau !


Eh bien là aussi, l’amour aurait pu refroidir ; et le couple sombrer dans la routine puis l’ennui, s’ils n’avaient pas fait l’effort de s’exposer l’un à l’autre, d’être présents réellement l’un à l’autre, chaque jour de leur vie.

 

Alors, comme vous le voyez, il y a des conséquences, quand nous disons Amen au Corps et au Sang du Christ. Si vraiment nous voulons former un seul corps avec lui,

il faut voir à entretenir cette présence réelle de nous avec son Corps, qui est l’hostie, oui, mais aussi le Corps palpable et réel de l’Eglise, des sœurs et des frères

que nous formons ensemble.

Ce Corps, dans un esprit de synodalité, il nous appartient à le renforcer, à le réparer s'il est brisé, et surtout à lui garder son unité. 

Vue ainsi, l'Eucharistie est à la fois un cadeau du ciel, et aussi un devoir et une responsabilité à laquelle il faut veiller, pendant une vie entière.

 

Prions, pendant cette Eucharistie, pour que nous nous laissions conduire par l'inspiration du Saint Esprit qui nous interpelle à chaque fois que les autres membres du Corps de Jésus, l’Église ont besoin de nous dans leur vie.

L'Église est un peuple en marche. Dieu lui a donné des vivres pour le chemin. Que notre communion au pain des forts, aujourd'hui, nous donne un regain d'énergie pour réparer le tissu communautaire de l'Église, afin qu'il soit attirant pour ceux qui voudraient se joindre à nous, et partager ainsi la plénitude de Dieu.

 

« Seigneur, donne-nous de vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps qui est l’Eucharistie, le Pain de vie, mais qui est aussi l’Eglise de tous les baptisés, et même l’humanité qui est appelée à devenir ce Corps, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de ta rédemption. »  AMEN !





5 juin 2022 - PENTECÔTE C



Connaissez-vous la « soupe à l’Esprit-Saint » ?

Si vous allez en vacances aux Açores, cette ancienne possession du Portugal, - par exemple à Ponta Delgada sur l’île de São Miguel -, le dimanche de Pentecôte, il y a une grande fête dans la ville. Le lieu des cérémonies est une petite chapelle, dédiée comme presque toutes les chapelles de l’archipel, non pas (comme chez nous) à la Vierge Marie, mais, curieusement, à l’Esprit Saint !

C’est là qu’a lieu chaque année la distribution de la soupe d’Espírito Santo, avec de la viande et des légumes, destinée aux pauvres et aux isolés. Bel exemple de l’esprit communautaire qui règne dans l’archipel ! Et de spiritualité trinitaire, qui est tout de même fort absente chez nous.

En fait, l’Esprit Saint est le grand oublié de la spiritualité et du culte catholique, redécouvert seulement il y a quelques décennies à la faveur du Renouveau charismatique inspiré du Pentecôtisme américain… Pourtant, il n’a jamais été absent de la plus authentique tradition chrétienne en Occident comme en Orient. En témoigne la séquence de la Pentecôte que nous venons de prier avant la proclamation de l’Evangile - bizarrement elle le précède alors que le nom « séquence » veut dire « suite ».

On n’a conservé que quatre séquences dans le cycle liturgique des fêtes chrétiennes, ce qui en souligne l’importance : Pâques, Pentecôte, Fête-Dieu, Notre Dame des douleurs. Elles ont pour but de résumer et d’actualiser le contenu célébré, avec les mots de sa culture, de son génie poétique, pour le rendre accessible au plus grand nombre. Autrefois, on mémorisait facilement les séquences en les chantant, et la liturgie devenait ainsi une catéchèse simple et active.

Notre séquence de la Pentecôte, le Veni sancte Spiritus, est moins connue que le Veni creator avec lequel elle est souvent confondue. Le Veni creator est chanté à chaque ordination, ce qui souligne le lien entre l’Esprit Saint et les ministères dans l’Église. Le Veni sancte Spiritus est assez différent. Si vous voulez bien, j’aimerais faire parler ce texte de plusieurs siècles pour en exprimer le jus spirituel pour notre prière et notre vie de foi.

« Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière. »

Première chose : Dans cette séquence, on tutoie l’Esprit Saint ! L’Église s’adresse à lui en lui parlant comme à une personne. Or les représentations catholiques de l’Esprit ne nous le montrent jamais que comme une animal (la colombe) ou une chose (le feu, les langues, le souffle, les rayons de lumière etc.).

Il a fallu la redécouverte de l’icône de la Trinité de Roublev en Occident (et le Renouveau charismatique) pour que les catholiques se réhabituent à prier l’Esprit en personne. Et encore, ce n’est pas gagné ! C’est évidemment le culte marial qui a absorbé pourrait-on dire l’énergie normalement dirigée vers l’Esprit… Mais il ne faudrait pas opposer les deux : le culte à l’Esprit Saint en tant que personne divine, et la vénération de la Vierge Marie, la Mère du Christ. En effet, prier Marie et la vénérer signifie aussi rendre hommage au travail de l’Esprit en elle, de sa conception à son Assomption en passant par son Annonciation. Rappelons-nous également que l’Esprit est féminin en hébreu (ruah) : prier l’Esprit, c’est s’adresser à la part féminine qui en Dieu prend soin de ses enfants comme une mère.

Fêter Pentecôte, c’est donc tutoyer l’Esprit pour lui parler comme à une conseillère, une mère, une compagne, « plus intime à moi-même que moi-même » (saint Augustin). Chanter la séquence de Pentecôte, c’est s’adresser à l’Esprit en personne pour lui demander son amitié, sa présence, le lien vivant de communion avec lui qui va féconder toutes nos activités. 

Ensuite, il y a les noms donnés à l’Esprit Saint dans la séquence : « Père des pauvres », « Dispensateur des dons », « Consolateur souverain », « Hôte très doux ».

Père des pauvres : Surprenant ! On est plus habitué à utiliser ce nom de père pour Dieu première personne de la Trinité ! Comme quoi la paternité est une qualité bien partagée entre les Trois.

Les pauvres dans la Bible sont ceux qui n’ont pas d’autres ressources que Dieu pour s’en sortir : pas de fortune, pas d’amis capables de les sauver, pas de défenseur pour garantir leur droit. Est « père des pauvres » celui qui prend soin d’eux, leur fournit concrètement de quoi survivre, les rétablit dans leur droit, leur honneur, leur dignité. C’est Dieu lui-même qui incarne ce titre au plus haut point : « Père des orphelins, défenseur des veuves, tel est Dieu dans sa sainte demeure » (Ps 68,6). « Tu es le Dieu des humbles, secours des opprimés, protecteur des faibles, refuge des délaissés, sauveur des désespérés » (Jdt 9,11).

Attribuer ce rôle à l’Esprit revient à exprimer que le salut des pauvres est dans les liens de communion qui les unissent à Dieu, cette communion vivante nourrie par l’Esprit qui les rend plus forts, leur inspire les paroles et les actes pour se défendre, le courage pour résister…

Prier l’Esprit comme père des pauvres nous prépare à désirer ce lien de communion, en reconnaissant que seuls nous ne pouvons rien. Remède à l’autosuffisance, désir de vivre en communion, le Veni sancte Spiritus nous rend disponibles pour expérimenter l’action du père des pauvres en nous.

- dispensateur des dons : On pense évidemment aux dons de l’Esprit dont on trouve des listes chez Isaïe (Is 11,1-3) puis chez Paul (1Co 12,4-7), et qu’on a mémorisés dans la tradition sous la forme des 7 dons: la sagesse, l'intelligence, la force, la science, le conseil, la piété et l’amour révérentiel de Dieu.

Ces dons manifestent la présence de l’Esprit en nous. Et finalement nous apprenons à passer des dons au Donateur, des grâces offertes à l’Esprit qui en est la source. Jésus nous dit : « si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11,13).

- consolateur souverain : C’est Isaïe encore qui est évoqué dans ce titre : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu… » (Is 40,1). N’ayons aucune honte à désirer être consolé, cajolé par l’Esprit de Dieu comme un enfant sur les genoux de sa mère. Souvenez-vous que l’Esprit est féminin… Mais loin de n’être qu’un repli puéril et narcissique sur soi-même, prier l’Esprit consolateur nous fait aussi ressentir les besoins des autres qui font partie de la même humanité souffrante que nous-mêmes, et suscitent en nous également le désir de les réconforter et de consoler par notre empathie et nos gestes de solidarité. Comme l’écrit le psychiatre Christophe André dans son livre-témoignage : « Voilà six ans, je suis tombé malade, gravement. Comme toutes les personnes menacées par la mort, j'ai trouvé que la vie était belle. Et j'ai découvert que j'avais un besoin immense de consolation. J'ai songé à ceux de mes patients qui revenaient me voir, même quand je ne pouvais les guérir. Et j'ai compris que je leur apportais peut-être alors une douceur, une fraternité, qui les aidait : une consolation. Bien plus qu'un réconfort passager, la consolation est un moyen de vivre et de faire vivre... »

- hôte très doux : L’Esprit est celui qui fait passer de l’extérieur à l’intérieur. De la pratique extérieure de la Loi à la pratique intérieure de l’amour selon Dieu : « aime et fait ce que tu veux » (Augustin). Car l’Esprit habite au plus intime de notre être, plus intime à moi-même que moi-même. Il n’est pas dans les textes, dans les règlements, dans les institutions figées, mais dans le mouvement intérieur, dans la création sans cesse renouvelée, dans la fidélité capable d’inventer et de faire du neuf. Appeler l’Hôte très doux nous fait entrer dans les vues de Dieu, son plan d’amour, et abandonner nos volontés propres qui figent et durcissent les projets que nous échafaudons sans Lui (et parfois contre Lui), au lieu d’y apporter la souplesse et la douceur propre à l’Esprit Saint.

Alors, il y a une série de verbes que la séquence aligne : « Viens remplir, lave, baigne, guérit, assouplit, réchauffe, rend droit, donne… »

- Le premier verbe « viens remplir… » est lié à la Pentecôte : « Tous furent remplis d’Esprit Saint…» (Ac 2,4). L’Esprit de Pentecôte a horreur du vide ! Le vide de sens, le sentiment de vide qu’engendre un travail inutile, le vide d’un couple désuni, le vide d’un cœur qui s’attache trop aux choses et pas assez aux gens etc.

- les 3 verbes suivants sont plutôt liés au baptême où l’Esprit lave du péché en nous baignant dans la grâce, ce qui nous guérit de notre inclination à faire le mal.

- Les 3 verbes qui viennent alors sont liés au renouvellement de l’action du baptême dans le travail de la conversion, travail dans lequel l’Esprit excelle ! Assouplir nos raideurs, réchauffer ce qui est froid et mort en nous, rendre droit ce que nous avons tordu par nos calculs et nos stratégies égoïstes compliquées, voilà l’œuvre de l’Esprit en ceux qui le demandent (et le laissent faire !).

- Les 3 derniers verbes sont un seul en fait : donne. L’Esprit est par nature celui qui donne : le Père au Fils et réciproquement, le baptisé à son Dieu, la grâce au baptisé, la vie éternelle dans les sacrements, les 7 dons qui caractérisent la vie dans l’Esprit etc.

On a ainsi une liste de 10 verbes, ce qui évidemment fait penser à la Loi nouvelle qu’instaure l’Esprit : se laisser conduire par Lui qui est communion, lien vivant d’amour entre les êtres…

En cette semaine de Pentecôte, méditons cette belle séquence ; nourrissons-nous joyeusement de la « soupe à l’Esprit Saint » comme font les Açoriens en partageant avec les démunis, et que cette invocation monte de nos cœurs pour prier dans la joie ou la détresse.

Dès à présent, conjuguons-la à la première personne pour prier en « je », face à face :

Viens, Esprit Saint en mon cœur et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière.
Viens en moi, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de mon cœur.
Consolateur souverain, hôte très doux de mon âme, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, mon repos ; dans la fièvre, ma fraîcheur ; dans les pleurs, mon réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir mon cœur jusqu’à l’intime.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en moi, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui en moi est souillé, baigne ce qui en moi est aride, guéris ce qui en moi est blessé.
Assouplis ce qui en moi est raide, réchauffe ce qui en moi est froid, rends droit ce qui en moi est faussé. Donne-moi tes sept dons sacrés, et la joie éternelle.
Amen !

 



29 mai 2022 – 7ème dimanche de Pâques C

 


Pas vraiment digestes, n’est-ce pas, les textes de ce 7ème et dernier dimanche de Pâques !

On commence par un récit horrible, celui de l’exécution par lapidation d’un disciple, Etienne.

Puis, pour bien nous secouer les neurones, le dernier passage de l’Apocalypse, avec son langage codé qui parle d’ange, de lavage de vêtements, d’alpha et d’omega, etc.

Et pour couronner le tout, l’Evangile est une espèce de long monologue très dense sous forme de prière où chaque phrase demanderait 10 minutes de réflexion.

Ouf ! C’est un peu lourd sur l’estomac, n’est-ce pas ? On préférait les petites histoires où Jésus parle de la petite graine qui pousse toute seule, la brebis égarée et retrouvée, l’histoire du père et de ses deux fils… 

Les textes d’aujourd’hui donneraient il est vrai du grain à moudre à ceux qui depuis des années répètent qu’on devrait expurger la liturgie de tous les passages incompréhensibles, rébarbatifs et « qui n’apportent rien ». Pourquoi ne pas les remplacer par des textes profanes, d’ailleurs ? Il y en a de très beaux, bien plus parlants… !

J’entends régulièrement ce genre de réflexion. En fait, ce que ces gens (que je respecte par ailleurs, parce que je peux saisir leurs difficultés) – ce que ces gens demandent, c’(est du « fast-food spirituel ». Non pas de la grande cuisine gastronomique, mais du « Mac Donald » rapide et sans effort. Mais aussi, hélas, sans goût et sans valeur nutritive !

J’entends bien la difficulté de s’approprier des textes qu’on perçoit comme anciens et donc dépassés, surtout si on n’a pas les clés de compréhension – le gouffre culturel s’accroît de plus en plus ; mais le problème à mon sens, est d’abord et surtout pour le croyant d’aujourd’hui, de passer de la conception des textes sacrés comme si c’était une langue morte, parlant de réalités qui ne sont plus celles d’aujourd’hui – à une conception de ces textes comme une Parole vivante et qui donne Vie, car en prise avec la réalité concrète de tout être humain aujourd’hui. 

Cette compréhension ne peut se faire que dans une méditation assidue où j’écoute avec ma raison mais aussi avec mon cœur Dieu me parler au travers de ces textes, et que je prends le temps de laisser cette parole descendre en moi et y faire son travail – souvent en bousculant mes idées, mes croyances, mon confort moral et intellectuel. La Parole est avant tout rugueuse, décapante, comme un glaive à deux tranchants, disait St Paul. C’est pourquoi on cherche tant à la polir, à l’adoucir, à l’élaguer de tout ce qui dérange… ou qu’on n’a pas trop envie de comprendre parce que ça remettrait en question le bricolage théologique que l’on s’est construit.

Enfin, dernier obstacle à la réception de la Parole de Dieu contenue dans ces textes : la perte du sens poétique dans notre société matérialiste et fonctionnelle. Or, la Bible est imprégnée de poésie, qui est un langage indirect pour dire ce qui n’est pas de l’ordre matériel comme la beauté, l’amour,… et bien sûr Dieu.



Mais revenons à nos moutons ! Je veux dire, à la Parole donnée ce dimanche à tous les disciples du Christ.

Ecoutons le Rejeton, le Descendant de David, l’Etoile resplendissante du matin nous parler !

« QU’ILS SOIENT UN » , répété quatre fois.


Vous savez quelles sont les forces qui régissent l’univers physique ?

-        La force de la gravité

-        La force centrifuge et la force centripète (sont un effet de la 1ère)

-        La force électromagnétique

-        La force d’inertie


La principale est la force de la gravité découverte par Newton. C’est grâce à elle que nous tenons debout sur la terre. Elle se manifeste par un équilibre entre les forces d’attraction et de répulsion entre tous les corps physiques, suivant leur masse et leur distance. Grâce à ces forces, l’univers se déploie en une danse céleste où tout se tient.

Or, qu’en est-il de l’homme et des sociétés qu’il tente de construire ?

Il y a, constate-t-on, dans les volontés humaines de s’assembler et de vivre ensemble en s’organisant, des phases de construction et des phases de dissolution et d’éparpillement.

Par exemple, on peut citer le projet européen. Il y a à l’œuvre dans tous les projets de société, à la fois des forces centrifuges (qui rassemblent et unifient) et des forces centripètes (qui dispersent comme le Brexit). Tantôt ce sont les unes qui dominent, tantôt ce sont les autres.

Les dictatures et les totalitarismes avec les guerres qu’elles génèrent sont souvent un moyen employé pour unifier par la force, en niant les différences. On crée une unité artificielle, qui finit généralement par exploser un jour.

Or le projet de Dieu est différent. Il s’agit de créer une unité entre tout le genre humain, mais à l’image de la Trinité, c’est-à-dire sans confusion des personnes ni des peuples. Les identités sont fondamentales, si elles ne s’opposent pas mais se complètent et s’enrichissent mutuellement.


Or, on a bien conscience que c’est très difficile -pas seulement de faire cohabiter des gens qui ont des cultures, des histoires, des mentalités différentes, mais aussi de leur faire prendre conscience qu’ils sont une seule humanité - une famille, et qu’ils sont donc appelés à vivre en frères avec tout ce que cela comporte ! A fortiori s’ils sont chrétiens. L’unité des chrétiens doit refléter l’unité des personnes en Dieu. « Qu’ils soient un, comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi. »

Ce n’est pas gagné ! Les divisions, les clans, les fractures entre les chrétiens chez nous où ailleurs restent criantes et sont un contre-témoignage.

Je pense que c’était une des préoccupations majeures de Jésus, juste avant sa Passion. Il devait se demander, connaissant l’Homme et ses tendances « centrifuges », quelle sera la suite après son départ ?

Il a entraîné ses disciples, il les a mis en route pour continuer de bâtir son Royaume ; vont-ils continuer à marcher ? Vont-ils rester unis entre eux, et eux avec lui après son départ ? On comprend que ce souci le taraude…

D’où cette prière si forte et émouvante : 


« Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais aussi pour tous ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé, et que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux. »

:=> Jésus implore pour nous cette grâce inouïe de vivre entre nous ce qui caractérise la vie qu’il partage avec son Père. En Christ, nous apprenons que la vie de Dieu est communion, communauté d’amour et de joie. Jésus demande pour nous la même communion et la même joie… Cette unité demandée par Jésus est un service que la communauté chrétienne doit rendre au monde, pour que tous les hommes découvrent enfin qu’ils sont faits pour vivre en alliance les uns avec les autres et non en guerre les uns contre les autres

Pourquoi est-ce si difficile de vivre ensemble, d’accepter nos différences et même d’en faire des atouts ? 
J’aime cette comparaison avec un puzzle. Toutes les pièces sont différentes. Et en fait, lorsque les pièces de puzzle acceptent leurs places respectives en s’ajustant aux autres et qu’on ne cherche pas à les forcer à entrer dans des cadres qui ne sont pas les leurs, elles forment une unité et offrent un dessin harmonieux.

Travail immense et d'une importance capitale pour l'avenir du monde. On peut rêver que, si, à l’époque, au lieu de se cramponner dans un patriotisme chauvin, les communautés chrétiennes de Belgique, de France, d’Italie et d'Allemagne avaient refusé de hurler les slogans guerriers, si elles avaient dit : « Nous sommes, tous, UN en Christ : nous ne pouvons nous tirer dessus », peut-être n'y aurait-il pas eu ces deux épouvantables carnages de 14-18 et 40-45 ? L’exemple d’Etienne, préférant pardonner à ses bourreaux comme son maître…

Dans la longue histoire des chrétiens et des peuples, des multitudes se sont un jour découvertes séparées, parfois sans même en connaître le pourquoi. Aujourd’hui il est essentiel de tout accomplir pour que le plus grand nombre de chrétiens, souvent innocents des séparations, se découvrent en communion et le vivent réellement.

Et pour cela, peut-être nous faut-il commencer par faire l’unité en nous-mêmes car, souvent, nous sommes des êtres divisés, tiraillés, écartelés entre notre désir d’être chrétiens, de vivre réellement de la foi au Christ et toutes les pesanteurs, les lourdeurs de nos existences.

« Comment vous assurer que Dieu vous a donné son Esprit ? Interrogez vos entrailles » conseillait Saint Augustin. « Si elles sont pleines de charité, vous avez l’Esprit de Dieu ! »

La foi en Jésus ne nivelle pas. Elle ne nous oblige pas à être toujours du même avis. Ce que le Christ attend de nous c’est que nous apprenions à dialoguer, à écouter l’autre, à reconnaître ses qualités et ce qui fait la valeur de sa vie. Si nous prétendons avoir toute la vérité, il ne pourra pas y avoir de vraie rencontre. C’est essentiel au moment où dans la reconstruction du paysage paroissial chez nous et dans tous les diocèses, nous sommes tiraillés entre l’ouverture à l’ensemble de la « chrétienté », les UP, le doyenné, et le repli frileux sur nos clochers.

Bien sûr, il y aura toujours des tensions à gérer, des problèmes à résoudre dans nos communautés, nos paroisses… Oui bien sûr, mais en même temps, nous devons éviter de réduire ces paroles de Jésus à une simple exhortation à être tolérants entre nous. Ce qui est en jeu c’est l’unité en Dieu. Jésus prie pour que nous soyons vraiment incorporés dans ce mouvement d’amour qui unit le Père, le fils et le Saint Esprit.


En cela, Marie qui a formé le cœur de Jésus, qui l’a formé pour Dieu sans le moindre désir de possession, de garder son fils pour elle, Marie peut nous introduire dans cette vie d’union à Dieu et aux autres, faite de gratuité et de don, d’offrande de soi comme elle l’a elle-même vécue. Marie n’est pas avant tout la « Reine couronnée au ciel », mais d’abord tout simplement la mère de Jésus le Messie. Mais si ce Messie est l’alfa et l’oméga de notre vie en tant que chrétiens, notre joie et notre reconnaissance doivent aussi se retourner vers elle qui a été beaucoup plus que la source biologique de son existence. Marie nous apprend à être pour Dieu, nous aussi, des fils et des filles en Jésus Christ, et des frères et des sœurs entre nous en vivant dans l’Esprit.

Que notre unité, nourrie du pain de l’Eucharistie, dise au monde l’amour dont le Christ nous a aimés.
Amen, viens Seigneur Jésus !



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 6ème dimanche de Pâques

 

« Si quelqu'un m'aime,  il gardera ma parole...

Celui qui ne m'aime pas ne gardera pas mes paroles. »

 

Le mot « garder » dans la traduction a cette signification, non pas d’enfermer – comme dans un coffre, mais d’être fidèle à .   

Mais que veut dire « être fidèle » ? Selon le dictionnaire, celui qui est fidèle « manifeste de la constance dans ses relations, il ne varie pas, il ne s'écarte pas de ses engagements ».

 

Dans l'Église, certains comprennent que, pour être fidèle, il ne faut surtout rien changer à la « tradition », à ce qui se faisait autrefois. Mais une telle compréhension de la fidélité ne peut qu'aboutir à un immobilisme qui empêche la vie.

 

Les Actes des Apôtres, en ce dimanche, nous racontent la crise qui surgit dans l'Eglise à ses tout débuts. « Certaines gens venus de Judée vou­laient endoctriner les frères de l'Eglise d'Antioche en leur disant : "Si vous ne recevez pas la circoncision selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. " Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves entre ces gens-là et Paul et Barnabé. Les Apôtres réunirent alors les anciens et toute l'Eglise. On finit par choisir une solution de compromis. Les païens devenus chrétiens devraient « s'abs­tenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang ou de la viande non saignée et des unions illégitimes ».

Cet épisode, pris sur le vif, nous montre que les Apôtres, qui étaient tous Juifs, ont compris que la vraie fidélité à Jésus leur deman­dait d'abandonner certaines de leurs certitudes les mieux ancrées en eux et de dépasser la tradition juive. Ils se sont mis à l'écoute de l'Esprit Saint qui les conduirait comme dit Jean, << vers la vérité tout entière ». Remarquons encore que si, par la suite, l'Eglise avait résisté à l'Esprit, nous devrions, aujourd'hui encore, ne pas manger du sang ou de la viande non saignée !

 

La fidélité n'est donc pas une fixation sur le passé, une répétition servile des choses anciennes. Jésus lie la fidélité à sa parole, à l'amour que nous avons pour lui. L'amour est un don, mais il est aussi à construire, à inventer chaque jour. Cette créati­vité est source de vie. Elle se déploie dans la lumière de la parole de Dieu. Mais cette Parole nous rejoint dans les diverses circonstances de notre vie. Et nous savons que nous sommes encore en chemin. C'est finalement à nous d'inventer, avec la lumière de l'Esprit et en Église, notre manière, personnelle et communautaire, d'être fidèles à Jésus. Devant la tentation de revenir en arrière, n'ayons pas peur « d'avancer au large ». *

 

Les Apôtres étaient conscients que, lorsqu’ils étaient réunis et qu’ils priaient ensemble pour chercher la volonté de Dieu, ils étaient inspirés. D’où cette expression quand même extraordinaire : « L’Esprit-Saint et nous-mêmes, avons décidé de ne pas imposer… »

Il y a eu par la suite dans l’histoire bien d’autres décisions importantes que l’Esprit Saint prendra de concert avec toute l’Église, comme par exemple lors du Concile Vatican II. Mais est-ce que d’autres décisions n’attendent pas l’Eglise aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre en ce début du XXIè siècle ?

On pense évidemment au célibat des prêtres dans l’Église latine, sujet qui revient régulièrement sur le tapis sans que cela évolue concrètement. Mais il y a bien d’autres domaines où le sensus fidei, le « sens commun des fidèles » pourrait être appelé à jouer un plus grand rôle dans les orientations importantes de la vie de l’Eglise.

Plus généralement, l’enjeu de la codécision « Esprit Saint <–> Église » se joue dans l’équilibre entre l’autorité légitime des pasteurs et du magistère des évêques, et la participation du plus grand nombre aux grandes et petites décisions dans nos paroisses, nos mouvements, nos équipes,  nos diocèses. C’est un exercice qui n’est pas facile ! Mais là aussi les chrétiens ont un témoignage à donner, vis-à-vis de la société civile.

Se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint qui parle à travers des événements, solliciter chacun selon son intelligence et ses charismes, débattre et faire un vrai travail de consensus pourrait nous permettre de dire fièrement nous aussi, à tout niveau de la vie de l’Église : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé que… »

Je nous invite à la prière :

 

Ta mission s'achève, Jésus. Tu retournes vers le Père.

La fête de l'Ascension va nous rappeler ton départ.

Ce que tu disais alors à tes disciples, tu le dis à nous aujourd'hui.

Si quelqu'un m'aime, II restera fidèle à ma Parole.

Tu as passé ta vie à nous dire l'amour du Père.

Tu nous as manifesté cet amour par tes paroles, par ton comportement...

Tu le rappelles à tes disciples avant de les quitter...

et à nous aujourd'hui :

Au fond de notre cœur, tu nous redis -Je suis avec vous, tous les jours!

Par l'Eucharistie, tu viens sans cesse intensifier cette présence.

Comment rester dans la crainte, l'inquiétude, avec une telle présence ?

L'Esprit Saint vous enseignera tout...

Oui, envoie-nous ton Esprit, Seigneur ! Qu'il nous rappelle tout ce que tu nous as dit, et qu'il nous donne de le comprendre toujours plus pour mieux en vivre !

Qu’il éclaire toutes nos décisions et nos choix, pour le bien de ton peuple. Amen. *

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Pâques est à danser !  (homélie de la nuit et du jour de 

Pâques 2022)

 

Pâques, enfin ! Pâques tant attendues, durant tout ce long carême, ce long hiver où nous avons enduré le froid, la pluie, le vent, le Covid, et bien d’autres difficultés, désagréments, tristesses, deuils….

Pâques, enfin ! La lumière éclate sous un soleil enfin généreux, la nature s’est éveillée et nos corps engourdis bougent enfin, …ceux des petits enfants qu’on ne peut plus retenir à l’intérieur, ceux des sportifs qui sortent untel son vélo, tel autre ses chaussures de jogging, ceux des vieillards dont les yeux fermés se déplissent et dont les membres se déraidissent sous une chaleur nouvelle…

Tout bougecomme dans l’Evangile : la pierre du tombeau est roulée, Marie-Madeleine court, Pierre (et Jean) galope(nt), et les cœurs battent à se rompre. Les têtes sont bouleversées, les jambes remuent…


Un corps absent fait danser le monde entier !

Car, mes amis, Pâques est à chanter, bien sûr ; et on va s’égosiller à chanter des « Alléluia », des chants de vie et de joie, mais Pâques est aussi et peut-être avant tout à danser !

La Foi passe par le corps. Les catéchumènes -ceux qui se font baptiser adultes- le savent bien, eux, quand ils descendent dans l’eau baptismale pour ressortir, tous neufs, comme Jésus sortant du tombeau.

Pâques est à danser. Si vous connaissez la célèbre cathédrale de Chartres, vous savez qu’il y a en son centre un « labyrinthe ». Vous êtes obligés de passer par lui pour aller vers l’autel.

En réalité, ce n’est pas un labyrinthe où l’on se perd, mais un long, très long chemin sinueux dont les circonvolutions conduisent immanquablement au motif floral du centre, même si parfois on a l’impression de revenir au départ.

Certains attirés par le caractère ésotérique du labyrinthe le suivront précieusement, parcourant les 261,55 m des volutes serrées les unes contre les autres comme s’ils parcouraient les années de leur existence humaine, à la manière d’un mandala nous ramenant à notre centre de gravité intérieur. D’autres y devineront, et ils ont raison, un cheminement de type initiatique, où le futur baptisé passe de la nef à l’autel en étant initié aux mystères du Christ.

En fait, sans le savoir, vous êtes là… sur une piste de danse !
On a retrouvé un vieux texte datant de 1393 qui décrit un usage liturgique étonnant à nos yeux mais assez courant au Moyen Âge :

Le lundi de Pâques, le doyen du chapitre, portant une balle pelote de couleur jaune, empruntait le labyrinthe sur un pas à trois temps, au rythme de la séquence chantée de Pâques, le Victimae paschali laudes entonné par un chœur. Les autres chanoines, se prenant par la main, suivaient en menant une danse autour du labyrinthe. Pendant ce temps, à plusieurs reprises, la balle jaune est transmise et jetée aux choristes qui se la renvoient…

Si nous avons l’impression d’un ‘jeu’, en réalité cette danse représentait symboliquement l’une des vérités essentielles de la foi chrétienne : la résurrection du Christ.
Dans cette sorte de chorégraphie, le Christ représenté par le doyen traverse les enfers (le labyrinthe), affronte Satan, triomphe des puissances de la mort, offrant sa lumière (la balle jaune) à tous ceux qui sont prêts à la recevoir : soit un chemin sûr vers la vie éternelle. Le Christ, à Pâques, devient le premier né d’entre les morts. Tous les hommes et femmes, au fil de l’année, sont invités à le suivre.

Tout cela se faisait dans une atmosphère de joie et de danse, dans les chants et les rires. On est loin de l’atmosphère compassée – confinée – de certaines des célébrations catholiques d’aujourd’hui !

Quand je vous disais que Pâques est à danser ! Comme jadis le roi David devant l’arche d’Alliance ! (ce qu’on n’a pas manqué de lui reprocher)

Si l’on veut un autre exemple, la « Fête des Fous », très populaire au Moyen-Âge, était également une manifestation semi-religieuse, semi-profane, à laquelle les ecclésiastiques participaient activement. Elle est attestée dans beaucoup de villes du Nord de l’Europe dès le 12è siècle et perdure encore aujourd’hui dans certaines villes comme à Ste-Walburge à Liège.  Elle donnait lieu à des processions et des farandoles, parfois un peu largement arrosées, il faut le reconnaître !  En Côte d’Ivoire, il existe même une danse pratiquée dans les églises qu’on appelle « la danse endiablée » !

- Pourquoi faut-il que toute manifestation religieuse soit obligatoirement rigide, froide, sérieuse, immobile ? Bien sûr, on ne va pas danser la polka le Vendredi Saint ! Le climat est différent, il est alors au recueillement. Mais tous les dimanches, on fête la Résurrection du Christ : est-ce que ce message de joie ne s’adresse qu’à l’esprit, et pas au cœur et au corps ?

Nous ne sommes pas que des cerveaux. Nous avons besoin d’exprimer par le corps, les mains, les pieds, les jambes, la bouche, ce qui nous rejoint profondément. Les enfants le comprennent tout naturellement, eux qui ne dissocient pas leur corps de leur tête. Les liturgies avec eux sont actives et participatives, la Foi passe par le corps, les sens !

La quête des œufs de Pâques dans le jardin par les enfants répond à ce même besoin. Belle intuition : pour que Pâques devienne une fête populaire, il faut qu’elle passe par le corps. 


Et quoi de mieux que la danse pour vivre Pâques comme un élan, une dynamique, une joie de tout l’être ?

Il faut faire bouger Pâques ! Le témoignage des croyants d’aujourd’hui comme de ceux d’hier passe par là. Marie-Madeleine, Jeanne, Marie de Jacques, Pierre, Jean et les autres, nous entraînent dans la danse qui soulève et fait rouler les pierres des tombeaux.

Êtes-vous prêts à courir, à vous mettre en mouvement, mes amis ? Une foi immobile est une foi qui meurt, qui est morte.



Vous savez, la foi pascale, la foi en la Résurrection n’est pas une vérité objective qui s’impose de l’extérieur et à laquelle il faudrait se soumettre (comme en islam). C’est un dialogue, que le jeu du labyrinthe met en scène entre le célébrant et l’assemblée, entre les apôtres et Marie Madeleine, comme la balle jaune qui fait la navette entre le doyen et les fidèles autour du labyrinthe pour les y faire entrer.

Car d’après la séquence de Pâques, c’est bien « en chemin » que Marie a vu les signes de la Résurrection, et non au tombeau vide : « Dis-nous Marie-Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? » Indice précieux : c’est le témoignage de ceux qui ont déjà parcouru le chemin de la Foi qui éclairera les futurs baptisés.

Marie-Madeleine parle de sépulture, d’anges, du suaire, des vêtements. 

Et nous, qu’allons-nous répondre à ceux qui nous demanderont, curieux de notre parcours et peut-être inquiets du leur : « Dis-nous, qu’as-tu vu en chemin ? »

Cette interrogation est également celle de nos contemporains, de nos enfants, et nous leur devons une réponse. Cette réponse n’est pas une vérité à apprendre ou imposer, c’est un témoignage qui appelle les autres à s’engager eux aussi sur le chemin pascal, fût-il long et sinueux comme le labyrinthe de Chartres.

Mes sœurs, mes frères dans la Foi,

comme David devant l’Arche, comme les catéchumènes du labyrinthe de Chartres,

comme les enfants sautant de joie en trouvant les œufs colorés dans les jardins,

dansons la joie immense de ce jour sans pareil !

Que tout notre corps exulte !
Que la balle jaune du jeu christique nous entraîne sur son chemin de vie !

 

(lancer de balle dans l’assemblée)





5ème DIMANCHE DE CAREME C : "UNE PIERRE"

 



En écoutant l’Evangile de ce dimanche, qui parle d’un adultère, première surprise : il n’est question que de la femme. Où donc est passé l’homme ? Autant que je sache, pour un adultère, il faut être deux, non ?

Deuxième surprise : l’énormité de la sanction. La lapidation, être tuée à coup de pierres ! Cela nous semble barbare, et nous fait penser à Daesh et aux exécutions publiques chez les extrémistes islamistes.

Il faut se remettre dans le contexte, ces lois ont été formulées il y a très longtemps, dans une société patriarcale, c-à-d dirigée par les hommes, et destinées à garantir la descendance des mâles, leur progéniture. Si l’adultère est un péché, il l’est surtout du côté de la femme.

Il faudra beaucoup de siècles, et surtout l’influence du christianisme, avant que ces différences de traitement entre les deux genres s’équilibrent progressivement. Et on n’est sans doute pas encore au bout ! 

On voit bien comment les pharisiens veulent enfermer Jésus dans un piège ; il s’en sortira très habilement en renvoyant chaque accusateur à sa propre conscience.

Mais je voudrais élargir le propos en revenant sur cette pierre destinée à lapider la femme devenue un objet, un prétexte.

Nous tous, chacun, nous avons souvent une pierre dans notre main, ou derrière notre dos; un stock de pierres que nous sommes prêts à lancer!

Nous nous promenons partout avec : au bureau, à l'atelier, à l'école, à la maison, en vacances ou même à la messe!

Nous sommes prêts à les jeter contre tout le monde : les politiciens qui tombent dans les "affaires" de coruption, les services publics qui ne font pas leur travail, les patrons qui exploitent le personnel, les syndicats qui font du "blocage", les enfants qui sont insupportables, les parents qui démissionnent, les vieux qui radotent, les enseignants qui font grève, les curés qui font les messes trop longues, les paroissiens qui ne prient plus, etc, etc. Vous n'avez qu'à mettre vous-mêmes les guillemets; on se reconnaît tous dans ces discours!

Que de pierres!!! Et bien sûr, nous les jetons souvent volontiers sur quelqu'un qui ne peut pas se défendre, parce que par exemple il n’est pas là : c'est plus facile.

...."Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre!"

=> Cela devrait déjà suffire pour qu'on s'interdise, radicalement, une bonne fois pour toutes, de JUGER, ou pis encore, de SALIR, DETRUIRE, CALOMNIER quelqu'un. Mea culpa, ayons du moins la sagesse de ces juifs qui, les plus âgés d'abord, partirent l'un après l'autre, après avoir regardé dans leur propre coeur.

Mais ne tombons pas dans le moralisme! Ce n'est pas une simple leçon de tolérance que donne le Christ ; d'ailleurs il est clair que Jésus condamne l'adultère : "Ne pèche plus"!

En fait, Jésus refuse de ne voir en cette femme qu’un objet, qu'on lui présente afin de pouvoir, lui, l'accuser. Il voit en elle la personne humaine , sa peur, sa honte, son désespoir...

Il se baisse et trace des traits sur le sol. Son silence est éloquent : « je ne veux pas entrer dans votre petit jeu. »

Quand il se redresse, c'est pour amener les accusateurs à leur propre conscience : « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. »

Il leur laisse la possibilité de partir, l'un après l'autre, discrètement, avec sans doute de la honte dans leur cœur.

Là, il peut à nouveau se redresser et parler à cette femme restée seule en face de lui.

Maintenant, ce n'est plus une femme-objet, un prétexte, ce n'est plus une de "ces femmes-là", c'est quelqu'un, un être de chair et de sang, avec ses faiblesses et ses richesses.

"Moi non plus je ne te condamne pas. Va !"

Jésus ouvre un avenir à cette femme.Il lui rend sa dignité, il l'invite à vivre dans la dignité:

"…et désormais ne pèche plus"


En ce temps de Carême, Le Seigneur nous invite à nous redresser, à tourner nos regards vers la joie de La Résurrection. Pour cela, nous avons un sacrement : un signe que Jésus a donné à l’Eglise, qui réalise cette guérison intérieure de notre être blessé et blessant. Nous aurons l’occasion de vivre ce sacrement mercredi prochain, le 6 avril à 19h en l’église St Laurent, avec toute notre UP. 

Au lieu de ruminer nos péchés ou, pire, ceux des autres, redécouvrons notre dignité et vivons dans la tendresse de Celui dont la seule loi est l'amour. Laissons-nous surprendre par ce don gratuit de la miséricorde comme la femme de l'Evangile, don qui rejaillit sur nos propres relations et tire le monde du côté de la paix...   

Amen !




HOMELIE 4è DIMANCHE DE CARÊME :  « REVENIR… À LA FRATERNITÉ ! »

 


On présente souvent la parabole de ce dimanche comme une parabole de la miséricorde, ce qu’elle est assurément. Mais on oublie que c’est aussi et d’abord une parabole de la fraternité humaine et religieuse, qui condamne tout séparatisme et exclusion. C’est là je crois l’enjeu principal de cette parabole qu’on appelle habituellement la Parabole du fils prodigue, ou du Père miséricordieux, mais dont le véritable nom devrait être la « Parabole des deux fils ».

Elle peut d’ailleurs nous inspirer, en ce moment où deux peuples, proches par l’histoire, la culture et la religion, se livrent pourtant une guerre fratricide.


Pourquoi en effet Jésus invente-t-il cette histoire des 2 fils
 ? Parce que les pharisiens – l’équivalent des juifs orthodoxes ou des salafistes musulmans d’aujourd’hui – lui reprochent de se mélanger avec tout le monde, même avec les pécheurs notoires : « cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et va manger avec eux ! » Les pharisiens – dont le nom signifie séparés - sont ainsi appelés parce qu’ils se coupent des autres et vivent entre eux au nom de la pureté rituelle.

Voilà bien le scandale : Jésus ose se mettre à table avec les mauvais juifs, avec les païens, les voleurs, les collabos et les prostituées ! Or, pour les juifs, on ne peut se mettre à table qu’avec ceux qui observent la Loi, on ne doit pas être vu en mauvaise compagnie sinon on devient impur. Exactement le contraire de ce que fait Jésus ostensiblement ! Souvenez-vous de Marie-Madeleine, de Zachée, et de bien d'autres...  

Il casse un tabou, en mettant sur le même pied les gens bien, les purs, les obéissants - et les gens de mauvaise réputation et de mauvaise vie : tous enfants de Dieu, en fait ! Même celui qui semble le plus perdu, le plus loin (en apparence) de Dieu. Il canonise même in extremis sur la croix le larron qui avait sans doute enfreint tous les commandements. Ainsi, le paradis de Jésus est-il rempli de pécheurs pardonnés, là où le paradis du Coran, de la Tora ou des intégristes est réservé aux croyants obéissants…

Dans notre parabole des deux fils, le fils aîné provoque la même fracture : il refuse de se mettre à table avec son frère pécheur, et se scandalise que le veau gras soit offert au rebelle, revenu par intérêt, et non au fils fidèle. Pour lui, la Loi prime sur la fraternité. Le fils aîné s’enfermera dans son refus, au nom de sa conception de la justice et de son bon droit. Ce faisant, il se coupe de la fraternité et ne peut partager la joie du Père.

N'agissons-nous pas souvent pareillement ?  

Ne nous considérons-nous pas généralement nous-même comme de bons chrétiens ; en tout cas, pas mauvais, parce que nous suivons en gros les prescriptions de l’Eglise, nous avons fait nos communions, nous allons régulièrement à la messe, nous donnons à la collecte du carême de partage… Bref, nous sommes « du bon côté », celui du fils aîné de la parabole.

Ce faisant, sans nous en rendre compte, par notre bonne conscience nous érigeons une barrière derrière laquelle nous plaçons tous les autres, ceux pour qui nos églises ne sont pas faites, et que Jésus fréquentait continuellement : les possédés, les lépreux, les samaritains, les pauvres et les pécheurs, les voleurs et les malades dans leur tête… Et nous pratiquons l’entre-soi où il fait si bon de se retrouver entre gens pareils qui se renvoient sans cesse les uns aux autres leur bonne image de soi ! On est loin des « périphéries » dont parlait le pape François.

Mais voilà, Jésus n’en démord pas : « je suis venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus ». Et malheureux sont ceux qui se croient sauvés par eux-mêmes, par leur bon comportement : ils se privent de la grâce, en restant dans le pur domaine de la Loi ! Ils s’autojustifient, en fait, ils n’ont même pas besoin de Dieu ! Ils croient le connaître, en fait ils n’en savent rien parce qu’ils se sont fabriqués un portrait d’un dieu à leur image, celui qui récompense les bons et punit les méchants.

Le séparatisme (et le communautarisme) tuent dans l’œuf la véritable fraternité humaine qui doit être selon l’exemple du Christ une fraternité universelle et sans frontières. Le pharisianisme a prospéré tout au long des siècles, mettant sans cesse de nouvelles barrières entre les humains, les religions, les races… avec de rares exceptions, comme fut François d’Assise, le frère universel qui osa aller trouver le sultan Saladdin en pleine croisade.  


Entrer dans la joie du père de la parabole, se réjouir pour le frère, c’est ne pas juger l’autre sur son avis, son comportement extérieur ou sa prière. C’est se mélanger avec tous, sans ostracisme, sans prosélytisme non plus. C’est ne pas pratiquer l’entre-soi, mais aller à la rencontre de ceux que l’on repousse ou qu’on ignore, les pauvres en particulier, car le séparatisme n’est pas que religieux mais bien aussi économique (les riches savent depuis longtemps se regrouper à l’écart des pauvres). *

Le mot retenu pour ce dimanche sur notre cheminement de carême, est « REVENIR ». On pense bien sûr au fils prodigue, qui revient vers son père qui l’accueille sans conditions. Cependant, lequel des deux fils aurait finalement le plus besoin de revenir vers ce père dont il s’était fait une si fausse image, et vers le seul frère qui lui est donné à aimer et à accueillir ? N’est-ce pas le fils aîné, celui dont la bonne conscience a endurci le cœur ?

Retrouver la fraternité, abolir les séparations, me semble être donc l’appel essentiel de ce 4ème dimanche de carême. Qui choisissons-nous d’être ? Le fils aîné, sûr de son bon droit et jaloux de ses prérogatives, ou le fils cadet qui accepte d’entrer dans la joie des pardonnés ?

« Seigneur Jésus, toi qui as bien voulu entrer chez les pécheurs et manger avec eux, toi qui n’as rejeté personne, fais-moi revenir à toi et sois miséricordieux à moi pécheur qui te reçois dans la maison de mon cœur. Fais aussi que mon cœur soit ouvert à tous les frères que tu me donnes, quels qu’ils soient, pour que ta joie soit en tous, et que chacun ait sa part du veau gras… Amen ! »

_____________________________________

(*) Nous ne pouvons nous mettre à table avec le Seigneur et communier en vérité au Corps du Christ que si nous acceptons de nous mélanger à l’humanité, comme Dieu lui-même l’a fait le premier (ce que rappelle le rite où l’eau se mélange au vin dans le calice : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité » : comment mieux exprimer que le Dieu de Jésus ne vit pas séparé, mais en communion ?



HOMELIE MERCREDI DES CENDRES 

Avec la croix de Jésus, changeons de cap !





Voilà le Carême arrivé !

 

Quarante jours de cheminement vers Pâques !

A travers les souffrances de Jésus et celles du monde,

Vers la joie de la résurrection et de la vie nouvelle.

Quarante jours de conversion personnelle et communautaire !

 

En ces jours tourmentés, pleins d’éclats de guerre et de souffrance, nous sentons très fort le besoin de conversion de notre terre et de nos sociétés.

Qu’est-ce qui va freiner la violence en Ukraine, …en Afghanistan, en Syrie, au Mali, au Yémen ?

On dirait que ce sont les autres qui ont besoin de conversion, pas nous !

On dirait que la violence est ailleurs que dans nos cœurs, qu’elle est dans des esprits pervertis et lointains, qui font régner l’injustice dans le monde…

 

La vraie question pour nous, est de voir comment nous sommes partenaires inconscients des violences que nos sociétés exercent, et du péché qu’elles portent en elles-mêmes. Comment pouvons-nous nous convertir en convertissant notre monde en même temps ?

 

Jésus nous a montré comment nous pouvons faire : c’est la Croix. La Croix, c’est le Grand moyen, c’est le levier qui a fait basculer le monde du côté de la grâce et de la miséricorde ! La Croix, signe du plus grand Amour…

C’est pour cela qu’elle est présente tout au long du carême, sur le projet de cette année/ et particulièrement le Vendredi Saint, croix douloureuse mais aussi croix victorieuse, plantée au cœur du monde, qui réunit sous ses bras tous les sauvés que nous sommes déjà dans l’espérance…

Oui, le Mal n’aura pas le dernier mot, si nous acceptons de ne pas rester dans nos cendres, dans nos lâchetés, nos trahisons, nos compromissions… Prenons sur nous la Croix, embrassons-là, et CHANGEONS DE CAP : C’est le mot d’ordre de ce premier jour de carême,

Changer de cap, quand on est engagé sur une voie qu’on connaît bien et qui nous rassure, c’est difficile ! Parce que nous tenons à nos habitudes, à notre zone de confort… Tout seul, c’est presque voué à l’échec. C’est pour cela que c’est ensemble, en Eglise, que nous vivons le carême. En communauté, en nous portant les uns les autres pour prendre ensemble le chemin de la synodalité, de même que celui de la transition écologique et économique.

Nous allons changer de cap, frères et sœurs, ce n’est pas une option parmi d’autres, c’est une nécessité ! C’est même une urgence.

Pour pouvoir entendre le cri des pauvres de la terre, pour devenir ou redevenir solidaires, pour être des hommes, des humains, et non plus des consommateurs sans âme !

Oui frères et sœurs, voilà le chemin de conversion qui nous est proposé en ce carême. Nous avons commencé par les cendres, geste ténébreux, de pénitence, d’humilité lucide et d’abaissement volontaire, mais ce n’est pas pour nous rouler indéfiniment dans la poussière, tout au contraire ! C’est pour RENAÎTRE de nos cendres ! 


Dieu te dit : « Viens ! ne reste pas dans ton péché, dans ta désespérance, dans ta médiocrité, dans tes remords ; viens ! J’ai un projet pour toi, une ambition pour toi, toi Humanité, toi Eglise, et toi aussi Personnellement. Il est possible de renaître, il est possible de commencer à vivre pour de vrai, pour de bon, il est possible d’entrer pleinement dans l’amitié et d’inscrire ta vie dans le Grand Projet du Dieu vivant. 

Rien n’est perdu, rien n’est désespéré, même si les bombes pleuvent autour de toi ou en Ukraine, même si tu n’as plus rien ou si tu as trop : viens ! Je te donne des frères à aimer, des semblables à qui tu peux rendre la dignité ou qui te rendront ta liberté… Il n’est jamais trop tard, et rien n’est impossible pour toi avec moi, Dieu ! »

Pour cela, Jésus est clair : « Tu vas prier – dans le secret ; tu vas jeûner – dans le secret ; tu vas faire l’aumône, c’est-à-dire partager – dans le secret. »

La prière, elle nous branche sur Dieu et sur sa force d’amour, plus que sur la nôtre et sur nos prétentions. Elle nous fait prendre conscience de nos automatismes et nous oblige à nous arrêter et à nous décentrer de nous-mêmes.

Le jeûne (pas seulement de nourriture trop riche en cholestérol, mais aussi de tout ce qui encombre nos vies, nos regards et nos esprits), le jeûne nous fait prendre distance de nos volontés de jouissance immédiate, de nos satisfactions passagères, et nous libére de l’illusion que nous pouvons nous suffire à nous-mêmes et être heureux en consommant.

Le partage nous fait reconnaître dans l’autre, le pauvre, celui qui est notre propre chair, un autre nous-mêmes. Le don débouche sur la communion, la fraternité et la réconciliation universelle.

Prenons ce chemin ensemble, frères et sœurs, armés de la Croix de Jésus. Ainsi nos cœurs pourront se convertir et le monde pourra devenir meilleur !

« Y a-t-il un cœur qui s’élève pour que tout le monde soit d’accord ?, chante Christophe Maé. Un cœur qui prenne la relève, quelqu’un qui vient en renfort ? C’est ma terre où je m’assois, ma rivière, l’eau que je bois, qu’on n’y touche pas ; c’est mes frères autour de moi, mes repères et ma seule voix : Qu’on n’y touche pas, non ! » 


Je suis l’eau, je suis la terre, je suis mes frères : 40 jours pour l’apprendre ! 


Bon carême !




HOMELIE 8ème DIMANCHE ORD. - "JE TE VOIS..."

À quelques jours de l’entrée en Carême, les textes bibliques de ce dimanche nous proposent un chemin de conversion. Ils nous invitent au discernement et à l’humilité.

Dans la première lecture, Ben Sira nous parle du tamis qui filtre les déchets. Nous avons, nous aussi, à faire le tri dans notre vie : pensons à tous ces bavardages futiles, ces publicités tapageuses, ces slogans que nous entendons à longueur de journée. Tout cela nous empêche de voir clair dans notre vie. Certaines paroles, certains commérages révèlent l’étroitesse d’esprit de celui qui les prononce. C’est ce que dénonce Ben Sira.

À ce propos, la Parole aujourd’hui nous invite à un examen ophtalmologiqueTout le monde connaît la parabole de la paille et de la poutre. Il est question aussi des aveugles qui guident d’autres aveugles, risquant ainsi certainement de tomber dans un trou.

Comment suis-je concerné par ces sentences et ces avertissements ?

Eh bien, je pense que j’ai probablement une poutre ou deux dans mon œil, peut-être même tout un atelier de menuiserie ! Je crois voir clair, alors que mon regard est peut-être obscurci par des préjugés, des cadres de pensée qui me viennent de mon éducation ou de ma formation religieuse.

Par exemple, le mois passé, je suis allé au mariage d’une amie d’une de mes amies. Rien d’étonnant à cela. Sauf que la fille se mariait… avec une autre fille, dans une chapelle au milieu de la forêt du côté de Virton. Je suis allé en partie parce que j’étais intrigué, me demandant comment allait se dérouler la cérémonie. Je dois avouer que si j’avais déjà accompagné pas mal de couples divorcés et prié avec eux pour leur union, je n’avais encore jamais eu affaire à un couple homosexuel, et je redoutais un peu que cela me tombe dessus un jour…

Eh bien, je dois avouer que j’ai été touché et même ému par la célébration et surtout par la sincérité, la profondeur et l’humilité du couple (croyantes toutes les deux), qui se révélait dans toutes leurs interventions ainsi que dans celles de leurs proches, dont une maman qui avait fait tout un chemin pour comprendre sa fille… J’ai rarement vécu une telle intensité spirituelle au cours de tous les mariages que j’ai célébrés ; il est vrai que le prêtre avait mené cela de main de maître, avec des paroles fortes et justes, et l’animatrice de la cérémonie avait introduit des gestes rituels très simples et très beaux... Dieu était véritablement présent dans la cérémonie, et non pas comme une simple garniture (comme c’est hélas souvent le cas dans les mariages classiques que nous sommes appelés à célébrer). Bref, je suis sorti de là bouleversé. Comme des écailles qui tombaient de mes yeux. Je crois que je n’aurai plus peur si on me demandait ce service de prière, qu’il soit ou non sacramentel. J’ai l’impression que Dieu s’en fout.

La première lecture nous recommandait de ne pas faire l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé et exprimé ses sentiments. En effet, ses propos peuvent révéler le meilleur et le pire : les « petits côtés » comme les propos racistes, les jugements, la vanité orgueilleuse… Ou une authentique bienveillance, un altruisme et un respect des autres. De plus, c’est aux fruits qu’on estime l’arbre.

L’Évangile nous invite à faire un pas de plus : Nous comprenons bien qu’un aveugle ne peut pas guider un autre aveugle. Or, nous avons tous nos « angles morts », ce défaut de la vision qui nous empêche de voir vraiment qui est l’autre, ce qu’il ressent, de nous mettre à sa place.  

Juger les autres, c’est de l’hypocrisie, c’est vouloir se mettre à la place de Dieu. Nous sommes trop mal placés pour le faire. Le jugement appartient à Dieu seul. À notre jugement, il manque la miséricorde. La miséricorde, nous la découvrons quand nous comprenons que nous avons une poutre dans notre œil, qui demande un examen de conscience de notre part et peut-être une bonne confession.

Pour nous aider dans cet examen ophtalmologique, nous avons heureusement le Christ, il est « le Chemin, la Vérité et la Vie » ; c’est par lui que nous allons au Père ; c’est en mettant nos pas dans les siens que nous sommes assurés et évitons de tomber dans les trous nombreux autour de nous ; Jésus est notre lumière ; il nous guide pour nous aider à discerner et à sortir de notre aveuglement.

Le malvoyant ne peut avancer dans la vie qu’en s’appuyant sur quelqu’un qui y voit bien, quelqu’un qui sait anticiper les moindres obstacles. C’est pour cela que Jésus recommande à ses disciples de bien choisir leur maître, celui qui sera leur guide sur la route du règne de Dieu.

Cette recommandation m’interpelle aussi comme prêtre, pasteur du peuple qui m’est confié. Suis-je assez bien formé, comme dit Jésus, et ai-je le souci de me former (pas seulement intellectuellement!) continuellement pour « être comme mon maître » ? C’est une vraie interpellation ! Je peux sans m’en rendre compte transmettre de façon tronquée l’enseignement de Jésus à cause de mes aveuglements peut-être…

Interpellation aussi pour tous ceux qui ont mission de former et d’éduquer, dans la foi et dans les valeurs chrétiennes, ceux qui leur sont confiés : parents, enseignants, catéchistes… ! « Quelle responsabilité », confiait une catéchiste de notre groupe de lectio divina ce vendredi.

Après l’examen ophtalmologique, l’examen cardiologique : « L’homme bon tire le bien de son cœur qui est bon, et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui vient du cœur. »

Comment va votre cœur, frères et sœurs ? Bat-il bien au rythme de celui de Jésus ?  Comme le bon arbre qui ne peut donner « de fruit pourri », ce qui est visé, c’est la cohérence entre la foi et la vie, entre ce qui est extérieur et ce qui est intérieur. Il ne suffit pas d’avoir de bons sentiments : notre qualité chrétienne se manifeste en vérité dans notre capacité d’amour fraternel, de service et de témoignage. Au jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint a été répandu en abondance pour produire des fruits qui demeurent.

Cet Évangile rejoint notre Église dans ce qu’elle vit actuellement. Tout au long des siècles, elle a connu des crises très graves, des hérésies, des abus, des contre-témoignages de toutes sortes. Mais le Seigneur a toujours mis sur sa route les personnes, les saints qu’il fallait pour l’aider à se remettre en accord avec l’Évangile. Nous chrétiens d’aujourd’hui, nous sommes envoyés non pour dénoncer ou accuser mais pour être les témoins et les messagers de l’Évangile auprès de tous ceux et celles qui nous entourent.

Pour comprendre cet Évangile, c’est vers le Christ qu’il nous faut regarder : tout au long des Évangiles, nous le voyons accueillir les publicains, les pécheurs, les infréquentables de toutes sortes. Il aurait pu leur reprocher leur mauvaise vie et les rejeter. Mais lui-même nous dit qu’il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. L’Eglise, comme dit Tim Guénard, un gangster converti, l’Eglise c’est la plus grande mafia du monde, et c’est Jésus le chef de gang : Il veut emmener tout le monde au ciel, il a fait un grand ‘casse’ par sa mort sur la croix, pour sauver tout le monde, c’est sa victoire dont parle Paul (2è lecture). Et dans l’Eglise, il accueille tous les tordus, les salauds et les malades du cœur, pour les guérir et les sauver. C’est un hôpital de guerre, disait le pape François.


Seigneur, tu es la Lumière du monde. La Lumière par qui nous voyons la lumière, celle de ton Evangile que nous voulons accueillir en nous.

Guéris et élargis nos regards, ouvre nos cœurs à toutes les souffrances et à tous les besoins de nos frères et de nos sœurs… Nous te prions particulièrement pour ceux qui ont des responsabilités dans l’Eglise : qu’ils soient d’humbles serviteurs de leurs frères et les guident avec sagesse. Nous te prions pour nous tous ici rassemblés, et pour ceux qui n’ont pu nous rejoindre : Fais de chacun un arbre fort que Dieu nourrit, un arbre chargé de fruits très beaux : tendresse, bonté, justice, paix, amour…

Enfin, Seigneur, nous te confions la Russie et l’Ukraine : protège tous les peuples dans la tourmente, et inspire de justes décisions à tous les responsables mondiaux pour rétablir la paix. Amen.



7ème DIMANCHE C : AIMER... JUSQU'OU ?



Une légende bouddhiste raconte que deux moines vivaient ensemble depuis de longues années. Puis un jour, l'un des deux fut pris d'ennui, et il en fit part à l'autre. "Bon, lui dit-il, que veux-tu que nous fassions ?" "Si on se disputait ?", lui répondit-il. "Au sujet de quoi veux-tu que nous nous disputions ?" L'autre réfléchit. Et il pensa au morceau de pain qu'ils avaient en commun. "Et bien, si nous nous disputions pour le morceau de pain ?" L'autre réfléchit à son tour, puis il dit : "Si tu tiens tellement à ton morceau de pain, garde-le !" La dispute n'a donc pas pu avoir lieu.

Cette légende nous fait comprendre que l'hostilité est désarmée par la générosité. La générosité casse le processus, la spirale de la violence.  Mais ce n’est pas toujours aussi simple !

"AIMEZ VOS ENNEMIS", demande Jésus. Comment peut-on aimer celui qui vous blesse, celui qui vous écrase, qui vous frappe par derrière ou par devant selon ce qui se présente ? Peut-on aimer quelqu’un qui ne vous respecte pas ? Ou son voisin qui vous cherche misère ? Ou son chef de bureau insupportable ?... Trouvez vous-mêmes des exemples ! Comment peut-on aimer son ennemi ? Est-ce vraiment possible ? Jésus n'a-t-il pas là une exigence qui dépasse ce dont nous sommes capables ?  

Il y a des exemples (rares) dans la Bible, dont par exemple le récit sur David, poursuivi à mort par le roi Saül fou de jalousie de son succès et qui le soupçonne de briguer le trône ; Saül étant tombé à sa merci durant son sommeil dans la grotte, David ne profite pas de cette occasion rêvée pour le tuer, mais se contente d’emprunter sa lance et sa gourde pour lui prouver qu’il ne veut pas se venger… Cependant, il n’est pas sûr que les motifs de David soient si désintéressés.


"PRIEZ POUR CEUX QUI VOUS CALOMNIENT" nous recommande l'évangile. Mais, que se passe-t-il quand on devient victime de calomnie ? Sommes-nous capables d'aimer même si la colère nous envahit ? Quand nous sommes profondément vexés ? Ce sera très difficile si nous dépendons du regard de l'autre sur nous. Par contre, si nous dépendons du regarde de Dieu…

"PRIEZ POUR CEUX QUI VOUS CALOMNIENT". La prière peut nous aider à voir notre « ennemi » de manière différente. Quand on entre dans cet espace qui s'appelle la prière, on s'aperçoit qu'on ne peut pas y venir tout seul. Dieu ne fait pas de différence entre le bon et le méchant; il fait luire son soleil sur tous, sur celui qui l'aime et sur celui qui le déteste.

Parce qu'il est généreux en lui-même, Dieu est au-dessus de tout ça. Il aime, c'est tout, et ne se laisse pas vaincre par l'indifférence, l'ingratitude, la haine. Alors, y a pas de justice? Si. Le mal finit par retomber sur la tête de celui qui l'a provoqué. MAIS IL NE NOUS CONTAMINERA PAS, IL N'ENTRERA PAS DANS NOTRE COEUR POUR NOUS DETRUIRE A NOTRE TOUR! Si je laisse la haine entrer dans mon cœur, je deviens comme celui qui m'agresse...


Pour aimer ceux qui nous font du mal, il nous faut entrer dans la générosité de Dieu, qui est bien au-delà de la nôtre. Il nous faut prier pour devenir comme lui; non pas pour que le méchant change (en admettant que le méchant soit l'autre), mais pour que nous changions et devenions vraiment généreux. Aimer celui qui ne vous aime pas requiert une véritable grandeur d'âme, (c’est le surnom donné à Ghandi, le mahatma, "la grande âme") ou, autrement dit, la "bienveillance", qui n'est ni hypocrite ni hautaine (je-t'aime-quand-même-donc-je-suis-meilleur-que-toi) mais qui ne peut s'acquérir que dans un cœur de pauvre, par une prière humble et vraie, qui reconnaît sa propre incapacité mais ne s'y résigne pas. 

Je vous dit tout de suite que j'en suis encore loin. Sans doute chacun de nous aussi ; nous avons toujours des réactions instinctives, difficilement maîtrisables. Mais nous devons rester toujours en chemin. Car la mesure dont nous nous servons pour les autres servira aussi pour nous; en effet, moins nous serons généreux envers les autres, moins nous serons capables d'accueillir la générosité de Dieu à notre propre égard. Plus nous nous laisserons pénétrer par sa bienveillance pour nos frères « difficiles », plus nous nous accepterons et nous nous aimerons nous-mêmes, comme Lui nous aime. Et l'inverse est vrai aussi. Ouvrons donc le tablier de notre  ! 





HOMELIE 6ème dimanche ord. C  13/02/2022 : « Les petits bonheurs »

 

Les textes de ce dimanche parlent du bonheur...


C’est quoi, le bonheur ?  

On dit souvent : c’est quand il est parti, qu’on sait qu’avant, on était heureux.

 

Alors, c’est quoi le bonheur, à votre avis ?

Je vous propose un exercice simple : vous fermez les yeux, et vous pensez très fort à un moment de votre vie où vous étiez heureux. Ok ?

Voilà. Ce serait intéressant que chacun raconte aux autres ce moment de bonheur…

 

De quels bonheurs nous souvenons-nous le plus ? Une réussite à un examen ? le jour où on a été engagé pour un emploi dont on rêvait ? un grand voyage ? l’achat d’une maison ? Sûrement.

Probablement aussi, si ça vous est arrivé, un grand amour qui a transformé votre vie…  Ce sont des événements extraordinaires qui ont ce caractère unique, exceptionnel… Comme une naissance, par exemple.

 

Pourtant, lorsque on est devenu vieux et qu’on regarde dans le rétroviseur de sa vie, est-ce qu’on ne se rappelle pas aussi souvent des choses très simples, comme :

-les soirées tranquilles passées avec son conjoint à parler de la famille une fois que les enfants étaient couchés ;

-les matins ensoleillés où l’on part au travail, la satisfaction de faire vivre les siens par son travail, les retours à la maison fatigué mais joyeux de retrouver sa famille…

…Et vous vous dites peut-être en y pensant : « C'était le bon temps! On ne s'en rendait pas compte car la vie nous emportait. Mais nous étions heureux! »

 

Il m'arrive parfois (trop peu souvent, hélas) de partir en voiture pour aller visiter un ami ou tout simplement pour faire une petite promenade ou encore de marcher sur la ligne 38 en regardant les gens qui déambulent, les mamans ou les papas avec leurs enfants, les jeunes amoureux, les plus âgés aussi, en même temps que les arbres et les buissons qui bordent le chemin...

Quoi de plus simple ! Et je me dis : « C'est cela le bonheur ! Les choses ordinaires de la vie qu'on ne prend pas toujours le temps de savourer ! » 

Et puis, puisque nous sommes croyants, le bonheur, n'est-ce pas aussi de rencontrer le Seigneur dans la tranquillité d'une église l'après-midi ou dans la célébration du dimanche ? Le Seigneur n'est-il pas Celui avec qui nous allons vivre toute notre éternité ? Alors pourquoi ne pas anticiper ce bonheur tout de suite ? Ben voyons !

 

Le problème, en fait, c’est pas tellement « comment on devient heureux », mais surtout : « comment le rester ? »

Les aléas de la vie transforment vite les instants de bonheur en nostalgie de ce que nous perdons en route.  Par exemple, la santé. Ah! la santé! Si j'avais de la santé ! Mais, un jour, la santé s'en va... Le bonheur s'en va-t-il avec elle ? Pas toujours…! Certains arrivent (quand ce n’est pas trop grave évidemment) à garder la sérénité et même un certain bonheur de vivre au milieu de leurs difficultés physiques…

 

Il m'est avis que le bonheur, le vrai, tient en deux choses essentielles et relativement simples : savourer le moment présent et cultiver des relations positives. Et cela, on peut le faire tous les jours.

Le bonheur, c'est comme le civisme, c'est une foule de petites choses qu'on vit quotidiennement, ce sont des petits cadeaux que la vie nous fait à chaque instant, mais que trop souvent nous ne prenons pas le temps d'apprécier ou que nous n'avons pas le réflexe de reconnaître.

Dans l'une de ses chansons, Jacques Brel disait : « Il nous faut regarder...! » Comme c'est vrai! Il nous faut développer l'habitude de regarder la vie qui bat en nous et autour de nous, qui nous fait signe et souvent nous sourit. Ces p'tits bonheurs que nous cueillons à chaque instant remplissent la corbeille de notre vie de beauté, de tendresse, de joie simple, et ils nous préparent si bien au grand bonheur qui nous attend!


Si les lectures de ce dimanche parlent du bonheur, elles ne cachent pas non plus son contraire, le malheur. Et on comprend bien pourquoi la richesse est si violemment dénoncée comme obstacle à l’Evangile, et donc source de malheur, chez St Luc :

->D’abord, elle empêche l’homme de voir les petites choses qui font le bonheur. On se prend à rêver de grandeur, de puissance. Et on oublie qu’on est soi-même tout petit, et que le but ultime de notre vie n’est pas ici-bas ; que nous sommes « de passage »…

->Ensuite, la richesse enferme l’homme sur lui-même et l’empêche de penser aux autres ; petit à petit il devient incapable de relation vraiment désintéressée, gratuite… Un riche est bien souvent pauvre en amour, en relations…

->Enfin, la richesse détruit dans le cœur de l’homme la confiance qu’il doit avoir envers Dieu, cette confiance qu’exprimait bien Jérémie tout à l’heure : « Béni soit celui qui met sa confiance dans le Seigneur ; il sera comme un arbre planté au bord du ruisseau… il ne redoute pas la sécheresse… »

 


Essayons donc aujourd’hui, frères et sœurs, de repérer et d’apprécier les petits bonheurs que Dieu nous donne, en ne perdant pas de vue le grand bonheur qu’il nous prépare.

Et, pour ne pas devenir comme ces gens comblés, repus, qui se privent eux-mêmes de cette joie évangélique, acceptons qu’il y ait dans notre vie une part de faim, de pauvreté et de grand désir... Alors nous serons « comme cet arbre planté au bord d’un ruisseau… »  tellement enraciné dans la confiance qu’ « il porte du fruit en toute saison » ! Amen !  

 

Derrière la saleté
S'étalant devant nous
Derrière les yeux plissés
Et les visages mous
Au-delà de ces mains
Ouvertes ou fermées
Qui se tendent en vain
Ou qui sont poings levés
Plus loin que les frontières
Qui sont de barbelés
Plus loin que la misère
Il nous faut regarder.

Il nous faut regarder
Ce qu'il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eau
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient.

Par-delà le concert
Des sanglots et des pleurs
Et des cris de colère
Des hommes qui ont peur
Par-delà le vacarme
Des rues et des chantiers
Des sirènes d'alarme
Des jurons de charretier
Plus fort que les enfants
Qui racontent les guerres
Et plus fort que les grands
Qui nous les ont fait faire.

Il nous faut écouter
L'oiseau au fond des bois
Le murmure de l'été
Le sang qui monte en soi
Les berceuses des mères
Les prières des enfants
Et le bruit de la terre
Qui s'endort doucement
Les berceuses des mères
Les prières des enfants
Et le bruit de la terre
Qui s'endort doucement.

Jacques Brel, Il nous faut regarder https://www.youtube.com/watch?v=bBaF6JYx7TM





HOMELIE 3e DIMANCHE ORD. 23/01/2022 

" SORTONS DE NOS MARES ! "



Quand après la proclamation de l'Evangile le célébrant présente le Livre ouvert et invite l'assemblée à acclamer la Parole du Seigneur, après cela généralement on s'assied, on s'installe, on baille peut-être, et on se prépare à passer un moment plus ou moins long, (dans notre Esprit, c'est souvent "long"), le mieux possible, avec patience en attendant la suite.

Eh bien, aujourd'hui soyons bien éveillés, et regardons deux situations à 3 ou 400 ans d'intervalle, où, quand le Livre est refermé, les gens ne dorment pas mais réagissent très fort:

 

1er flash: Quand le scribe Esdras fit la lecture du Livre, en l'an 398 av. J-C, depuis le lever du jour jusqu'à midi, le peuple tout entier, hommes, femmes, enfants, rassemblé debout à ses pieds, criait "Amen", se prosternait, et puis les gens pleuraient car ils se rendaient compte combien ils avaient laissé Dieu de côté durant plus de 100 années qu'ils avaient été en exil à Babylone. Et puis, ils étaient si  heureux de retrouver leur ville, leur foi, leur Temple, leur Dieu qui leur parlait, finalement! ET QUE LEUR DIT-IL, DIEU ? "LA JOIE DE DIEU, MA JOIE EST VOTRE REMPART", non plus ces murailles de pierre qui ne vous ont servi à rien !

 


2ème flash: Maintenant, ce n'est plus un scribe de Jérusalem, mais un paroissien de Nazareth, vers les années 30, qui ouvre le Livre. Et quand Jésus (car c'est lui) rend le Livre au servant de la synagogue, tous ont les yeux fixés sur lui. Or, il n'a fait que lire la Parole inscrite, un passage d'Isaïe qui dit: "L'Esprit qui est sur moi m'a envoyé porter une bonne nouvelle aux pauvres, la liberté, la lumière, la délivrance, une année de grâce exceptionnelle où tout ce qui va de travers sera redressé, et où enfin on pourra connaître le bonheur, la joie." Il n'a ajouté qu'une chose, et c'est le "sermon" le plus bref de toute l'histoire: "Cette parole de l'écriture que vous venez d'entendre, c'est pas demain, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit".


Avouez qu’il y avait de quoi réveiller les gens ! Pourtant, juste après ce fameux sermon, il y a eu du grabuge à la synagogue. Tellement que les que les paroissiens de Nazareth voulaient le balancer par-dessus la colline…


Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’il a ensuite affirmé que les cadeaux de Dieu, le bonheur promis pour les pauvres, la joie pour les affligés, les boiteux qui marchent et les aveugles qui voient, tout cela ce n'était pas réservé pour les fidèles d'Israël, le peuple élumais aussi offert pour les étrangers, les païens ! Inadmissible pour les Juifs, le peuple élu ! Là, Jésus jetait un fameux pavé dans la mare…


Ça a été le même problème quand les religions chrétiennes se sont constituées l’une contre l’autre : Qui a raison ? Qui a la vérité ? Et on déclare les autres anathèmes, excommuniés…. La semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous rappelle chaque année le scandale de l’orgueil de la division. On s’est profondément enlisé dans cette mare-là !


Je voudrais creuser un peu avec vous cette image de la mare, dans laquelle Jésus lance allégrement des pavés, comme un gosse qui fait ricocher des galets…



Les eaux d’une mare sont des eaux stagnantes, qui ne se renouvellent pas. Elles ne reçoivent pas les eaux vives d’une source, et contrairement aux fontaines, elles n’abreuvent plus les assoiffés, n’irriguent plus les terres stériles et desséchées. Ce sont les eaux mortes d’une tradition mal comprise et mal vécue, quand elle oublie l’aspect ouvert et non statique de sa mission… quand on veut capter l’eau à son seul usage personnel (souvenez-vous du Papet de Manon des Sources).


Une tradition peut se figer en coutumes et en modèles inchangeables, et ne plus se soucier de se renouveler. Elle déploie toute son énergie à conserver et verrouiller, à restaurer et rétablir à l’identique ce qui existait dans un passé idéalisé comme parfait et immuable.


Les évangiles, et particulièrement celui de saint Luc, montrent comment Jésus vient inaugurer une nouvelle fraternité humaine qui transforme les frontières familiales, nationales ou religieuses. Pour lui, elles doivent être non pas des marques d’enfermement et de replis identitaires ou nationalistes, mais des espaces de rencontre. Lui, le "nazaréen", vient habiter et parcourir le pays sans frontière des pauvres du monde entier qui attendent la bonne Nouvelle, des captifs et des opprimés qui attendent la libération, des aveugles qui attendent le retour à la vue…


Saint Paul poursuivra l’œuvre universaliste du Christ et en sera un grand réalisateur. Ayant une double nationalité, à la fois juif et citoyen romain, grand voyageur et fondateur de communautés, il présentera la terre entière comme ayant vocation à être le pays de Dieu, celui de l’amour universel, celui que lui-même a chanté dans son merveilleux hymne à l’amour qu’on lit souvent aux mariages…

 

Après Jésus, après Paul, le concile Vatican 2 a lui aussi jeté un grand pavé dans la mare. Au fil des siècles, bien des choses dans l’Eglise romaine étaient devenues stagnantes et s’étaient figées dans des rites formalistes, des formulations peu intelligibles, des pratiques peu conformes à l’amour dont parle saint Paul.

La vie est mouvement. Or, Dieu est vie. L’évolution est la loi de toute histoire : celle de l’humanité, celle de la pensée, celle de la vie sur la terre, celle de chaque personne. C’est ce que le Concile a bien compris.

 

Des remises en question de nos façons de vivre l’Eglise, comme celle que sous-tend le fameux synode mondial lancé par le pape et auquel nous sommes invités à participer, mais aussi toutes les expériences d'Eglise, rencontres de prière oecuméniques ou actions de solidarité avec des citoyens non croyants ou musulmans…, toutes ces expériences doivent nous aider à sortir nous aussi un peu de nos "mares aux canards", nos train-trains routiniers où l'on s'englue parfois trop facilement.

Il faut se mettre à l'écoute de l'Esprit pour relire ensemble l'Evangile, bonne nouvelle pour aujourd'hui, qui souvent nous bouscule et nous remet en question.

 


La foi doit tracer son chemin, comme Jésus l’a fait lui-même. "Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin." En homme libre. Comme il nous veut aussi, femmes et hommes libres.

C’est sur les chemins des hommes que Dieu est venu marcher avec nous, nous accompagner, nous éclairer. Faisons lui confiance : l'avenir de l'Eglise est devant nous, pas derrière.

Je suis heureux de vivre avec vous cette aventure, et je vous invite tous à la rencontre du 5ème dimanche 30 janvier en Unité Pastorale où nous lancerons le processus synodal chez nous...




EPIPHANIE 02/02/2022 : "CHERCHER L'ETOILE"

Y a-t-il vraiment eu une étoile dans le ciel de Bethléem ? Ou bien Matthieu l’évangéliste a-t-il tout inventé ?


La question n’est pas anodine : A l’époque des « fakes news » où le statut de vérité est constamment remis en cause entre autres à travers les réseaux sociaux, où les complotistes, les démagogues et les antivax de tout poil inondent l’internet de fausses études et de jugements soi-disant scientifiques, où l’on doute systématiquement de tout - du moment qu’une autorité établie l’énonce,  et où un certain Trump a pu utiliser le concept pour le moins incroyable de « post-vérité »…, 

bref, comment le citoyen ou le paroissien lambda ne se demanderait pas si on ne lui a pas raconté des salades à propos de cette histoire d’étoile et de mages ?


Il y a en gros deux tendances : Les tenants d’une lecture littérale et fondamentaliste de la Bible la croient vraie à la lettre. Et si la science la contredit, c’est la science qui est en tort selon eux. Il y en a encore beaucoup, surtout chez les protestants évangélistes.

À l’inverse, d’autres lecteurs, de tendance plutôt moderniste ou post-moderniste, affirment catégoriquement que rien de tout cela n’est historiquement arrivé, et que Matthieu a habilement construit un récit mythique en empruntant à diverses traditions, afin de montrer le caractère messianique et universel de la naissance de Jésus. Par exemple, il aurait pu observer la fameuse comète de Halley en +66 et l’utiliser pour décrire le sens de l’évènement de Bethléem, même si elle n’est pas passée dans le ciel cette année-là…

Le problème de ces lectures est qu’à force de démythologiser, il ne reste plus rien d’historique !


Or il s’est bien passé quelque chose, que Matthieu a travaillé certes, mais pas totalement inventé. C’est peut-être un alignement astral, produisant une clarté intense, comme une éclipse. Les astronomes ont calculé par exemple qu’un rapprochement spectaculaire de Jupiter et de Vénus a eu lieu le 17 juin de l’an 2 avant Jésus-Christ. Cette date est plausible, l’année précise de naissance du Christ étant incertaine ; de plus la présence des bergers dehors avec des agneaux s’expliquerait mieux par une nuit de juin qu’une nuit de décembre…

Un autre rapprochement planétaire spectaculaire s’est produit en l’an 7 avant Jésus-Christ. Jupiter s’est rapproché de Saturne à trois reprises en l’espace de quelques mois. C’est cet événement qui a la faveur des historiens car ils datent le fameux recensement du temps d’Hérode de l’an 6 ou 7 avant notre ère.


Il est important d’affirmer avec les historiens sérieux et les exégètes que la Bible n’est pas un tissu de récits soi-disant miraculeux savamment assemblés pour convaincre les benêts crédules, et qu’il y a bien une base historique sous-jacente – même si les événements ont pu être interprétés voire déformés – amplifiés par la tradition et les auteurs bibliques eux-mêmes. Un fait n’est jamais pur, y compris dans la presse moderne : il est composé d’interprétations, d’angles de vue, de théories sous-jacentes, conscientes ou non. Cela ne supprime pas la vérité, mais la met en perspective - en relation avec un autre faisceau de vérités qui fait sens…


Donc, ni reportage journalistique, ni mythe purement et simplement inventé à partir de rien : l’étoile mystérieuse de Bethléem existe avant tout pour attirer nos regards. Matthieu a sans doute pris quelque chose de communément admis dans son temps – un phénomène astronomique voulait toujours signifier un chamboulement de l’ordre du monde, comme par exemple une naissance royale. Et il en a fait le signe de la vocation universelle du Messie-Jésus. Et c’est une vérité indiscutable, même si elle est entourée de merveilleux.


Alors, si donc étoile il y a eu, que pouvons-nous en retirer aujourd’hui pour notre vie ? Et à quoi nous appelle concrètement la fête de l’Epiphanie (de la Manifestation du Christ au monde) – en dehors de manger la galette des rois ?


D’abord, peut-être, se dire que ce Messie, ce Jésus dans la crèche, ne nous appartient

pas, à nous occidentaux, ni même aux juifs, ni aux catholiques, ni aux chrétiens quelle que soit leur confession : il appartient à l’Humanité, car ces « mages venus d’Orient » ne sont pas juifs, et certainement pas catholiques ; ils sont originaires de pays lointains et représentent « les nations » païennes. D’ailleurs, la tradition leur a attribué à chacun un continent : l’Afrique, l’Asie, l’Europe (les autres étaient inconnus alors).

Qui sommes-nous pour enfermer Dieu dans nos églises (avec un petit ou un grand E) ?  L’Epiphanie nous renvoie vers les « périphéries », car la Vérité n’est pas réservée à quelques privilégiés bien catéchisés, mais elle se donne à tout homme de bonne volonté, tout chercheur-euse de lumière…

Ensuite, nous pouvons comme Matthieu repérer ce qu’il y a de nouveau dans le ciel, l’une ou l’autre « étoile » dans le ciel sombre et tourmenté de notre temps, et l’interpréter, lui donner un sens à la lumière de notre foi.  Cette « étoile » peut devenir alors « épiphanie », manifestation de l’action de Dieu pour nous et nos contemporains. 

Par exemple, l’apparition d’une personnalité dont l’influence peut faire évoluer favorablement le monde : Greta Tunberg, Joe Biden ou son prédécesseur Barack Obama, le pape François, le Dalaï-lama, Malala Yousafzai, ou d’autres moins célèbres, engagés au service du bien commun…

L’étoile scintillante à suivre comme les mages est peut-être telle prise de conscience écologique, telle réforme religieuse, tel retour à l’Évangile, telle transformation sociale…  ou, sur le plan personnel, une lecture, une conférence, une rencontre qui nous a bouleversé…

La suivre demandera de sortir de son univers habituel et de revenir chez soi par un autre chemin, à l’instar des mages, pour ne pas perdre la trace de la naissance de Dieu en nous…


L’Épiphanie nous invite donc à garder la tête dans les étoiles, doublement :

-avec Mathieu pour raconter l’action de Dieu à nos contemporains telle que nous la discernons dans nos propres vies, de manière que ces récits leur parlent et les touchent ;

-avec les mages pour cheminer hors de notre zone de confort, en scrutant les signes qui nous indiquent où aller, quel cap prendre pour orienter positivement et résolument notre vie.

Fêtons donc l’Épiphanie, la tête dans les étoiles, les pieds sur le chemin…



Homélie de Noël


Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour célébrer une fête particulière. Une fête qui est attendue, espérée par tant de gens dans le monde, les enfants, bien sûr, mais pas qu’eux.

On a eu peur cette année, encore une fois. A cause de la pandémie, on a eu peur de ne pas pouvoir se rassembler, de ne pas pouvoir partager ces moments avec les personnes qu’on aime. Ç’aurait été une catastrophe, et pas seulement pour les commerçants !

Imaginez un seul instant que Noël n’existe pas

Nous aurions l’impression tout d’un coup que le monde deviendrait plus triste.

Il nous manquerait ce moment de l’année où, sur tous les continents et de toutes les religions, car Noël est la plus universelle des fêtes, des hommes et des femmes apprennent à devenir meilleurs.

Il nous manquerait ces jours où les soldats marquent parfois une trêve dans leurs combats, où l’on se retrouve en famille malgré les dispersions, où l’on s’offre des cadeaux en signe d’amitié.

Oui, frères et sœurs, le mystère de Noël que nous célébrons ce soir porte la marque d’un rêve unique de joie et de merveilleux qui redonne espérance à notre humanité.

C’est dans cet état d’esprit que nous sommes venus ce soir écouter le récit tant de fois entendu de la Nativité, dans cette église (ou une autre) où nous avons aussi tant de fois assisté à la Messe de Noël, avec tous les souvenirs qui y sont attachés… Les sourires des enfants, la joie d’entonner ces chants qui résonnent tellement dans nos cœurs…

Le récit de l’évangile de Luc baigne lui aussi dans la joie et la paix, dans la lumière et le merveilleux, au point où l’on pourrait se dire qu’il paraît bien loin de nos préoccupations quotidiennes. Mais peut-être est-ce cela que nous cherchons, justement, ce soir ! Une parenthèse dans nos difficultés, un moment d’oubli et de rêve… qui nous distrait un temps de la dure réalité de la vie.

Pourtant, frères et sœurs, pourtant si nous le regardons bien, nous verrons que le récit de la nativité de Jésus dans l’évangile n’est pas éloigné de nos vies, et qu’il est bien loin de se réduire à une histoire merveilleuse, à un conte de Noël.

Contemplons de plus près l’évangile de la nativité de Luc. Nous voyons alors que la joie de la sainte famille, la joie des anges, la joie des bergers et, plus tard, celle des mages, a déjà un prix.


Pour qu’advienne la joie de la naissance de Jésus, il aura fallu la longue marche éreintante d’une femme enceinte accompagnée de son époux. Il aura fallu que Joseph et Marie obéissent à la loi implacable d’un empereur romain tout puissant qui veut recenser son peuple comme il compte ses biens. Il aura fallu que Marie et Joseph subissent les refus des aubergistes et trouvent refuge dans une simple étable pour un accouchement dans la précarité... Ils ont dû affronter une expérience peut-être la plus difficile que puisse connaître une famille expatriée : arriver à Bethléem et faire l’expérience que c’était une terre qui ne les attendait pas, une terre où il n’y avait pas de place pour eux.

Comme le dit le prologue de l’évangile de Jean qu’on écoute à la messe du Jour de Noël, « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean I, 11).

Les récits de Noël, tellement connus et apparemment tellement merveilleux, sont traversés en effet par le constat du refus de l’humanité d’accueillir Dieu dans l’Homme, dans l’humain, et la non-reconnaissance du caractère sacré de la vie humaine comme lieu de la Présence divine.

Comme l’écrit le pape François : « Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas. Nous voyons les traces de familles entières qui, aujourd’hui, se voient obligées de partir. Nous voyons les traces de millions de personnes qui ne choisissent pas de s’en aller mais qui sont obligées de se séparer de leurs proches, sont expulsées de leur terre. Dans beaucoup de cas, ce départ est chargé d’espérance, chargé d’avenir ; dans beaucoup d’autres, ce départ a un seul nom : la survie. Survivre aux Hérode d’aujourd’hui qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent. »

Et justement là, dans cette situation qui était un défi, Marie nous a offert l’Emmanuel, le « Dieu-avec-nous ». Là… dans l’obscurité d’une ville qui n’a ni espace ni place pour l’étranger qui vient de loin, dans l’obscurité d’un MONDE en plein mouvement et qui, semble vouloir se construire en tournant le dos aux personnes précarisées, aux faibles, précisément là, s’allume l’étincelle révolutionnaire de la tendresse de Dieu !  

À Bethléem, s’est ouverte une petite brèche pour ceux qui ont perdu leur terre, leur patrie, leurs rêves ; une brèche aussi pour tous ceux qui sont « expatriés » d’eux-mêmes, de leur corps à cause de la maladie, de la vie sociale à cause de la pauvreté, du rejet et de l’exclusion… Cette brèche, c’est que désormais et pour toujours Dieu est parmi eux, Dieu est avec eux, en eux. L’Enfant de la crèche révèle ce que sera Jésus : L’homme Jésus en effet ne s’épargnera rien de nos peines. Il prendra sur lui nos misères. Il prendra sur lui notre péché et les conséquences malheureuses du mal. Il ira à la rencontre de l’humanité blessée qui souffre du manque de foi, d’espérance et de charité. Il ira rejoindre les égarés, les pécheurs, les malades pour leur révéler la proximité étonnante de Dieu pour eux. Si Jésus s’enfonce ainsi dans le lieu de la douleur ou du mal des hommes, c’est pour y faire naître la force plus puissante encore de l’Amour de Dieu ! Un chemin résurrectionnel qui appelle la solidarité. L’ouverture. La fraternité.


Pouvons-nous fêter tranquillement Noël, frères et sœurs, alors que des milliers, bientôt sans doute des millions de migrants sont aujourd’hui devant notre porte, dans la nuit ? Autant de Jésus, autant de Marie et de Joseph ! Quelle somme de malheurs et d’injustices a-t-il fallu pour que toutes ces personnes à qui on ne reconnaît pas le statut d’humains, soient déracinés de leur chez-soi, exposés à tous les dangers, et, affront suprême, rejetés comme des indésirables, des encombrants ? « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu ».

« En lui était la vie, poursuit St Jean dans sa méditation, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. »

Mystère étonnant que l’Eglise célèbre cette nuit de Noël : dans l’obscurité froide d’une grotte, la chaude lumière de l’Amour de Dieu vient vaincre nos ténèbres. Le Seigneur plonge dans notre humanité misérable. Il s’enfouit en elle pour y insuffler le souffle puissant de l’Amour et de la Joie de Dieu.


Cette lumière elle est confiée ce soir à chacun de nous, frères et sœurs ; elle a l’air fragile comme les bougies que nous allumons sur l’autel ou dans nos maisons, mais si elle se communique aux autres, de cœur à cœur, de main à main, elle devient un feu énorme capable d’embraser le monde entier du feu de l’Amour et de la Fraternité, ce feu que Jésus aspirait à voir répandu sur la terre :  « C'est un feu que je suis venu allumer sur la terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ! ». (Luc 12,49)

Car, frères et sœurs, ce beau mystère de Noël que nous célébrons ce soir ne date pas seulement de plus de 2000 ans. Cette nuit, l’Eglise ne célèbre pas seulement l’anniversaire de la naissance d’un homme hors du commun, survenue dans un lointain passé. Lorsque l’Eglise fête Noël, elle célèbre un évènement d’aujourd’hui. Car la naissance de Jésus dans notre monde est de chaque lieu et de chaque instant ! 

Les chrétiens qui croient en la Résurrection de Jésus discernent sa présence vivante dans leur vie et dans celle de leurs frères, surtout les plus fragiles, vers lesquels ils sont envoyés pour leur venir en aide. Et cela les remplit d’une joie que rien ne peut détruire.

Marie et Joseph, pour qui il n’y avait pas de place, sont les premiers à embrasser Celui qui vient nous donner à tous le document de citoyenneté : « À ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. » Voilà nos papiers d’identité, nos titres de séjour, les vrais, ceux qui portent le sceau de Dieu. Ceux-là, personne ne peut les retirer !


Ce bébé nu dans la crèche, dans sa pauvreté et dans sa petitesse, manifeste que le vrai pouvoir et la liberté authentique sont à ceux qui honorent et secourent la fragilité du plus faible.

Frères et sœurs, en cette nuit de Noël, prions le Seigneur pour que, par-delà tous les plaisirs de la fête, ce soit vraiment cette joie-là, la joie des bergers reçue des anges, la joie d’aimer, d’être aimé et de partager, une joie pure et inaltérable qui soit donnée à tout homme.

Les occasions ne manquent pas pour la communiquer, cette joie : c'est l'étranger qui frappe à notre porte, c'est la personne seule que nous choisissons d'inviter à notre table ; c'est l'ancien qui demande de l'attention, c'est notre fils, notre frère qui passe un mauvais moment et qui veut être écouté... Ce sont eux les « périphéries » dont parle le pape François qui n'a pas peur de nous rappeler à la réalité, nous et nos hommes politiques qui s'accrochent à la « prudence ».

Avec ces mots du pape François, je nous invite à la prière :


« Émus par la joie du don, petit Enfant de Bethléem,

nous te demandons que tes pleurs

nous réveillent de notre indifférence,

ouvrent nos yeux devant celui qui souffre.

 

Que ta tendresse réveille notre sensibilité

et fasse que nous nous sentions invités à te reconnaître

dans tous ceux qui arrivent dans nos villes,

dans nos histoires, dans nos vies.

 

Que ta tendresse révolutionnaire

nous amène à nous sentir invités à prendre en charge

l’espérance et la tendresse de nos gens.

 

Que personne ne soit oublié,

et ce sera Noël,

aujourd’hui,

demain,

et tous les jours de notre vie. Amen. »






4ème DIMANCHE DU TEMPS DE L'AVENT 19/12/2021


C’est fou ce que Jésus doit aux femmes ! Impossible de l’oublier en fêtant Noël à Bethléem. 

Cette petite ville est aujourd’hui célèbre dans le monde entier pour être celle où eut lieu la Nativité de Jésus.

Mais elle était déjà bien connue longtemps auparavant, et pas seulement à cause de la prophétie de Michée (« Et toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que je ferai sortir un chef, celui qui doit gouverner Israël… ») : Bethléem est aussi le 3ème lieu saint du Judaïsme, l’endroit où se trouve le tombeau de Rachel, l’épouse de Jacob, morte en couches en donnant la vie à son fils Benjamin, dans la lignée duquel naîtra David, puis Jésus.   Naissance tragique, mais Rachel reste dans l’imaginaire juif « la mère » qui va jusqu'au bout du don de soi.


Bethléem évoque aussi la fécondité de Ruth l’étrangère, convertie au judaïsme pour devenir l’arrière-grand-mère de David, ancêtre de Jésus.

Ces femmes dont le souvenir est lié à Bethléem, sont des figures majeures de la foi juive. Dans le judaïsme, la foi est nécessairement engendrement. Fécondité.

=>Faire naître Jésus à Bethléem signifie quelque part que Jésus, fils de Rachel, fils de Ruth, de Tamar et de Rahab, est « venu pour donner la vie » (Jn 10,10).


בֵּית לֶחֶם - Beth Lehem

Evidemment, il y a alors Marie, Marie qui selon Luc et Matthieu, donna naissance à son Fils dans la ville de son ancêtre illustre David qui incarne la royauté messianique.

Le rôle de Marie est bien sûr déterminant. « En entrant dans le monde, dit l’épître aux Hébreux, le Christ dit à son Père : « Tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m’as formé un corps. » Ce corps, c’est Marie qui le lui a donné, en s’offrant corps et âme à Dieu lors de l’Annonciation.

Fécondité là où on ne l’attendait pas. Marie, prototype des femmes qui accueillent la vie, veillent sur la vie, la protègent et la donnent. Comment Jésus ne serait-il pas entré dans cette logique du don et de la fécondité : « Celui qui veut garder sa vie pour soi, la perd, celui qui la donne, la gagne pour l’éternité. » (Jn)

Et puis, il y a Elisabeth, la mère du futur Jean-Baptiste. Elisabeth, trop âgée pour avoir un enfant de Zacharie, conçoit elle aussi grâce à leur foi dans la promesse divine. Remplie d’Esprit Saint, elle rend grâce, suivie par Marie dans son « Magnificat » pour cette merveilleuse irruption de la vie qui transforme le présent et ouvre l’avenir.


 Les grossesses sont porteuses de l’espérance et de la joie. Là où la fécondité diminue, où les naissances ne sont plus souhaitées, c’est une société où la confiance dans l’avenir se perd ; on se replie dans sa bulle de confort ou de méfiance qui exclut le risque de la vie…

Une Eglise qui n’engendre plus de nouveaux chrétiens est une église qui a peur, qui ne croit plus en la vie, en l’avenir... et peut-être même en Dieu. Une église qui meurt à petit feu.


Symboliquement, l’Avent est une grossesse. C’est un ventre arrondi qui porte en lui un fruit à naître, un fruit spirituel. Le Christ doit naître en chacun de nous. Mais souvent nos ventres et nos cœurs sont stériles, faute de se laisser ensemencer par la Parole de Vie !

Un chrétien qui n’est pas fécond, gros de Dieu, n’est pas vraiment chrétien. Pour cela, il faut manger Dieu, avoir faim de Jésus : à propos, savez-vous que Beth-léem signifie : la « maison du pain ». Cela ne vous rappelle rien ?  Ben oui ! Jésus qui dit qu’il est le vrai pain descendu du ciel ! L’eucharistie…

La naissance à Bethléem annonce donc que cet enfant est la vraie nourriture des croyants, le pain vivant donné par Dieu lui-même pour nous faire grandir dans la vie divine. Ce pain est d’abord la parole du Christ, lui qui est le Verbe de Dieu. Ce pain est ensuite l’eucharistie, vraie nourriture pour ne pas défaillir en chemin. En plus, ce symbolisme est renforcé par le fait que Marie couche son nouveau-né dans une mangeoire, le donnant en quelque sorte « à manger » comme un bébé qui est « à croquer » !


Ephrata, le deuxième nom de Bethléem (« et toi Bethléem Ephrata … ») est beaucoup moins connu. Il signifie : « Qui donne du fruit, être fructueux ». C’est bien dans ce « lieu de la fécondité » que Jésus est né, rejoignant ainsi le don de soi pour donner la vie qui est au cœur de la mission du Christ. Il donnera vie à tous ceux qui s’approchent de lui - fût-ce au prix de la sienne - et cette vie comme son royaume n’aura pas de fin.

En devenant des Christs par le baptême, nous naissons tous et chacun à Bethléem, appelés à donner la vie autour de nous, et à nourrir ceux que nous engendrons ainsi à la vie nouvelle.

Célébrer Noël, ce n’est pas fêter un anniversaire, c’est vouloir mettre la vie, l’amour et le don, au cœur de nos projets, c’est se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint pour laisser l’inattendu de Dieu s’incarner dans nos quotidiens.


Prenons un instant, frères et sœurs, pour réfléchir à cette question : =>Suis-je tourné vers la vie ? Ou vers ce qui meurt, ce qui n’est plus porteur d’avenir et de joie ? à la suite de Marie et des femmes de la Bible, à quelle fécondité, à quelle « grossesse » suis-je appelé en ce temps où tant de nos contemporains doutent de l’avenir et de Dieu ?

Entraînons-nous à naître à Bethléem, jour après jour…!




 2ème dimanche de l’Avent C (5/12/2021): "Mes bien chères chaises!"



On vous a tous raconté que Dieu avait créé l’homme et la femme, à son image… Eh bien, c’est faux !

Bien avant l’homme et la femme, il y avait la chaise.

Pourquoi la chaise ? Eh bien, vous allez comprendre.

Les chaises s’ennuyaient au paradis terrestre. Elles n’avaient personne avec qui tenir de longues conversations, elles avaient froid, manquaient de tendresse… C’est alors que l’une d’elles dit : « Faisons l’homme et la femme à notre ressemblance » .

 

Ainsi donc, voilà pourquoi l’homme et la femme n’ont pas de plus grand rêve que celui de s’installer ! Ils sont à la ressemblance de leur créatrice, la chaise… Et si jamais ils se mettent à courir, c’est toujours pour mieux s’installer encore, comme au jeu de la chaise musicale.

L'homme et la femme s'installent dans leur profession, dans le mariage, dans leur maison, dans leurs idées.  Au fond ils s'installent pour être indépendants, n’avoir besoin de rien ni de personne, ce qui est bien différent d'être libres. Et à partir de ce jour, ils se sont mis à consommer, car la consommation c'est la nourriture de l'homme et de la femme installés. Et ils ont perdu la liberté, la vraie.

Seuls le rêve, le désir, l'émerveillement, l'amour peuvent nous faire lever de notre chaise et nous mettre en marche, car il n'y a d'amour que renouvelé. D'ailleurs : la liberté n'est pas autre chose, elle est chemin qui ouvre l'avenir, elle est toujours une remise en question.

Si nous nous laissons remettre en question, comme les auditeurs de Jean-Baptiste, c'est la preuve que la liberté est importante pour nous : un cœur qui n’est pas entravé, une vie qui n’est pas obstruée par des tas de faux besoins, et que nous admettons que nous n'avons pas toujours raison et que nous n'avons jamais raison tout seuls. Il n'y a pas de liberté solitaire, il n'y a de liberté que solidaire.  

 

Jean le Baptiste nous lance un fameux défi, en ce deuxième dimanche de l’Avent. Celui de nous laisser désinstaller de nos chaises, de nos habitudes, de nos lassitudes…

On a essayé de civiliser un peu l’image du Baptiste, comme on l’a souvent fait avec les saints un peu remuants. Mais ceux qui ont quelques notions d’histoire savent que l’Evangile le décrit comme un homme étrange qu’on n’aurait pas aimé rencontrer au coin d’un bois. C’était un vagabond barbu, vêtu de peaux de bêtes qui se nourrissait de ce que la nature lui donnait, en particulier de miel sauvage et de sauterelles.

Eh bien, frères et sœurs, Je pense que le salut de l’Eglise et du christianisme viendra aussi probablement de ceux que nous appelons des « marginaux ». Je pense à certains mouvements actuels, des jeunes (principalement) se regroupent pour vivre un idéal qu’ils ne trouvent plus dans la société : des « décroissants », soucieux de l’avenir de la planète, ou, des congrégations nouvelles, comme la Fraternité de Tibériade à Lavaux Ste-Anne… Ou, San Egidio, en Italie,…

Leur leit-motiv : retour vers la simplicité, et la justice. C’était pareil avec Jean :  Tous étaient frappés par la simplicité des réponses de Jean. Il préconisait pour seule règle, une élémentaire charité ou solidarité humaine relevant plus du bon sens que de prescriptions religieuses compliquées. Que personne n’ait faim, que personne n’ait froid dans des vêtements insuffisants. Telle était la règle de base. Les vêtements que chacun avait en trop étaient destinés à ceux qui étaient dans le besoin.

Il ne préconisait aucune privation rigoureuse, le bon sens élémentaire était suffisant. A partir d’un raisonnement simple et d’une pratique bienveillante concernant le sort des autres, il devenait aisé de discerner le chemin que Dieu préconisait pour chacun.

Jean-Baptiste, le prophète, nous dit que tous auront leur chance d’avoir une issue ; chacun, chacune aura le chemin ouvert, la chance voulue de faire son chemin dans la vie. A condition de faire le ménage dans sa vie de tout ce qui ne va pas, et de se laisser retourner par Dieu qui vient au-devant de nous.

 

Si je vous dis qu’aujourd’hui, le bulldozer ou la déneigeuse est devant votre porte pour débloquer le chemin de votre vie encombrée par une énorme congère, qu’allez-vous faire ? Allez-vous téléphoner à la commune pour dire que vous n’en avez pas besoin, que vous n’avez pas besoin de sortir, ou que vous avez assez de sel dans votre salière pour faire fondre la neige ?

Non, vous allez vous réjouir, parce que des chemins nouveaux vont s’ouvrir dans votre vie.

Je nous souhaite à tous, pour cet Avent, ce Noël qui sera là bientôt : le risque, la désinstallation, la vraie liberté et surtout l'amour ; aller vers Dieu et vers les autres.

Allons, levons-nous et ouvrons notre cœur à ceux qui ne manqueront pas de nous faire signe pour un vrai partage. « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse ! Voici que ton Dieu s’avance vers toi ! »


 

1er DIMANCHE DE L’AVENT : UN GERME POUR RELEVER LA TÊTE !
« Il faut sauver Noël ». J’ai entendu cette phrase à la radio il y a 2 jours, alors que les journalistes et les gens supputaient sur les prochaines décisions du CODECO concernant les mesures pour ralentir la progression du Covid.

Oui, il faut sauver Noël. Mais quel Noël ?

C’est de nouveau l’Avent ! Cette période nous laisse toujours avec un double sentiment. Nous savons que nous allons vers Noël et cela évoque pour nous la joie. Mais nous savons aussi que nous entrons dans une période de frénésie commerciale et, plus encore, une période où la solitude et la pauvreté se feront encore plus cruellement sentir. Entre ceux qui ont et qui vont se goberger, faire bombance dans l’insouciance, et ceux qui n’ont pas et qui ne peuvent que regarder les autres, le fossé ne cesse de grandir.

Les textes apocalyptiques que nous lisons ces dimanches-ci ne peuvent être compris comme une chronologie d’événements à venir, comme de vagues prédictions. Il faut tout simplement les lire au présent 

Ils ont été écrits pour qu’on les lise à chaque époque au présent. Chaque époque peut, d’une façon ou d’une autre, s’y reconnaître. Et c’est le but, car il ne faut pas s’endormir. Il faut se préparer. La tuile, la grosse tuile peut tomber comme le filet dont parle Jésus dans l’évangile. Et elle tombe toujours à l’improviste, quand on ne s’y attend pas. Comme l’inondation du mois de juillet en Wallonie et en Allemagne, comme le cancer ou une autre catastrophe dans notre vie personnelle… Tout s’écroule. C’est la fin du monde pour ceux qui vivent ces événements.

Je sais très bien qu’il y a pas mal de chrétiens que ces passages d’évangile « apocalyptiques » énervent ou dérangent, et qui se demandent pourquoi on ne les a pas retirés des lectures que l’on fait habituellement à la messe. « On ne vient pas à l’église pour entendre des prophéties de malheur, des messages inquiétants, alors qu’on vit déjà assez de choses difficiles dans sa vie à chacun, et que la religion est là pour rassurer, consoler, bref faire du bien quand on a bobo… ! »

Justement ! Il faut exorciser la peur. Et ce n’est pas en se cachant la tête dans le sable comme les autruches qu’on va y arriver : il faut regarder les réalités en face – et aussi nos peurs – pour pouvoir les vaincre et adopter la bonne attitude.

Donc, l’évangile a été écrit pour aujourd’hui. Et l'actualisation de ces récits est vraiment facile. Il suffit de constater les bouffées d’inquiétude, pour ne pas dire plus, que nous apportent quotidiennement les médias : la pandémie du Covid-19 et de ses variants, la saturation des hôpitaux et la pénurie des soignants, les rumeurs de guerre aux frontières de l’Europe, la pollution nucléaire ou chimique, le réchauffement de la planète et les conséquences probables sur nos conditions de vie...

C’en est assez pour dire ce qui, en ce moment, alimente nos angoisses. Il n'est pas nécessaire de lire l'avenir dans une boule de cristal. Les récits apocalyptiques racontent le présent. Comment voulez-vous que ce ne soit pas LE moment ? Pourtant, la société moderne de consommation fait tout pour distraire les gens et les empêcher de réfléchir : « Black Friday » : ces mots vous font vibrer ? , alors tel au n° untel et si vous gagnez en répondant correctement, vous aurez un bon de 200 € que vous pourrez dépenser pour votre plus grand plaisir, vos désirs les plus fous… »

Vous voyez le décalage ? Avec l’évangile de Luc, nous avons donc une série de signes sous les yeux pour dire que oui, nous sommes bien dans les temps de la fin (qui ont commencé, je vous le rappelle, en l’an 33 ap. JC).

=> Tout ceci fait que nous n'allons pas être orientés par le récit des crises et des angoisses, mais nous allons être orientés par ce qui a commencé et qui va être terminé. C'est l'espérance qui va nous diriger. Passer dans une autre conception, une autre manière de voir le monde et de vivre sa vie.

« Redressez-vous et relevez la tête : votre délivrance est proche » (Lc 21, 28). Quand les épreuves commenceront à s'accumuler, quand toute issue sera fermée, quand la violence semblera victorieuse, quand tout appui se sera éloigné, quand Dieu lui-même vous paraîtra trop absent pour écouter, trop lointain pour répondre, redites-vous : "La délivrance est proche ; le Fils de l'Homme vient nous sauver !"

Il faut que le Seigneur « affermisse nos cœurs » (une autre manière de dire: donner courage),  comme dit St Paul dans sa lettre, afin que, puisque nous savons comment nous conduire de façon à plaire à Dieu, nous fassions de nouveaux progrès ».

Quels progrès allons-nous faire pendant cet Avent ?

Il faudrait que chacun de nous y réfléchisse. Sérieusement. Préparer Noël n’est pas qu’une affaire de menu à composer et de cadeaux à acheter. Il ne faudrait surtout pas que notre cœur ne s’alourdisse, comme l’écrit Paul, dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce Jour-là (le Jour du Seigneur) ne tombe sur nous à l’improviste comme un filet… Un cancer peut vous tomber dessus demain, je vous le répète. Alors, à quoi bon les extravagances et les folies consuméristes ?

Alors, ok, il faut se réveiller ! Et se remuer… Relever la tête, c’est aussi aider les autres à se relever. Les victimes des inondations, par exemple.  « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles » (Luc 21,25). Ces signes sont là pour que nous relevions la tête et retroussions nos manches. Concrètement, lors des messes dominicales au cours de cet Avent, les paroissiens seront invités à choisir un soleil, une lune ou une étoile à l’entrée de l’église, et à y inscrire une phrase, un mot ou une prière qui l’aura touché dans les lectures ou l’homélie. Ces astres lumineux seront ramassés puis accrochés sur un sapin de Noël près de la crèche, durant l’offertoire. Ils éclaireront notre espérance sur ce chemin d’Avent que nous parcourrons en témoins de la Lumière…


Comme nous y invite ce sapin-visuel de l’Avent cette année, faisons naître la lumière dans notre communauté, notre cité, auprès de nos proches, de nos familles, de nos amis… pour les personnes les plus démunies aussi, en faisant un don lumineux à travers Action Vivre Ensemble !

Noël est une fête contre la peur, contre toutes les peurs, contre toutes les angoisses. Ne nous laissons pas dérober le message de paix, de douceur, de pardon et de joie que nous apporte l'enfant dans la crèche. Regardons plus loin, plus haut, inscrivons nos vies dans le temps ouvert par celui qui est venu, et soyons tendus vers lui, car il vient encore.

Noël est une fête contre la peur et ce n'est pas seulement le moment un peu sensible de la nuit de Noël qui doit le dire, mais ce sont nos actions. « En ces jours-là je ferai germer un GERME de justice… » (Jérémie). A nous tous de veiller à faire grandir, fructifier des germes de justice, de solidarité, de fraternité… Lesquels voyons-nous ? voulons-nous ? Osons donc la solidarité et le partage. Soyons pour nos proches, des signes qui aident à vivre et à croire. Nous serons ainsi des étoiles dans la nuit de notre monde. 

Est-il vrai que Dieu vient vers nous ? Montrons-le ! Amen.


 



HOMELIE CHRIST-ROI 2021




Il y a quelques années d’ici, un instituteur a posé la question suivante dans sa classe, en guise d’interrogation de religion (prenez note) : « Jésus a annoncé son retour. Il arrive en train à  Verviers à 19h51. Vous devez l’accueillir à la gare. Comment le reconnaîtrez-vous ? »

On va se mettre dans la peau de ces élèves et réfléchir une seconde. A quoi reconnaitrai-je le Christ s’il revenait aujourd’hui ?... ça y est, vous avez trouvé ?

Alors, il y a bien sûr un de ces élèves qui a dit : « Je le reconnaîtrai parce qu’il a les cheveux longs et une barbe… un autre a dit : il a la peau brune, genre méditerranéen…

Une élève qui s’est creusée davantage a dit : « il est habillé comme un pauvre, un clochard ».

Ah, ça c’est déjà plus fouillé ! un quatrième a dit : « il est entouré de marginaux, de paumés, d’exclus de toute sorte, ou d’enfants, de malades, de pécheurs… »

Et puis, peut-être qu’une dernière a dit : « Je ne sais pas. Je crois que je le reconnaîtrai à son regard, comme si je l’avais toujours connu, comme s’il me connaissait depuis toujours. Il y a une force, une douceur, un amour dans son regard, dans sa voix, dans toute sa personne… »

 


Oui, ce n’est pas seulement une question théorique. Un jour je serai devant lui, et chacun de nous aussi. ça c’est sûr ; ce qui est moins sûr, c’est que ce soit à la gare de Verviers ! Alors, je serai sans doute étonné, parce que je me suis fait tant d’images de lui… je le vois comme ci, comme ça, … Peut-être en mendiant, ou en enseignant, ou en juge, ou encore… en roi !

Toutes ces images, nous les avons héritées du petit catéchisme de notre enfance, ou de l’école, de ce que nos parents nous ont transmis. Quelque part, elles sont imprimées en nous. L’image d’un roi en fait partie, certainement.

Or, la seule fois où Jésus a accepté qu’on lui donne ce titre de roi, c’est devant Pilate ! Vous imaginez : un homme pauvre d’un pays sans armée et sans pouvoir, rejeté par les siens de surcroît, face à un gouverneur romain représentant l’homme le plus puissant du monde…

Jésus n'est pas un roi comme les rois de la terre. Saint Jean nous l’affirme en faisant dire à Jésus que sa royauté ne vient pas de ce monde, qu’il est venu pour réaliser et révéler le projet de salut de Dieu. La royauté de Jésus consiste à rendre témoignage à la vérité. La vérité, c'est que Dieu se fait connaître en Jésus et que c'est Jésus lui-même. Jésus est Roi parce qu'en lui, nous pouvons voir le Père.

 

Plutôt abstrait tout cela et, pour avancer dans notre compréhension, il y a la réponse que Jésus fait à Pilate : «Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix». Cette phrase nous aide à mieux cerner la relation que nous pouvons avoir avec Jésus qui est bien ce Roi de l’Univers.

 

À la suite de Jésus, il nous est demandé d'annoncer le règne de Dieu qui est sous le signe de la justice, de la paix et de la vérité. Jésus mort sur la croix est bien vivant sur les chemins de ceux et celles qui cherchent à construire un devenir sans le recours au mépris et à la violence. Jésus règne par notre foi en lui. Honorer ce Roi c'est donc écouter sa voix, c'est conformer notre vie à la vérité, à la manière même de Jésus qui est venu pour être témoin de la vérité de Dieu.

 

Jésus bâtit son Royaume dans notre monde de façon discrète ; il ne l'impose pas par la force et le prestige… La vérité nous approche tout doucement de Dieu et lui donne des visages qui ne laissent pas de nous surprendre...

Chaque fois que nous aimons, que nous pardonnons, que nous tendons la main à quelqu'un qui a besoin d'aide, nous rendons hommage à Jésus, notre Roi. Découvrir dans l'autre, celui qui est différent de moi, un frère, une sœur à aimer, cela permet de construire le Royaume de Dieu qui n'aura pas de fin.

Honorer le Christ-Roi, ne consiste pas à faire brûler de l’encens devant la statue du Christ, ou à organiser des cérémonies triomphales, comme celles que célèbrent les puissants de la terre. Honorer le Seigneur, c’est «écouter sa voix» et conformer notre vie familiale, professionnelle et sociale, à la sienne. «Toute personne qui appartient à la vérité écoute ma voix.» Amen !

Vraiment, Seigneur, tu n’es pas un roi comme les autres rois.

Ton pouvoir tu le tiens d’un autre.

Tes lois se résument aux béatitudes.

Tes sujets ne sont pas des serviteurs mais tes amis.

Ton habit est la tenue de service

et ta victoire est celle de l’amour sur la haine.

Puissions-nous, Seigneur, être les dignes sujets d’un tel roi pour faire advenir ton Royaume par le Christ Notre Seigneur. Amen.



HOMELIE 33ème DIM. ORD. B : " LA PARABOLE DU FIGUIER "


Quand le printemps est proche, j'aime bien voir les gens sortir dans leur jardin pour gratter la terre

Ils ont vu des signes, des petites pousses vertes ; ils ont entendu le chant d'un oiseau, senti quelque chose dans l'air : ils savent que le printemps arrive, avec une force de vie incroyable.

Et ils ne s'enferment pas dans leur maison, mais ils vont à la rencontre de ce printemps, de ce courant de vie, en allant gratter dans le jardin, jeter et brûler les vieilles branches, redresser une tonnelle ou un tuteur un peu affaissé…

C'est ça l'espérance chrétienne : une vertu active, qui nous fait faire toujours le choix de la vie, en discernant puis en cultivant ce qui est en train de germer au travers de tous les bouleversements du monde et les soubresauts de nos vies…

 

J’aime beaucoup la comparaison du figuier qui retrouve ses feuilles au printemps : 

En parlant de sa venue comme d’un printemps et d’un renouveau, Jésus nous invite à quelque chose d'essentiel, une attitude qui n'est ni pessimisme (tout va mal, de toute façon on ne peut rien y faire), ni optimisme béat (tout va s'arranger, fermons les yeux…) ;

il nous invite à vivre et pratiquer l’espérance, qui est une vertu active : Un souper choucroute pour Cibombo,  une main tendue pour accueillir un migrant, un soutien à des jeunes qui cherchent à orienter positivement leur vie, un mot de remerciement et d'encouragement à des soignants ou à des visiteurs qui essaient d'apporter de la chaleur humaine dans une maison de repos, …

tout cela, c'est aller à la rencontre du printemps, c'est croire en la force de la Vie et de l'Amour que nous donne Jésus Christ.

 

Jésus, ne cherche pas à nous faire peur. Son message est un message d’espérance et de confiance !

Le soleil qui s'obscurcit, les étoiles qui tombent du ciel sont des images pour dire que "tout ce qui brille n'est pas or". Ce qui avait pu nous sembler beau et attirant, tout ce que "nous adorions", les « stars », la gloire et sa poudre aux yeux, l’orgueil et la puissance, perdra son éclat et disparaîtra quand Dieu apparaîtra en pleine lumière !

Oui, Jésus parle de la fin d’un monde, mais surtout de la naissance d’un monde nouveau.

Les soubresauts de l’Histoire font que, de tous temps, il y a eu des prédictions qui reflétaient cette angoisse de l’homme devant la précarité de son existence… La « fin du monde » a été annoncée un nombre incalculable de fois par les astrologues ou les prophètes de malheur.

Et c’est vrai que notre époque leur donne du grain à moudre : Nous vivons aujourd'hui une période de crise internationale, mondiale : crise politique, sociale, économique, écologique et sanitaire. Ce n'est pas un film de science-fiction. C'est aujourd'hui ; c'est grave pour aujourd’hui et pour demain. Pas question de se voiler les yeux.

Mais une fin d’un monde, ça arrive tout le temps. Le monde d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le monde que nous avons connu il y a 10, 20, 40 ou 50 ans. Les civilisations, les systèmes de pensée et d’organisation humaine passent les uns après les autres, poussés par le vent de l’Histoire. Au mieux, on recueille une partie de l’héritage de la civilisation précédente mais ce ne sera plus jamais pareil. Plus jamais !

Donc, pas de panique. Oui, le monde tel que nous le connaissons est en train de disparaître ; oui, « cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive » :

Mais Jésus parle de ce moment-clé, excusez-moi je vais dire un gros mot, un mot grec qui revient 8 fois dans l’épître aux Hébreux : il y a un « hapax » dans l’Histoire si chaotique du monde. C’est-à-dire un événement indépassable, un événement qui arrive une fois seulement et qui change radicalement le sens de l’Histoire. Et rien ne pourra jamais annuler cet événement car : « c’est une fois pour toutes (« epaphax »), à la fin des temps, que le Christ s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice », écrit l’auteur de l’épître.

C’est une fois pour toutes que Dieu, le Très-Haut adoré par les Juifs, s’est incarné dans l’humanité. Événement inouï, inimaginable, qui change le cours du temps, définitivement.

C’est une fois pour toutes que le Christ a pris sur lui la mort et le péché, en offrant sa vie sur la Croix. Un Dieu qui meurt sur une croix : scandale pour les Juifs, folie pour les païens !

Enfin, c’est une fois pour toutes que Jésus le Nazaréen s’est levé d’entre les morts, le premier, avant la résurrection finale promise à tous ceux qui suivraient sa voie. 

Ce hapax-là signifie la fin d’un monde, mais surtout le début d’un monde nouveau qui continue de se déployer dans toute l’Histoire humaine et dans chacune de nos histoires personnelle. Chacun de nous doit se situer par rapport à cet événement uniquel’accepter et se laisser transformer par lui, ou le refuser et alors se laisser flotter comme un bouchon sur les flots erratiques de l’existence et de l’histoire…

« Terre et ciel passeront, mes paroles ne passeront pas » : Voilà à quoi nous devons nous accrocher pour traverser les crises et les catastrophes personnelles et collectives : Pas en serrant les dents, mais dans la confiance et la Joie de savoir que Dieu et son Royaume sont si proche de nous.

Ainsi mes amis, c'est dans la joie qu'il nous faudrait penser à cette fin du monde : Où Dieu est de retour, le soleil est brillant, la terre se réchauffe, la nature reverdit, et les arbres bourgeonnent. C'est le retour du beau temps.

Je termine en citant ce beau texte d’un auteur anonyme : 

« Il avait ajouté : "Sachez-le, vous aussi, le Fils de l'homme est proche, il est à votre porte."  Alors, j'ai regardé. J'ai vu autour de moi ceux et celles qui sont comme autant de soleils, qui donnent de la chaleur à ceux et celles que glacent l'abandon, la misère, l'oubli, la solitude. Ceux et celles qui donnent de la lumière à ceux qui ne voient plus clair, à celles qui désespèrent. Qui sont consolation pour ceux et celles qui pleurent. Qui ouvrent la route à Dieu, aujourd'hui, pas demain… 

Alors en les voyant, je me suis dit : "II est temps d’en être, moi aussi !" »

Amen, viens Seigneur Jésus!


HOMELIE 32ème DIM. ORD. B :  L'OBOLE DE LA VEUVE


Aujourd'hui, nous arrivons presque au terme de notre parcours avec l'Evangile de St Marc qui nous a accompagnés au long de cette année liturgique. Et nous aurons percé le secret de l’évangéliste St Marc si nous avons compris qu'il a écrit l'Evangile de la faiblesse, l'Evangile de l'échec.

Nous avons vu Jésus partir sur les routes, annonçant le Royaume de Dieu tout proche. Mais nous avons découvert peu à peu l'échec de sa prédication :

Des adversaires se sont levés contre lui, jusqu'à le conduire à la mort. Les foules, si admiratives au début, se sont détournées de ce Messie qui ne répondait pas à leurs exigences. Les disciples eux-mêmes se sont enfoncés dans l'incompréhension, et ont abandonné leur maître au moment suprême.  Et c'est finalement au moment  Jésus meurt qu'un païen, un soldat romain, reconnaît en lui le Fils de Dieu.

Evangile de l'échec, mais aussi éloge, réhabilitation de la faiblesse !

Deux types de personnages s'affrontent sans cesse dans cet évangile. D'un côté, les forts ou prétendus tels, ceux qui ne cherchent qu’à satisfaire leurs seules ambitions.

Mais aussi les faibles, ceux qui, précisément ont le courage de reconnaître leurs faiblesses. Ceux-là seuls peuvent accueillir la Bonne Nouvelle, ouvrir leur cœur à l'autre, à l'étranger.

 

Il y a trois catégories de personnes qui sont souvent évoquées ensemble dans la Bible parce que considérées comme socialement et économiquement faibles : l'immigré, la veuve et l'orphelin.

La veuve, en particulier, était particulièrement fragile. Privée de son mari, elle tombait souvent dans la pauvreté.

Aujourd’hui, l'évangile et la première lecture mettent en scène deux veuves, pauvres l'une et l'autre. On s'attendrait à ce que les textes invitent à leur venir en aide. Mais, de façon inattendue, c’est l’inverse qui se passe : ce sont ces pauvres veuves qui deviennent des bienfaitrices. Et des bienfaitrices qui, de fait, donnent beaucoup plus que les riches !  Elles ne donnent pas de leur superflu : elles n’en ont pas !  Elles donnent l'une et l'autre le peu qui leur permet de vivre, ou plutôt de survivre.

La veuve de Sarepta donne au prophète Élie les derniers vivres qui lui restent, alors qu’elle s'apprête à mourir, elle et son fils. Mais bientôt sa générosité est largement récompensée : elle échappe à la famine qui frappe le pays.

Dans l'évangile, une veuve pauvre glisse deux piécettes dans le Trésor du Temple. Ce n’est rien, mais c'est tout ce qu'elle a pour vivre. À la différence de la veuve de Sarepta, il n'est pas dit qu'elle en reçoit une récompense, du moins dans un avenir immédiat. Mais elle suscite l'admiration de Jésus qui la donne en exemple aux siècles futurs.  Dans l'évangile, elle est l'icône, le symbole de la générosité sans limite.

Quant à Jésus, et nous l’avons entendu dans la  lecture, c’est lui-même, c’est sa propre vie qu’il donne. Il s’offre à la mort pour nous ouvrir à sa vie. C’est le don de soi, le plus grand qui puisse se vivre.

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés - avait-il dit  Il n’y a de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » 4

Face à la logique du profit qui dirige le monde et envahit tous les domaines, Jésus, lui, prône une économie du don. De la gratuité. C’est proprement révolutionnaire.

Aujourd’hui, tous les biens se paient, même l’eau que nous buvons et bientôt sans doute l’air que nous respirons (via les usines de décarbonement qui commencent à s’implanter). La marchandisation est partout, même dans la religion.

Or, si tout se paie, il devient de plus en plus difficile à l’homo économicus de comprendre Dieu et son Royaume où tout est grâce, gracieux :  Le mot « grâce » comme les mots « gratuité », « gratitude »… viennent du même terme latin gratia).

Sans le don (gratuit - celui qui n’attend pas de contrepartie), l’humain s’endurcit et la société devient une société basée sur le mérite, le « donnant-donnant » et où la valeur des individus est conditionnée par leur seul compte en banque. Il n’y a pas de place pour la gratitude – la reconnaissance, puisque ce que j’ai, je l’ai gagné à la seule sueur de mon front.

L’économie du don est basée, elle, sur ce sentiment de gratitude et d’émerveillement qui survient lorsque celui qui reçoit découvre qui est celui qui fait le don, et entre en relation avec lui. La personne est alors plus importante que la matière du don. Et la joie immense qui en résulte fait que le don premier entraine une cascade de proche en proche. C’est ce qui se passe avec Dieu :

Dieu a donné le premier, il importe pour nous de recevoir tout ce qu’il nous donne constamment, et ensuite, non seulement de lui rendre grâce -ce que nous faisons dans l’Eucharistie- mais aussi d’entrer dans cette même dynamique en donnant à notre tour gratuitement et librement…   

La capacité à recevoir avec simplicité et spontanéité est aussi évidemment importante ; nous considérons si souvent tous les biens dont nous profitons chaque jour comme un dû, quelque chose de normal... Même notre propre vie.

En fin de compte, c’est finalement une expression étonnante mais pertinente que cette « économie du don » (une expression invoquée par Benoît XVI), car en fait, c’est lorsque nous donnons que nous économisons. Le don gracieux devient source d’enrichissement sur tous les plans… En effet : « On ne possède que ce à quoi on renonce ; ce à quoi on ne renonce pas nous échappe », disait Simone Weil.

Les deux femmes veuves et pauvres dont il est question ce dimanche constituent des figures au travers desquelles Dieu se donne. Aujourd'hui, ce sont toutes les femmes de nos familles, amies ou collègues de travail, célibataires ou consacrées, épouses ou mamans qui, par leurs choix généreux et leur souci du quotidien, nous révèlent la fidélité de Dieu envers chacun d'entre nous.  


Et nous, frères et soeurs, que sommes-nous capables de donner, de notre superflu, de notre nécessaire, de nous-mêmes ? 

Saurons-nous être de ces « pauvres » - qui savent donner jusqu’au bout d’eux-mêmes - dans la confiance que Dieu ne cessera pas de nous enrichir, lui ? 

…Quelles sont nos deux "piécettes" ?



Homélie pour la fête de tous les saints
1 novembre 2021

C’est une fête de famille qui nous rassemble aujourd’hui. C’est vrai pour vous qui, peut-être, vous rassemblez aujourd’hui pour honorer la mémoire d’un proche disparu récemment.

Demain, 2 novembre, nous ferons mémoire des défunts de nos familles. Aujourd’hui, nous nous réjouissons avec tous ceux qui vivent aujourd’hui dans la lumière de Dieu, avec les saints nos frères et sœurs aînés dans la foi. C’est la fête de la grande famille des enfants de Dieu, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui.

Cette fête de la Toussaint nous tourne vers le passé, proche ou lointain. Elle nous invite à l’action de grâce pour les merveilles que Dieu a accomplies dans la vie de ces hommes et de ces femmes, illustres ou inconnus, « saints de la porte d’à côté » comme dit le pape François, qui ont marché sur les chemins de l’Évangile. L’amour, la paix, la justice, étaient leur loi ; la foi était leur secret. Leurs statues, leurs images, ornent nos églises, nos maisons ; elles nous invitent à les imiter peut-être, à les invoquer aussi. Nous les croyons près de Dieu, ils peuvent parler de nous au Père. « Saint et saintes de Dieu, priez pour nous ».

Cette fête de la Toussaint nous tourne vers le passé, mais elle nous tourne aussi et surtout vers l’avenir, un avenir que Dieu offre à chacun de nous. La mort est à l’horizon de notre vie. Mais elle n’est pas la fin de notre vie avec Dieu. Si nous la mettons aujourd’hui entre ses mains, elle traversera la mort pour déboucher dans sa lumière. Les Béatitudes sont le chemin vers cette plénitude de vie.

Oui, même si cela nous paraît incongru, décalé par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui, à tous ces malheurs qui frappent le monde chaque jour, chacun de nous est appelé à être heureux, bienheureux. Le chemin de la sainteté, c’est le même que celui du bonheur.

Être heureux, n’est-ce pas ce que nous voulons tous ? Être heureux en famille, être heureux avec les amis, être heureux dans son travail... Mais certains peut-être, parmi vous, ont fait leur deuil même du bonheur. Il y a si longtemps que la maladie accable les uns, que les divisions familiales assombrissent les autres, que les difficultés du travail, les problèmes financiers empêchent de dormir, que les menaces du Covid ou du terrorisme… Arrêtons la liste : il y a tant de raisons de ne plus croire au bonheur. Être heureux ? Être bienheureux ? Comment cela serait-il possible ?

Le bonheur annoncé par Jésus n’est pas un bonheur à l’eau de rose. Ce n’est pas un bonheur facile. Jésus prend en compte les difficultés de la vie : la lutte pour la paix et la justice ; le combat spirituel pour avoir un cœur humble, pauvre et disponible ; le pardon pour éviter l’escalade de la violence ; un cœur pur pour voir l’action de Dieu dans l’épaisseur chaotique de nos vies ; le courage du témoignage malgré les incompréhensions, le rejet et les moqueries… Il l’a vécu lui-même, au cours de sa vie terrestre.

Jésus nous affirme que le bonheur est possible là, au milieu de nos difficultés et de nos malheurs, car Dieu vient nous rejoindre pour nous habiter et vivre avec nous nos épreuves. Au cœur de nos épreuves, il nous redonne vie et espérance. Le bonheur dont parle Jésus c’est un don et une promesse, pas une utopie !

à condition de rester ouverts ! Être ouvert : grande qualité, dans laquelle il n’est pas si facile de se maintenir. Quand l’ouverture a été blessée, grande est la tentation de se refermer, de se protéger. Quand l’attente d’un grand bonheur a été déçue, grande est la tentation de se replier sur des faux bonheurs, sur des simulacres de bonheurs. Mais c’est alors que nous ne sommes plus perméables à l’amour, à l’amour des autres et à l’amour de Dieu. Le bonheur n’est donné que dans l’ouverture maintenue coûte que coûte. C’est pour cela que la 1ère des Béatitudes concerne les « pauvres de cœur » : celui qui sait qu’il manque à lui-même, qu’il ne peut pas être comblé que par lui-même, et qu’il a besoin de Dieu, besoin des autres : celui-là peut expérimenter le vrai bonheur qui est d’aimer et de se donner, de pardonner et de s’engager pour la justice…  

Être pauvres de cœur, ce n’est pas vivre dans la misère. Jésus ne souhaite pas que les gens vivent dans la misère. Il a même tout fait pour soulager la misère des personnes de son époque. Et au cours des siècles, les chrétiens ont été nombreux, et ils le sont encore aujourd’hui, à lutter contre la pauvreté sous toutes ses formes…

Ce que Jésus met en avant dans cette béatitude de la « pauvreté », c’est l’ouverture de cœur ; une ouverture qui a aussi pour nom espérance : L’espérance du retour de celui qui est parti en claquant la porte, l’espérance d’un pardon qu’on attend depuis longtemps, l’espérance – et ce n’est pas la plus facile – d’une conversion de son propre cœur quand on a tendance à désespérer de soi-même. Le bonheur n’est possible que pour ceux qui espèrent, qui espèrent inlassablement, malgré tout.

Oui, c’est ceux-là que Jésus proclame bienheureux. Nos parents défunts, comme tous ceux que l’Eglise proclame saints, n’étaient pas parfaits ; mais ils ont su, malgré leurs limites et leurs faiblesses, tracer un chemin de bonheur en faisant confiance à Dieu et en se mettant au service des autres, de leurs frères.

C’est comme cela qu’ils ont pu avancer sur la route malgré les obstacles. Ils nous ont laissé cet exemple, et ils sont en communion avec nous chaque jour. Nous les prions pour qu’ils nous aident à rester ouverts, à Dieu, aux autres, dans tout ce que nous traversons. Alors, nous découvrirons combien ils sont vivants, et nous avec eux en espérance.

 

ECOUTE…   (31ème dimanche ord. B – 2021)

« Quel est le premier de tous les commandements ? »

Frères et sœurs, avez-vous remarqué que la réponse de Jésus au scribe commence par ce simple mot : « Ecoute… » ? Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras.. (Dt 6,’) 

C’est d’une logique imparable car, en effet, à quoi sert de poser une question si l’on n’est pas disposé à en écouter la réponse ?

A moins que, comme cela arrive dans certains débats, la question soit posée pour étaler son savoir et épater l’auditoire. Ou bien, comme c’est souvent le cas avec les adversaires de Jésus, pour le coincer en le mettant en contradiction avec la loi et ses propres paroles. Mais cela ne paraît pas être le cas ici : Ce scribe est émerveillé par la réponse de Jésus, qui lui dit qu’il n’est pas loin du Royaume de Dieu. 

 

Voyons plus loin... ! 

Nous avons déjà fait l'expérience qu'écouter vraiment n'est pas évident. Pourquoi est-ce difficile ? 

Parce qu’écouter c'est prendre le risque de me rendre vulnérable car je dois surmonter mon orgueil, accepter d’être celui qui reçoit, risquer de voir mes certitudes ébranlées. 

Je peux être déstabilisé et, très vite, tenté de mettre en place des filtres sélectifs me permettant de devenir sourd à ce qui me dérange. 

Plus grave encore : écouter peut m'amener à devoir me remettre en question, à changer d'idées, de façons d’être ou de comportements auxquels j’étais habitué et qui sont devenus très confortables avec le temps. 

 

Il me faut donc apprendre à mieux écouter.

Mais comment ? En commençant par les principes de base, évidemment : 

- Faire silence en moi. 

- Ne pas interrompre mon interlocuteur. 

- Ne pas préparer de réponse en faisant semblant d’écouter.

- Ne pas chercher à me défendre, ou à me justifier. 

 

Frères et Sœurs, je vous propose un moment de méditation pour évaluer humblement la façon dont nous écoutons habituellement. Et je fais cet exercice avec vous.

Terminons en remerciant le Seigneur de nous avoir donné deux oreilles et demandons-lui la grâce de pouvoir bien les utiliser, dès cet instant, en poursuivant notre Eucharistie.  Amen.

Conte : le garçon aux longues oreilles

Il était une fois dans un pays lointain, très lointain, un hakem (gouverneur). Il avait un garçon qui avait de longues oreilles. Comme ce dernier en avait honte, il les cachait avec une calotte. Si cette tare s’ébruite, il sera la risée de tout le monde. C’est pourquoi son père faisait appel à un coiffeur pour lui faire couper les cheveux, à domicile, loin des regards indiscrets.

Mais un jour, le coiffeur, rongé par la curiosité, voulut savoir pourquoi le garçon avait de longues oreilles. C’est ainsi qu’il commit l’irréparable ! On le laissa couper les cheveux, puis on lui coupa la tête pour qu’il ne révèle pas le secret. Les coiffeurs se succédèrent et posèrent la même question, et leurs têtes sautèrent après qu’ils coupèrent les cheveux du fils du gouverneur.

Un jour, on fit venir un coiffeur, qu’on dit discret. Il vit les grandes oreilles de l’enfant, mais ne chercha pas à savoir pourquoi. Il coupa les cheveux. Mais avant qu’il s’en aille, le père lui recommanda de garder le secret s’il ne voulait pas se faire décapiter.

Le coiffeur rentra chez lui décontenancé car le secret qu’il détenait prenait de l’ampleur et le gonflait petit à petit si bien que son corps devint trop lourd. Pour se libérer de ce poids qui l’écrasait depuis de nombreux jours, il se rendit dans un puits et cria en se penchant vers le vide : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! » La grenouille l’entendit et se mit à crier elle aussi : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! Le fils du gouverneur a de grandes oreilles ». Le pigeon venu se désaltérer, près du puits, l’entendit et se mit à dire : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles, le fils du gouverneur a de grandes oreilles, le fils du gouverneur a de grandes oreilles ». Le corbeau l’entendit et se met à crier la même chose. Les autres oiseaux l’entendirent et se mirent à répéter : « le fils du gouverneur a de grandes oreilles ! ». La nouvelle se répandit dans la ville et arriva aux oreilles du gouverneur. Furieux contre le coiffeur qui avait divulgué le secret, il promit de lui faire avaler sa langue. On le fit venir ; mais il jura et nia en avoir parlé à quelqu’un.

Le fils intervint et dit à son père que le coiffeur est sincère. Après tout, la nouvelle s’est propagée et tout le monde est aujourd’hui au courant. Cela ne sert à rien de tuer le coiffeur. « Je suis une créature de Dieu, je n’ai pas à rougir d’être différent des autres ».

À ce moment, on entendit devant le palais du gouverneur un grand brouhaha. Ouvrant la fenêtre, le gouverneur et son fils virent une grande foule, toute la ville s’était rassemblée. Quand le gouverneur demanda quelle était la raison de ce rassemblement, une femme dans la foule répondit : « Nous sommes venus encourager votre fils qui a de grandes oreilles ; en effet, nous pensons qu’il pourra mieux nous écouter quand il vous succédera. »

Sur ce, le coiffeur fut lâché. Le garçon, libéré de sa hantise, sortait désormais sans calotte.

 

Celui qui n’écoute pas coupe la tête de la parole

Il s’agit d’un conte africain. Drid, un pêcheur rencontre, sur son chemin, un vieux crâne, blanchi par le temps. Il le prend dans ses mains et l’interroge : « Qui t’a conduit jusqu’ici ? – La parole ».  Ebahi par  la réponse du vieux crâne, le pêcheur reprend son interrogation : « Qui t’a amené ici ? – La parole ». Il faut aller voir le roi pour lui annoncer la nouvelle. Drid se précipite au palais. Le roi, qui est en train de manger, ne veut pas être dérangé. Le pêcheur insiste, c’est trop important. Le roi vient en grommelant. « Qu’est-ce qui t’amène ici ? – J’ai vu un crâne qui parlait ». Diable, se dit le roi, peut-être vais-je accroître mon pouvoir, en faisant parler les morts. Immédiatement il interrompt son repas, prend son épée et accompagne le pêcheur pour écouter un mort qui parle. Arrivés près du crâne, le pêcheur le prend à nouveau dans ses mains : « Le roi est là : dis-lui qui t’a conduit jusqu’ici ? » Malgré l’insistance de Drid, le crâne ne veut pas répondre. Alors abusé par un pauvre pécheur, le roi sort l’épée de son fourreau et coupe la tête de l’importun. A ce moment, la tête ensanglantée vient s’adosser au vieux crâne. Celui-ci lui demande : « Qui t’a amené ici ? – La Parole ». Ainsi celui qui ne donne pas sa confiance à l’autre pour l’écouter finit par couper la tête de la parole.


HOMELIE 29ème DIMANCHE ORD. B – 17/10/2022

 

Nous le savons bien: nous vivons dans un monde fragile, fragile parce que trop porteur d'inégalités, d'injustice et, en fin de compte, d'exclusions. 

Bien sûr, ce n'est pas nouveau : voilà des décennies, que des peuples entiers, des régions entières connaissent l'exclusion.  

Depuis bien longtemps, ils sont exclus du partage des richesses de la Terre. Tandis que des oligarques, des sociétés multinationales ultra-puissantes, des dictateurs sans scrupules captent ces mêmes richesses en usant de leur pouvoir et en écrasant les masses. 

Mais il est vrai aussi que le même phénomène existe, et semble même augmenter aujourd'hui chez nous, en Belgique : malgré les progrès d’une législation sociale avancée, combien sont exclus du travail, de l'accès à la santé... exclus du partage des richesse de notre pays – alors que d’autres exhibent sans aucune gêne les symboles de leur richesse et de leur position sociale ?  

 

Alors, dans ce contexte, comment comprendre, comment accepter les paroles du Christ aujourd'hui ? 

"Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur". 

Dans le fond, nous comprenons bien la demande des deux disciples, Jacques et Jean : "Quand tu entreras dans ta gloire, accorde- nous de siéger l'un à ta droite, l'autre à ta gauche." 

Voilà des hommes qui ont suivi Jésus, qui ont tout quitté pour lui, qui ont osé, risqué leur vie. Maintenant, ils souhaitent recevoir les fruits de leur travail. 

C'est normal, c'est une ambition légitime, nous les comprenons bien.  

Ce que nous comprenons mal, en revanche, c'est la réponse du Christ: 

"Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l'esclave de tous." 

Allez dire ça à un chômeur! Allez dire ça à un jeune qui galère entre stages sans issue et emplois précaires. Allez dire ça à un exclu, quel qu'il soit! 

Qui, aujourd'hui, aurait l'ambition de devenir serviteur ou esclave? 

Personne! Et certainement pas, en tout cas, ceux qui, aujourd'hui, sont déjà rejetés, mis hors système. 

Si on s'en tient là, il n'y a plus qu'à refermer l'Evangile, et partir chercher ailleurs de quoi nourrir notre vie, nourrir notre réflexion. ….Allons plus loin. 

Deux remarques

La première, c'est que Jésus ne critique pas l'ambition de ses disciples: il discute du comment, des moyens mis au service de leur ambition.

Deuxième remarque : "Le Fils de l'Homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir". 

Cela change tout : Jésus ne parle pas d'un état, d'un statut, mais d'une relation

L'ambition des disciples est bonne, comme, en général, nos ambitions humaines, les ambitions d'un chômeur, les ambitions d'un jeune… et même d’un laïc dans l’Eglise, ou d’un ministre ordonné.  

Mais pas n'importe comment :  Non pas en dominant, en se faisant servir, mais, à l'inverse, en se mettant au service de ses frères.  

Là, l'Evangile redevient crédible.  

Et, déjà, il est vécu par des milliers d'hommes et de femmes aujourd'hui. 

Il y a des responsables politiques qui ne se complaisent pas dans le clientélisme, la recherche de pouvoir pour le pouvoir, mais qui sont réellement attentifs aux besoins des gens qu’ils administrent et essayent de faire bouger les choses. 

Il y a aussi des chefs d’entreprise qui sont soucieux que leur personnel puisse travailler dans de bonnes conditions et un bon climat, sans mettre une pression de stress qui démolit les gens. (Comme mon papa qui allait voir ses ouvriers lorsqu’ils étaient malades et leur apportait des tartes… Il voulait aussi vraiment former ses apprentis pour qu’ils aient un bon métier dans les mains et pas les utiliser comme main d’œuvre bon marché pour ne leur faire exécuter que les tâches insignifiantes) 

On a vu au lendemain des inondations, des chefs et des patrons mouiller leur chemise aux côtés des travailleurs pour racler la boue et nettoyer, côte à côte, sans aucune distinction. Et des bénévoles issus de tous les milieux sociaux qui encore aujourd’hui s’activent coude à coude de façon admirable pour venir en aide à la population sinistrée…    

Tous, se considèrent d’abord comme des serviteurs. Sans privilèges.

Et, puisque nous sommes dans le mois des Missions… 

Autrefois, les missionnaires s'inscrivaient dans le droit fil de la colonisation : dominer, conquérir, apporter son savoir-faire et sa religion à des peuples considérés généralement comme inférieurs. 

Aujourd'hui, être missionnaire, c'est vivre au service des peuples auprès de qui le Seigneur nous envoie.  Et c’est même assez drôle de penser qu’aujourd’hui, ce sont des prêtres africains qui sont missionnaires chez nous ! 

Derrière tout cela, il y a des hommes et des femmes qui mettent leurs compétences et leurs ambitions au service de leurs frères, qui se font, en quelque sorte, leurs esclaves, leurs serviteurs. 

Des hommes, des femmes, signes du Fils de l'Homme venu non pour être servi, mais pour servir. … Ils sont, pour leur part, l'Evangile aujourd'hui. 

"Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l'esclave de tous." Ces paroles du Christ, curieusement, elles ne nous rabaissent pas: elles nous élèvent. Remarquons au passage que dans l’Antiquité, généralement, l’esclave n’était pas celui de la « Case de l’oncle Tom », battu et humilié, mais un serviteur attaché à la maison et aux personnes qu’il sert, presque de la famille…

=>Choisir de se faire le serviteur, l'esclave de tous, c'est affirmer que notre vie ne vaut la peine d'être vécue que dans la relation à l'autre. Une relation faite de respect, de service et d'amour. 

C'est là notre dignité, c'est là notre joie. Que le synode qui s’est ouvert à Rome sur la « synodalité de l’Eglise » c-à-d la co-responsabilité en communion les uns avec les autres dans le service, nous aide à mieux le comprendre et surtout à le vivre !


 HOMELIE 27ème DIMANCHE ORD. B  (03/10/2021)


"Maître, est-il permis à un mari de renvoyer sa femme?"

 

PERMIS? DEFENDU?  Cette question traverse toute notre vie.

 

Quand j'étais petit, maman m'a interdit de toucher le poêle à charbon qui était dans notre cuisine. Interdit. Défendu.

 

Plus tard, un peu plus grand, et après une ou deux expériences malheureuses, j'ai compris le pourquoi de cette interdiction… je ne vous fais pas de dessin.

 

« Permis, défendu? »  Cette question, on l'entend souvent dans l’Eglise.  Elle va de pair avec son corollaire : « Est-ce obligatoire ? Est-ce qu’on doit ? »

· Exemple classique du catéchisme : Est-ce qu’on est obligé de participer à telle réunion pour faire un baptême ? On est obligé ou pas d’aller à la messe pour faire sa première communion ?

· Et si on n’est pas mariés pour des raisons fiscales, est-il permis ou non pour des chrétiens de vivre sous le même toit ?

· Est-ce qu’on doit inscrire son enfant au cours de religion ou de le mettre dans une école catholique s’il veut faire sa profession de foi, sa confirmation ?

· Est-ce qu’on doit être confirmé pour pouvoir se marier à l’église ?

· Est-ce que les relations sexuelles entre adolescents sont permises ou non ?

· Peut-on communier à la messe si on est divorcé, ou divorcé remarié ?

· Est-il permis pour un chrétien de prendre l’avion 3 x par an pour profiter de sa retraite en s’offrant de beaux voyages ?  Ou de travailler en noir pour ne pas voir ses allocations ou sa pension rabotée ?


Que ce soit dans le domaine de la morale familiale, de la morale sexuelle ou même de la morale économique, nous avons pris souvent l'habitude, nous autres chrétiens, de poser les questions en termes de: "est-ce permis ou non ; obligatoire ou non ?"  

Et on a fait des papes, des évêques et des théologiens, et même des curés, souvent avec leur complicité sans doute, des distributeurs d’interdictions et d’obligations !


 
Remarquez que nous ne sommes pas les premiers. Déjà dans l'évangile, c'est la question que les gens - et notamment les Pharisiens - posent à Jésus: "Est-il permis, oui ou non, de guérir un jour de sabbat?"... "Est-il permis, oui ou non, à un mari de répudier sa femme?"... Est-il permis, oui ou non, de payer l'impôt à César?"  

Jésus n’entre pas dans ce petit jeu. Lui ne se laisse pas enfermer dans des querelles légalistes & juridiques qui jugent des situations humaines seulement sur des catégories de "permis-défendu" 

 

C'est une fausse piste, un leurre pernicieux que de commencer le dialogue avec ce genre de problématique. Jésus y voit un "endurcissement du coeur" ou « sclérocardie », c'est-à-dire une incompréhension totale de la Bonne Nouvelle de l’Amour gratuit de Dieu, qui est appel à la liberté et à la responsabilité.

Si la Loi de Moïse autorise un homme à jeter sa femme quand il en a marre, un peu comme un gosse jette le jouet qui ne lui fait plus envie, c’est, dit Jésus aux pharisiens, à cause de "l'endurcissement" du cœur. Votre cœur, il est endurci, il est sclérosé, il est malade, il ne fonctionne plus !

 

Jésus dans sa réponse renvoie à ce qu'est fondamentalement l'Amour: c'est un don gratuit et total, pleinier, c'est une histoire sainte entre deux êtres, qui est voulue par Dieu comme en témoigne le premier chapitre de la Genèse…  "Au commencement de la Création, il les fit homme et femme".

 

Autrement dit, le projet de Dieu, c'est que l'homme, homme ou femme, soit à son image, à sa ressemblance, qu'il puisse fonder sa vie sur l'amour, sur le besoin l'un de l'autre. Comme lui-même, Dieu, veut aimer l'homme, avoir besoin de lui.

 En répondant ainsi, Jésus ne veut pas poser une règle, une loi. Non, c'est un idéal qu'il nous propose, son idéal, l'idéal de Dieu: vivre de l'amour, à son image, à sa ressemblance.

=> Ce n'est pas le permis ou le défendu qui compte, c'est ce que nous cherchons à vivre… même si nous savons que notre faiblesse nous empêche souvent d'être à la hauteur de cet idéal.

 

Et voilà qui nous interpelle sur tous les actes de notre vie.

 

Dans le fond, est-ce que nous cherchons simplement à vivre tranquilles, en observant ce qui est permis et en évitant ce qui est défendu? Ou alors, est-ce que allons plus loin?

 

Jusqu'à nous interroger sur le pourquoi de nos actes, jusqu'à vouloir que chacun de ces actes soit basé sur l'amour, sur le besoin d'aimer et d'être aimé? A l'image, et à la ressemblance de Dieu.

C'est la question que le Christ nous pose aujourd'hui.

 

Jésus ne donne aucune "recette". Il n'entend pas régler nos problèmes à notre place. Personne n'est dispensé de prendre ses responsabilités. Personne ne peut s'abriter derrière une autorité quelconque - qu'il s'agisse de la Loi de Moïse, d'une tradition ancienne de l'Eglise, d'une encyclique papale ou même d'une parole de Jésus - pour dégager sa responsabilité. Chacun est libre et responsable de sa vie, des choix qu'il opère et des gestes qu'il pose.  

Il y a un grand malentendu aujourd'hui dans la société et dans l'Eglise. On croit que l'Eglise est là pour donner des normes morales, ce n'est pas cela. Encore moins pour juger. Elle est là uniquement pour appeler les hommes et les femmes à aimer et à croire qu'ils sont aimés. C'est ça la gratuité de l'évangile. « Si tu veux... »  

Jésus nous engage à saisir que la relation à autrui est créatrice d'humanité et que l’humanité se détruit si cette relation vient à être pervertie ou est absente.  

 

Les divorces sont aujourd’hui nombreux dans notre société. On a tendance, même chez les catholiques pratiquants, à banaliser la séparation et le divorce« C’est comme ça, c’est l’évolution, que voulez-vous ? Il vaut mieux qu’ils se séparent que de se déchirer continuellement, n’est-ce pas ? » Bien sûr. Mais faut-il se résigner constamment à l’échec ? Ou appeler l’échec, une simple « erreur de parcours » ? Le mariage est-il devenu beaucoup trop difficile à mettre en pratique dans le monde actuel ?  

Peut-être devrions-nous nous demander, comme nous y invite le pape François dans son encyclique Amoris Laetitia, si certaines de ces difficultés ne sont-elles pas dues, à ce que nous avons mis de côté, plus ou moins consciemment, certaines dimensions essentielles du mariage et qui sont les fondements de la relation dans l'amour : réciprocité, confiance, fidélité mutuelle et responsabilité. En dehors de cela, l'homme et la femme ne peuvent que se blesser mutuellement.

 

Cet amour basé sur le don de soi vient de Dieu, nous l'avons peut-être oublié.

Si on n'accueille pas ce don comme un enfant, rappelle Jésus, aucun amour, aucun engagement, ni le mien, ni le vôtre, ni celui de personne ne peut tenir.  


Voilà. Mais il n'y a pas de réponse simple à des situations parfois très compliquées. N'endurcissons pas notre coeur, ne jugeons pas et surtout ne condamnons pas, mais accompagnons nos soeurs et nos frères humains sur le chemin de la vie où Dieu lui-même nous accompagne de son Amour. Amen.


26ème DIMANCHE B (Marc 9,38-48)

 

L'Evangile nous montre les Douze, les propres Apôtres de Jésus, faire déjà leur petit clan, leur petite secte chrétienne : ils voulaient empêcher un "non-inscrit", "non-affilié", de faire du bien et d'agir au nom de Jésus. Voilà déjà le Nom de Jésus devenu une "marque déposée", "appellation contrôlée"! "Ce type-là n'est pas de ceux qui nous suivent" (notez bien le "nous").

C'est une mentalité qu'on peut qualifier de "sectaire", du mot: secte, même origine que "schisme".

 

Face à ce réflexe d'auto-défense, la réponse de Jésus est étonnante d'ouverture d'esprit : Ne l'empêchez pas! Celui qui n'est pas contre nous, est pour nous." Sa logique n'est pas une logique d'exclusion, mais d'inclusion : apprendre à regarder d'abord ce qui rassemble, plutôt que de regarder d'abord ce qui divise! C'est un renversement de mentalité, de regard sur l'autre. Et le plus important, Jésus ne dit pas que c'est l'appartenance à un groupe défini, ni même l'orthodoxie c.à.d. une doctrine rigoureusement conforme, encore moins le partage de la même idéologie. Le plus important, dit Jésus, c'est la CHARITE, l'amour et le respect mutuel: "CELUI QUI VOUS DONNERA UN VERRE D'EAU AU NOM DE VOTRE APPARTENANCE AU CHRIST, MOI JE VOUS DIS: IL NE RESTERA PAS SANS RECOMPENSE!"

 

Et Jésus invite chacun à faire son propre examen de conscience : "Toi qui te dis chrétien, mon disciple, comment le manifestes-tu par ta vie ? Es-tu de ceux qui amènent les autres vers moi par leur conduite, ou bien de ceux qui les éloignent à cause du "scandale" qu'ils donnent ?"

Jésus dit qu'il serait préférable d'être noyé, manchot, estropié ou borgne que d'entraîner la chute d'un seul petit qui croit en lui… Il s'agit donc d'être vigilant vis-à-vis de soi-même, avant que de dresser des barrières devant les autres, et de ne pas être un obstacle entre eux et le Seigneur.

Les richesses et l'injustice de certains chrétiens et dans l'Eglise a depuis toujours été un scandale qui a éloigné des foules entières et des classes sociales entières de la foi au Christ. Voilà pourquoi St Jacques se montre si dur envers ceux qui ne pratiquent pas la justice et la charité tout en se disant chrétiens.

 

Personne ne peut dire qu'il a le monopole de la vie chrétienne; l'Esprit-Saint souffle où il veut, comme le montre bien l'épisode du Livre des Nombres où deux Anciens ont reçu l'esprit alors qu'ils n'étaient pas "avec les autres". La bonne réaction, lorsqu'on voit les fruits de l'Esprit chez les autres, chez ceux qui ne sont pas de nos groupes et de nos clans, c'est de dire comme Moïse : "AH, SI LE SEIGNEUR POUVAIT METTRE SON ESPRIT SUR TOUS, POUR FAIRE DE TOUT SON PEUPLE UN PEUPLE DE PROPHETES!" Amen!


Homélie 25ème dimanche B – 2021  « De quoi discutiez-vous donc en chemin ? »



Oui, frères et sœurs, de quoi discutons-nous en ce moment ?

: Jésus nous parle de sa vie qu’il va donner pour tous les hommes, les bons et les mauvais, les pécheurs et les justes ; du sacrifice de sa croix où il ne sera plus rien qu’offrande et amour,….

… et nous, de quoi discutons-nous, misère ?  

-du Covid Save Pass, en critiquant ceux qui sont pour ou ceux qui sont contre la vaccination, selon que l’on est dans un camp ou dans l’autre… Les vieux critiquent les jeunes, les jeunes critiquent les vieux…

-des inondations catastrophiques de juillet, pour lesquelles on cherche des responsables – non, des coupables : c’est la faute à… le gouvernement, les météorologues, les gestionnaires de barrages, la swde, la région, le bourgmestre, les, les….

-des affaires et de la politique, de l’enseignement et de la religion, des parents qui n’éduquent plus et des juges qui sont trop laxistes… etc etc.

On discute dans les maisons et sur les terrasses des cafés, dans les bureaux et les ateliers, et même dans les sacristies ou sur les parvis !  On se croirait dans l’émission de Cyril Detaeye sur VivaCité, « C’est vous qui le dites ! »

Et toujours, presque, c’est pour critiquer, juger, condamner. - L’autre, toujours.

C’est vrai que ce faisant, on s’absout soi-même. C’est ce qu’on appelle les boucs émissaires... Et on se place sur un piedestal : « moi, je suis bien. Inattaquable. D’ailleurs, Madame, j’ai encore entendu au journal de 13h, qu’un tel…

Nous sommes bien de la race de ceux que Jésus avait choisis pour en faire ses disciples, de la race des 12 à qui Jésus va confier son Eglise après les avoir entraînés à sa suite.

Lorsque Jésus demande à ses apôtres : " de quoi discutiez-vous en chemin ?", ils se taisent. Ils se taisent, parce que sans doute, tout à coup, ils ont honte. Ils prennent conscience que le contenu de leur discussion – c’-à-d de savoir qui parmi eux était le plus grand, est complètement à côté de l’enseignement que Jésus leur donne pour les préparer à sa passion toute proche ; mais ils ont honte aussi peut-être parce qu’ils découvrent soudainement, avec ahurissement, quelle est leur nature profonde, leurs motivations cachées… et qu’on se cache bien à soi-même.

« ils se taisaient, écrit Marc, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand »

Ecouter l’émission de Cyril sur VivaCité nous en apprend beaucoup sur la nature humaine. Parfois en bon, mais assez souvent en moins bon. Et Cyril a fort à faire pour canaliser certains excès, du genre : « Pendez-les tous ! »  Sans être un extrémiste, il est cependant très facile de juger et de critiquer les autres, hélas. De se comparer à eux. De s’estimer meilleur. Plus méritant.

Ce qui pourrit les relations, c’est presque toujours des questions de pouvoir. Y compris dans l’Eglise, dans nos communautés... ! Si on n’y prend garde, ce qui au départ était un service accompli dans un esprit de gratuité et de générosité, devient parfois après un certain temps une « chasse gardée », une propriété personnelle par laquelle on exerce un certain pouvoir, et qu’on exerce pour obtenir la reconnaissance et les louanges des autres. Cette forme de narcissisme existe aussi bien chez les prêtres, les évêques ou les cardinaux, que chez des simples laïcs.

Le pape François dénonce souvent cette attitude ; il l’a fait il y a quelques jours encore en parlant des responsables de communautés.

Quel est l’antidote à ce chancre, cette lèpre qui pourrit les relations sociales ou communautaires ?  Jésus a un remède-choc. Il ne laisse pas voir s’il est déçu ou attristé par ce qu’il voit dans le cœur de ses apôtres, ses amis. Il s’assied – ce qui est en général le prélude à un grand enseignement, il les appelle tous les 12 (comme au jour où il les a institués apôtres), et il leur dit cette phrase stupéfiante : « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

L’exact opposé de toute la logique et la sagesse humaine !  Le dernier, c’est le plus humble, celui qu’on ne voit pas, qui disparaît. Et attention, pas de façon hypocrite comme l’ont compris parfois certains qui se mettent volontiers à la dernière place pour tirer les ficelles par derrière et se rendre indispensables !

« L'humble n'a pas conscience de son humilité.» disait Gandhi... Le mot nous vient du latin "humus", qui signifie "terre". Ce qui vit et provient de la terre est concret, réaliste, naturel. Sans artifices.

Les fioritures naissent bien souvent d'un besoin de reconnaissance, qui nous incite à chercher à l'extérieur ce que nous ne réussissons pas à récolter à l'intérieur de soi.
En fait le "vrai" humble, serait celui qui partage et soutient de manière naturelle, sans attente, sans projection, juste pour le bien-être de son prochain.

Et, pour illustrer son propos et bien le faire entrer dans la tête de ses disciples, Jésus prend un enfant et le place au milieu, au centre. Un enfant, ce qu’il y a de plus faible, de plus humble. Et en ajoutant que celui qui accueille cet enfant qu’il met au centre, c’est Dieu qu’il accueille, il montre en fait que Dieu est un enfant, il montre l’Humilité de Dieu. C’est un geste bouleversant.

Le Créateur des mondes, la source de la vie, celui que l’on qualifie de tout puissant, en voilà donc, selon Jésus, la meilleure image : un tout petit.

Comment peut-on donc s’approcher de Dieu si on a le cœur plein d’orgueil ?  Retrouver notre enfant intérieur et le laisser prendre sa place, au centre de notre vie, peut être le vrai chemin.  

L‘enfant, c’est celui qui dépend des autres pour grandir, pour se fortifier, pour vivre ! Or, nous n’aimons pas dépendre des autres, nous sommes si fiers de nous sentir libres ! Suivre le Christ, c’est reconnaître simplement, comme un enfant, que nous recevons tout de Dieu ! Se débarrasser enfin de la volonté de toute-puissance.

Cette attitude de reconnaissance change notre regard sur notre vie, sur notre attitude de service : en reconnaissant que nous recevons tout de Dieu, nous nous libérons de cette volonté de toute-puissance et de domination. Alors, comme le Christ, nous apprenons à servir gratuitement, tout simplement. Et si on nous met à la dernière place, alors nous devons être heureux, car c’est la place de Jésus.

S’il nous arrive, Frères et Sœurs, d’être attristés par les faiblesses de notre nature humaine, les nôtres et celles des autres, pensons que cela n’empêche pas le Christ de nous aimer, de nous faire confiance, de compter sur nous.

Le regard de Jésus sur ses apôtres, qui ne les juge pas mais les aime, même avec leurs défauts, et leur révèle l’essence même de Dieu qui est Humilité et Miséricorde, voilà qui devrait nous guérir de toutes nos prétentions personnelles ou collectives, tout ce qui nous conduit à nous quereller, à nous déchirer, à nous diviser. Que fait Jésus chaque fois qu’il voit que l’orgueil et la rivalité gangrènent son Eglise, ses communautés ?  …Il place au milieu, exactement au centre, un enfant. C’est ce qu’il a fait par exemple le jour où le pape François a été élu. C’est un cœur d’enfant.


Pour marcher à la suite du Christ, il nous faut continuellement, Frères et Sœurs, nous convertir à ce Dieu petit et pauvre, et lui demander d’exercer en nous son mystérieux pouvoir. Dans les signes de l’eucharistie, si petits, si fragiles eux aussi, qu’il vienne donc en nous et nous ouvre le cœur à son mystère. Amen.



19ème dimanche ord B (8/08/2021)

... Je ne sais pas si vous en avez déjà fait l’expérience, mais quel réconfort quand on est au bout de son rouleau, fatigué et un peu déprimé, que se faire dire par quelqu’un qu’on aime bien un simple « Tiens, mange un morceau, ça va te faire du bien ».

Ça peut faire des miracles, ou en tout cas vous requinquer suffisamment pour que, comme Elie, après un échec, on puisse retrouver le courage de se remettre en route… J’ai envie aujourd’hui de vous parler de ce bout de pain qui fait du bien (ou de gâteau, ou la tasse de café, etc.)

Il nous arrive souvent de découvrir que la vie ne se plie pas toujours à nos rêves... C’est ce qui est arrivé à Elie, le prophète. Dans la première lecture des Rois, après un succès éclatant contre les prophètes païens de la reine Jézabel, Élie s’aperçoit que la partie n’est pas gagnée. Il doit s’enfuir pour sauver sa peau. Il dira même dans sa prière : Maintenant c’en est trop, Seigneur, reprends ma vie, je ne vaux pas mieux que mes pères !

Que de fois sans doute, ne nous sommes-nous pas adressés de façon semblable à Dieu : « Je ne vaux pas mieux, je suis incapable de réaliser ton plan d’amour Seigneur. C’en est trop. Laisse-moi, je veux disparaître… »

Mais le Seigneur n’est pas loin, il met sur la route d’Elie, sur notre route, l’un de ses messagers, son envoyé, un ange qui lui apporte de la nourriture et qui lui dit : Lève-toi et mange !

: Élie mange et retrouve la force de se remettre en route... La cruche d’eau lui rappelle la source qui autrefois avait jailli du rocher pour sauver Israël de la soif dans sa marche dans le désert. La galette de pain, évoque tout spontanément la manne, qui elle aussi avait sauvé de la faim ses compatriotes pendant la longue traversée du désert.

C’est précisément cette image que Jésus reprend dans son discours sur le pain de vie dont nous avons déjà entrepris la lecture depuis déjà deux semaines. Il dira en toute simplicité à ses disciples, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde: Moi je suis le pain de la vie... le pain de la route!

Pour parler de cette présence quotidienne, essentielle, une présence pourtant toute simple, Jésus aura employé cette image merveilleuse du pain. Mais c’est là toute la difficulté de son propos. Il se dit PAIN, il se fait PAINIl se fait pour nous PAIN DE VIE.

Pourtant ce seul mot de PAIN en dit déjà tellement long sur cette nourriture qu’il a à nous offrir et qu’il nous invite à partager. Du pain c’est tellement modeste, c’est tellement quotidien, mais c’est aussi tellement vital !  …Pardonnez-moi, mais vous savez sans doute, je suis fils et petit-fils de boulanger. Je suis en quelque sorte tombé dans le pétrin quand j’étais petit… peut-être même y suis-je né ?

A l’époque où, enfant, j’observais et je participais à ma mesure à ce qui se passait dans l’atelier de papa, le pain industriel n’avait pas encore remplacé la panification artisanale…

Et papa m’avait fait découvrir le grand secret du pain : Lorsqu’il avait mélangé toutes les matières premières : la farine, la levure, le sel et l’eau, dans le pétrin, et que la pâte après un premier pétrissage, était découpée en pâtons de poids identique, il pratiquait alors ce qui s’appelait le boulage : il retravaillait chaque pâton sur le marbre recouvert d’une mince couche de farine pendant plusieurs minutes, en l’écrasant avec la paume de la main et en le repliant plusieurs fois jusqu’à ce que la pâte soit élastique.


Alors, chaque pâton ayant pris la forme ronde d’un pain ménage était déposé sur une grande planche en bois, et le tout, recouvert d’un linge épais enfariné, puis mis à lever près du four préchauffé.

Et c’est là que j’observais le grand mystère, le secret du pain : durant plusieurs heures, selon le type de pain, la pâte montait tout doucement sous le linge, jusqu’à doubler de volume ! Et papa m’expliquait que ce sont ces petits êtres, les levures, qui en mangeant le sucre contenu dans la farine produisent du gaz carbonique, des milliards de petites bulles qui font lever la pâte. J’en étais scotché, ébahi !  Ensuite, eh bien les pains étaient mis au four 2 par 2 avec la pelle à long manche, et la cuisson commençait… Après qu’on les ait tous fait sortir, les pains en refroidissant faisaient entendre des petits craquement et des chuintements qui évoquait encore pour moi la vie, en même temps qu’il se dégageait une odeur suave dans tout l’atelier…

Papa, en me répétant que le pain était vivant, m’inculquait un grand respect pour le pain et la vie qu’il contenait. J’ai conservé ce respect jusqu’à aujourd’hui. A contrario, quand il soupesait et tâtait des pains fabriqués industriellement, il s’exclamait en disant : ce pain-là est mort : tiens, sens, il ne pèse rien, c’est du vent, pour aller plus vite et gagner de l’argent, on a accéléré la fermentation avec des produits chimiques et les levures n’ont pas pu faire leur travail convenablement… Les farines sont crevées !

Voilà, je ne voulais pas vous faire un exposé comparatif des méthodes boulangères anciennes, celles qu’on a pratiquées durant des milliers d’années, et les actuelles, mais vous partager que, pour moi, le choix par Jésus du pain pour dire sa présence vivante et vivifiante en nous, ce choix m’a toujours paru naturel et logique !

Cependant, ce n’était pas du tout si évident pour les juifs, ses auditeurs de l’époque : pour eux, passez-moi l’expression, la bouchée est grosse... ! N’oublions pas que pour ceux qui l’écoutent, ce Jésus demeure le fils du charpentier de Nazareth, charpentier comme son père. Ses mains portent encore la trace de l’atelier... et voilà qu’il donne à comprendre à ceux qui l’écoutent qu’il vient de Dieu et qu’il a vu le Père...

Mais voilà précisément ce qui donne tant de saveur à ce Pain, tant de prix à cette manne qui maintenant a un autre nom: Jésus le Pain de vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts; mais ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra jamais... Et moi, précise Jésus, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel.

En fait, contrairement à ce que la plupart des chrétiens -et peut-être nous-mêmes- pensons, en communiant, nous n’assimilons pas le Christ, au contraire nous le laissons nous assimiler à lui, faire de nous son corps, devenir une part de lui pour devenir par lui avec lui et en lui une vivante offrande à la louange de la gloire de Dieu le Père (prière eucharistique n° 3).

Dans ses Confessions, saint Augustin fait dire au Christ : « Je suis la nourriture des forts : grandis et tu me mangeras. Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ton corps, c’est toi qui seras changé en moi ». C’est bien Lui, Jésus, qui alors transfigure et aimante notre histoire, en transfusant sa propre vie en nous. « Ce n’est plus moi qui vit, disait Paul, c’est lui qui vit en moi. »

Mes chers amis, oui, qui ne connaît pas ses petits ou ses grands moments de découragement, comme Élie autrefois ?  Dieu alors nous rejoint mystérieusement. Sa Parole est un pain pour la route, l’évangile est un pain de marcheur, son eucharistie est nourriture, une vraie nourritureun pain qui fait du bienNous en avons besoin pour le chemincomme autour de nous aujourd’hui, tant de nos frères, sinistrés, migrants, jeunes déboussolés, vieillards abandonnés, ont besoin d’une main, la nôtre, pour leur donner le pain de l’amitié, le pain du service, le pain qui relève et rend espoir.   ...Peut-être serez-vous, seras-tu cet ange (cf. Elie) ?


Seigneur, parler de la vie comme d’une route et de la foi comme d’une marche à ta suite, n’a rien de neuf, tu le sais mieux que nous. Et tu sais aussi que notre voyage va beaucoup plus loin que l’itinéraire que nous suivons.

Alors qu’aujourd’hui encore, tu nous donnes d’avoir part à ton Pain de vie, donnes-nous de reconnaître dans la foi que nous ne sommes pas seuls pour aller au bout du chemin.

Et surtout, merci de savoir qu’au bout de ce chemin, il y a la Vie.   Amen


17è DIMANCHE ORD. B   (1/08/2021)

 

Vous vous souvenez, en mars 2020, le début du confinement ?

Les rayons des supermarchés ont été dévalisés en quelques heures de leurs produits de base. Farine, huile, pâtes, riz : tout disparaissait à vue d’œil. Jusqu’au papier toilette, devenu denrée rare !

À croire que les Belges stockaient en prévision d’une pénurie mondiale. Et le pire est que cette folle demande en excès a créé en effet quelques pénuries le temps d’ajuster la production à ces consommateurs angoissés.

Après-guerre, dans beaucoup de familles, on continuait de stocker, par réflexe. Chez moi, ma mère avait toujours un placard rempli de farine, huile, sucre, riz : ‘on ne sait jamais’.

Cette peur de manquer est aussi vieille que l’humanité, que la vie elle-même.

Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’on risque chez nous de mourir de faim, ou de constipation par manque de papier toilette, mais le réflexe d’accumulation continue de se manifester plus que jamais dans nos pays riches – moins dans les placards que dans un mode de vie où on entasse à profusion des biens de toutes sortes. " On ne sait jamais ". De l’accumulation à la frénésie de la consommation, il n’y a qu’un pas, qui est allégrement franchi dans une société construite sur le mythe de la croissance indéfinie.

Cette semaine, jeudi 29 juillet, on atteignait le « Jour du dépassement de la Terre », c’est-à-dire qu’en 6 mois et 28 jours, l'humanité a dépensé l'ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an. Pas l’humanité entière, bien sûr, mais les 10 ou 15 % les plus riches de la planète. Passée cette date, l'humanité puiserait donc de manière irréversible dans les réserves « non renouvelables » de la Terre. Cette date avance inexorablement d’année en année.

À ce rythme-là, dans moins d’une trentaine d’année, les maigres ressources encore disponibles donneront lieu à des guerres sans merci dans un monde invivable et pollué. Déjà maintenant, si tout le monde vivait comme nous en occident, il faudrait 4 planètes !

Quel rapport avec les lectures de ce dimanche ?

L’épisode de la « manne » au désert, au travers des récriminations des Hébreux qui ont faim et soif dans le désert mais qui ont surtout peur de l’avenir, peur de manquer et qui regrettent les oignons et les marmites de viande en Egypte, ce passage révèle que souvent, les hommes préfèrent l’esclavage au risque de manquer.

Nos esclavages, nos assuétudes sont plus subtils aujourd’hui, au XXIè siècle, mais nous n’en sommes pas moins captifs ; les modes, les tendances, le besoin de se comparer aux autres nous jettent dans les bras des puissants lobbys publicitaires qui inventent sans cesse de nouveaux besoins. On ne se rend même plus compte que nous sommes loin des besoins vitaux à satisfaire, qui finalement se résument à relativement peu de choses…

Or, au désert, au lieu de dire à Moïse et aux Hébreux de faire des provisions, Dieu fit tomber la manne chaque matin et chaque soir les cailles, imposant de ramasser juste le nécessaire pour que le peuple apprenne à abandonner la convoitise et à partager avec ceux qui ont ramassé moins.

L’injustice, la violence en effet ne sont jamais loin de la peur de manquer. Elles se nourrissent l’une de l’autre. L’enjeu de la manne quotidienne est alors d’éduquer cette horde d’esclaves en fuite à ne pas céder à la convoitise. « Apprends à ne pas céder à ton désir d’accumulation, et tu maîtriseras la violence tapie à la porte de ton cœur. »

La catastrophe qui s’est abattue sur notre région nous a fait ouvrir le cœur et réveiller le sens du partage et de la solidarité : un élan extraordinaire pour aider ceux qui avaient tout perdu, a réuni les gens qui autrement souvent s’ignoraient ou étaient indifférents…

Oui, il nous faut apprendre à renoncer à l’accumulation, pour réapprendre la convivialité – car nous sommes tous des invités sur cette Terre à partager.  Plus nous stockons et accumulons, plus nous croyons être invulnérables, indépendants, n’ayant pas besoin de l’aide des autres. Nos biens entassés nous coupent peu à peu de la relation à autrui, et à Dieu le premier. Ils nous empêchent de découvrir la vraie faim qui est la nôtre. Celle dont parle Jésus dans le chapitre 6 de saint Jean, et qui n’est pas rassasiée par les biens terrestres.

« Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »

Et il précise : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »

Avons-nous réellement faim de Dieu, faim de Jésus ? de sa Vie ?  Comme les Hébreux, nous savons râler quand il nous manque quelque chose, des biens ou du confort que nous considérons à tort ou à raison comme essentiel ; mais avons-nous soif de la Vie, de la Sagesse, de l’Amour de Dieu ? - De Sa Parole et de son Eucharistie comme d’une nourriture dont le chrétien ne saurait se passer ?

Ou sommes-nous des rassasiés, les rassasiés de Dieu, les repus de Dieu ?  Quelles sont nos faims personnelles ?  Qu'est-ce qui nous fait vivre ? Qu'est-ce qui nous tient vraiment à cœur ?

Laissons-nous interroger. Et laissons-nous interroger aussi par la parole du Christ: "Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif". Là est notre confiance: la confiance en Celui qui, seul, peut nous combler au-delà de toute espérance. La confiance en celui qui est notre pain, le pain de la vie. Nous devons juste exorciser la peur de manquer, qui nous enferme en nous-même et nous rend esclaves.

Jésus ne nous a-t-il pas appris dans le Notre Père à demander notre pain quotidien, et pas un stock de boulangerie ? « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». L’expression grecque ἐπιούσιον traduite par « de ce jour » signifie en fait « essentiel » : il s’agit donc moins du pain matériel, que de Jésus lui-même, par qui nous avons tout : la vie, la grâce, et la foi de Dieu dans ce que l’homme a de meilleur. ...Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là ! Amen.



Dimanche des Rameaux

Entrer dans la Semaine Sainte

Abbé Jean Compazieu


Le dimanche des Rameaux nous introduit à la Semaine Sainte. Tout au long de ces prochains jours, nous allons revivre symboliquement l’histoire de notre salut réalisé en Jésus Christ. C’est en regardant vers la croix que nous comprenons mieux à quel point il nous a aimés. Cette croix est là pour nous rappeler qu’il a livré son Corps et versé son sang pour nous et pour la multitude. Lui-même nous a dit qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. 

Malheureusement, cette grande semaine passe de plus en plus inaperçue. Il nous manque ce cœur de pauvres qui nous rendrait plus ouverts à Dieu. En regardant vers la croix, nous prenons un peu plus conscience de l’immense amour de Dieu pour nous. Il attend de nous une réponse qui soit digne du don qu’il nous fait. Il ne tient qu’à nous de le remettre au centre de notre vie et d’en témoigner autour de nous.

Cette croix nous invite également à changer notre regard sur le monde. Nous vivons dans une société qui accuse, qui dénonce et qui condamne. Nous oublions que si le Christ a livré son Corps et versé son sang, c’est aussi pour ceux et celles que nous avons tendance à mépriser. Toutes ces violences sont un affront à celui qui a donné sa vie pour eux.

Avec Jésus, nous pouvons choisir d’aimer. Avec lui, nous pouvons nous émouvoir des drames qui accablent les plus pauvres et les plus fragiles. Tout ce que nous aurons fait pour eux, c’est à lui que nous l’aurons fait. La croix est toujours là pour nous rappeler la victoire de l’amour sur le mal.

Tout au long de cette semaine, nous prendrons l’évangile et nous demeurerons avec Jésus. Nous le suivrons dans ses diverses étapes : le Jeudi Saint, nous célèbrerons l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ; le Vendredi Saint, nous suivrons Jésus jusqu’au pied de la croix. Puis au cours de la veillée pascale, nous célèbrerons sa victoire sur la mort et le péché. Avec lui, le mal ne peut avoir le dernier mot. Par sa Passion et par sa croix, le Christ nous ouvre un chemin vers résurrection et la vie éternelle.

Seigneur, donne-nous force et courage pour te suivre tout au long de cette semaine Sainte. Si nous mourons avec toi, avec toi nous vivrons. Si nous souffrons avec toi, avec toi, nous règnerons. “Au-delà de ton calvaire, tu nous donnes rendez-vous ; dans la gloire de ton Père, o Jésus, accueille-nous.



5e dimanche Carême  B, 19 mars 2021

Homélie



Qui veut voir Jésus ?

 

Eh bien oui, moi aussi, j’aimerais bien le voir.

Je pense à cette question d’un enfant du KT : « Jésus, comment on sait qu’il existe, puisqu’on ne l’a jamais vu ? »

C’est vrai, je me dis parfois : les apôtres, ils avaient de la chance, eux, puisqu’ils pouvaient voir Jésus (tous les jours !), l’entendre, et même le toucher !

Alors, je comprends les étrangers, les Grecs qui étaient à Jérusalem ce jour-là, un peu avant Pâques; ils étaient venus en pèlerinage, et ils disent à Philippe qui comprenait leur langue : « Nous voudrions voir Jésus. »

Bon.

Attendez ! , dit Philippe, on ne peut pas voir le Maître comme cela, je vais en parler à André ; et puis les 2 vont ensemble le dire à Jésus : « Maître, il y a des gens, là,  ce sont des étrangers, mais, tu sais, ils sont pas mal disposés, ils croient dans le Dieu de nos Père et ils sont venus en pèlerinage à Jérusalem pour Pâques…  ils voudraient te voir. Tu peux leur faire ce plaisir, dis ? »

Moi, je serais Jésus, j’dirais : « ouais, pourquoi pas… si ça peut leur faire plaisir. »

Et à la place de ça, qu’est-ce qu’il fait, Jésus ??

: Il raconte cette histoire d’un grain de blé qui doit tomber en terre et mourir pour porter beaucoup de fruit. On a bien compris qu’il parlait de lui, qu’il allait être ce grain de blé qui tombe en terre et qui meurt…

ça a dû les refroidir un peu, cela. Ce n’est pas comme cela qu’ils voyaient la « gloire » du Messie, de Jésus !!

: Nous, on est comme eux, on pense aussi que la gloire, c’est le prestige, comme celui des vedettes, des stars du cinéma, de la chanson, du sport, etc. C’est le succès, le buzz sur les réseaux sociaux !

C’est tout à fait autre chose pour Jésus : la Gloire, c’est la valeur que Dieu donne aux êtres, et d’abord à lui-même ; on pourrait dire : son « poids d’amour ».

Par exemple, une maman qui berce son enfant handicapé, elle a plus de « gloire », plus de poids d’amour, qu’un politicien qui gagne les élections ou une jeune fille qui gagne à The Voice !

 

Donc, quand Jésus demande à son Dieu son Père : « Père, glorifie ton nom »,

ça veut dire : montre-leur par moi, au travers de moi, ton poids d’amour !

 

Comment est-ce que Dieu nous a montré son poids d’amour, sa gloire ?Par la croix de Jésus. « Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » Jésus a accepté de donner sa vie, de ne pas la garder pour lui. Il la donne pleinement, jusqu’à mourir.

=>C’est pour cela que la vie de Jésus porte beaucoup de fruits, comme le grain de blé qui, en mourant, devient un épi avec plein de grains…

« Là où je suis, là aussi sera mon serviteur », dit Jésus. Nous allons entrer dans la grande semaine sainte. C’est l’heure de l’amour, l’heure que Jésus attendait depuis le début de sa mission.

Et nous, qu’allons-nous faire ?

Allons-nous regarder comme les Grecs, les étrangers, et même les disciples qui ne verront en Jésus qu’un homme affreusement bouleversé de perdre sa vie ? Ou bien, allons-nous regarder dans l’offrande de Jésus le plus beau geste d’amour qui ait jamais existé, et y voir la Gloire de Dieu, son poids d’amour ?

 

« Quand je serai élevé de terre, dit Jésus, j’attirerai à moi tous les hommes. »

Ce qui m’attire chez Jésus, ce n’est pas la croix, ce n’est pas la souffrance, encore moins les miracles : c’est l’AMOUR qu’il a manifesté pour moi et pour tous les hommes, sur la croix où il a bien voulu être élevé. Cet amour-là attire comme un aimant encore aujourd’hui des millions de personnes.

Suivre Jésus, le servir, c’est participer à ce mouvement où on apprend à donner de soi, à se donner, de plus en plus, parce qu’on aime. Et celui qui aime, donne.

Il se donne.  Sans compter.

Donner pour avoir des grâces ou des mérites,(remerciements)ce n’est pas de l’amour.

Donner et se donner parce qu’on a de l’amour, l’amour de Dieu et des autres dans son cœur, c’est cela garder sa vie pour la vie éternelle.

=>Le tout, c’est d’accueillir ce « cœur nouveau » dont parle le prophète Jérémie dans la 1ère lecture.

« Je mettrai en vous un cœur nouveau », dit Dieu. C’est d’une transplantation cardiaque qu’il s’agit ! Nous avons reçu, à notre baptême, le cœur de Dieu, pour aimer un peu comme lui… pour vivre à la manière de Jésus Christ et nous efforcer d’aller jusqu’au bout comme lui.

Les malades qui ont reçu un nouveau cœur, quand ils ont été transplantés, ont éprouvé une sorte de résurrection, tout devenait nouveau pour eux, ils reprenaient goût à la vie…

Malheureusement, certains n’ont pas survécu ; pour vivre, il aurait fallu mener une vie autre, changer leurs habitudes… et surtout résister au phénomène de rejet.

Il en va de même dans la vie chrétienne : celui qui ne veut pas se dépouiller de ses égoïsmes, ni renoncer à quoi que ce soit de sa vie confortable, ni laisser son cœur battre au rythme du cœur de Dieu, il court le risque d’une arythmie, et même de rejet ! Le rejet du cœur nouveau qui lui a été greffé à son baptême.

En Jésus, le cœur humain et le cœur de Dieu sont parfaitement accordé, la greffe a pleinement réussi. Jésus a porté du fruit. Et nous ? Cette période de pandémie, de privation de liberté (même religieuse), n’est-elle pas propice pour se refaire un cœur ? Choisir d’aimer, même et surtout quand cela coûte ? Quand l’autre nous blesse ?

Profitons de ces jours saints qui viennent pour renouveler notre cœur à cœur avec le Seigneur, nous laisser refaire un nouveau cœur, pour suivre Jésus jusqu’à la croix en aimant comme lui tous ceux qu’il nous donne à aimer : nos parents, nos amis, nos proches, les gens de notre quartier, de notre paroisse, mais aussi les plus éloignés, les Grecs d’aujourd’hui : les musulmans, ceux qui cherchent Dieu dans d’autres religions…,etc (les paysans du Congo pour lequel nous allons faire la collecte la semaine prochaine…) . 

Qu’ils puissent entrevoir à travers nous la Gloire de Dieu ! Amen !




Antidote - Homélie pour le 4° Dimanche de Carême / Année B         14/03/2021


« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».


Qu’est-ce que ce serpent enroulé sur un bâton ? Cela ne vous rappelle rien ?

Bien sûr, le caducée, l’emblème des pharmaciens ! Plus largement, le serpent de bronze symbolise l’antidote contre le mal sournois qui vous guette comme un serpent caché dans les herbes…

Je ne peux pas m’empêcher évidemment de faire le lien avec le vaccin contre le Coronavirus :

La morsure des serpents qui frappaient les Hébreux dans le désert était brûlante, occasionnant une fièvre mortelle, et voilà le serpent coulé dans le bronze froid, figé. Il se glissait parmi les pierres et maintenant il est immobile. Il mordait et il est inactif. Bref : ce serpent est bien semblable à ceux qui décimaient les hébreux, et pourtant il est neutralisé, inoffensif.

Le vaccin anti-covid (du moins, une de ses versions) agit un peu à la même façon : on injecte un ARN messager, une copie synthétique qui n’est pas le vrai virus, mais qui en possède certaines caractéristiques, pour entraîner le système immunitaire à reconnaître le coronavirus et à mettre sa machine de guerre en marche dès le premier contact : l’organisme va se mettre alors à produire des anticorps pour éliminer ce corps étranger, et s’il est exposé plus tard au virus vivant, notre organisme sera déjà armé. (C’est une des techniques, il en existe d’autres.)

Ce qui a sauvé les Hébreux menacés par les serpents au désert était certes la foi, qui leur a donné le courage de poursuivre leur exode jusqu’au bout, en levant les yeux vers ce symbole, le serpent de bronze, qui leur avait été donné comme signe qu’ils n’étaient pas abandonnés de Dieu.

Jésus, en bon Juif nourri de la Torah (la Bible) avec le lait de sa mère, puise dans les écrits de l’Alliance cette image du « Serpent de bronze » élevé de terre sur un bâton (la Croix), pour faire comprendre qui il est et sa mission.

Comme le serpent de bronze dressé par Moïse dans le désert, Jésus sur la croix attire à lui tous les regards. Il a pris sur lui le mal, incarnant celui qui est abandonné de Dieu et des hommes. Il sera défiguré au point de ne plus voir en lui que le péché dévorant chacun de nous jusqu’à sa perte. « Il a été identifié au péché pour nous », dira Paul (2 Co 5,21). 

Mais dans sa Passion, Jésus était en train de figer en bronze le mal se déferlant sur lui. En aimant ses bourreaux, en pardonnant à ceux qui le clouaient, en répondant au mal par le bien, en ouvrant le ciel au criminel à sa droite, Jésus refaisait ce qui a permis à Moïse de sauver le peuple des morsures brûlantes des serpents : il endosse le mal pour lui ôter toute puissance, il saisit la haine à bras-le-corps pour la désarmer, il fait cracher à la haine son venin pour qu’elle devienne inoffensive… Et Dieu l’a ressuscité, élevé auprès de Lui avec les blessures de sa Passion pour qu’il devienne l’antidote éternel pour celui qui met en lui sa Foi.

Sœurs et frères, aussi urgent que la vaccination contre le coronavirus, et même davantage, il s’agit pour nous, chrétiens, d’être vaccinés – prémunis contre la morsure du péché. Ce péché qui défigure en nous l’image et la ressemblance de Dieu à laquelle nous avons été créés, et qui a coûté si cher à Jésus.

Quelle est cette morsure ? Pour les Hébreux, c’était la tentation de revenir en arrière, de retrouver les chaînes de l’esclavage qu’ils avaient fini par aimer en Egypte. Là où ils avaient de quoi se remplir le ventre, et où ils n’avaient pas la responsabilité de choisir chaque jour leur destin, puisque Pharaon décidait pour eux.

Cette tentation est aussi la nôtre aujourd’hui, alors que la pandémie recule et que se profile l’opportunité – et la nécessité d’une société entièrement renouvelée et repensée sur des nouvelles bases d’unité, de fraternité, de solidarité et de responsabilité, au lieu de l’égoïsme, l’individualisme, la course à l’argent et aux plaisirs…

Voilà le venin : préférer revenir à nos anciens esclavages plutôt que de prendre le risque de la liberté, préférer la servitude de nos passions et de nos plaisirs au service désintéressé de l’humain et de Dieu...  Et, comme au temps de l’Exode contre Moïse, le peuple récrimine contre les ministres de Croo ou Vandenbroucke qui appellent à la solidarité…  

La nostalgie est un venin qui se répand dans le peuple, empoisonne sa marche, pollue son espérance. Chez les chrétiens, il existe aussi beaucoup de nostalgie d’un monde révolu, avec une Eglise puissante et forte, qui pensait et décidait pour les fidèles… mais il y a aussi beaucoup d’individualisme, la tentation du confort de la bonne conscience qui juge que se qui se passe de l’autre côté du monde, cela ne me regarde pas.

Le carême vient secouer cette bonne conscience. Le carême nous invite à regarder le mal en face comme le serpent au désert, à le nommer, à déceler et démasquer ses racines de complaisance en nous…

Nommer le mal, le regarder le mal en face et lui ôter son pouvoir par la force du pardon : le combat des chrétiens est non-violent, mais intransigeant sur la vérité du mal infligé.  C’est ce qu’a exprimé le Pape François avec sa visite en Irak le week-end dernier, célébrant la messe à Mossoul au milieu d’une église réduite à des ruines par la folie de Daesh… C’était aussi ce que Nelson Mandela, Ghandi, Martin Luther King et beaucoup d’autres ont voulu faire, en croyant que le pardon et l’amour peuvent au bout du compte guérir des structures du mal et de son venin… A condition de reconnaître le mal et de le dénoncer, sans compromis avec la justice, la réparation nécessaire.

C’est ce que veut faire l’Église catholique chez nous comme ailleurs pour guérir les blessures des affaires de pédophilie qui ont gravement obscurci son message, et empêcher que cela revienne.

Nous avons besoin, plus que jamais, frères et sœurs, de lever les yeux vers le Christ en croix. Si nous ne reconnaissons pas notre péché devant lui, nous serons toujours les esclaves du venin de nos tentations. Et aucun vaccin ne nous sauvera ! Rien ne changera, ni dans le monde, ni dans notre vie personnelle… 

Alors, quels sont ces serpents que nous devons regarder en face pour les figer en bronze et les rendre inoffensifs ? …… En ce temps de Carême, allons chercher les vrais antidotes aux morsures brûlantes des venins qui empoisonnent notre marche : l’amour, la prière, la réconciliation…   

 Et surtout, nous ferons alors l’expérience de ce que Paul écrivait aux Éphésiens dans notre deuxième lecture (Ep 2, 4-10) : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil ». Amen. 





HOMELIE POUR LE 3ème DIMANCHE DU CARÊME B (07/03/2021)

Où est donc le « doux Jésus » de nos catéchismes d’antan et de nos images pieuses ?

Voici que le Christ qu’on dit « doux et humble de cœur » se révèle en colère, violent même. Il fait un fouet avec des cordes (normalement, le temps qu’il faut pour nouer les cordes auraient dû suffire à calmer quelqu’un de raisonnable) – et chasse hors du Temple tous les marchands de bœufs, de brebis et de colombes avec leurs bestiaux, renverse les comptoirs des changeurs avec toutes les piles de monnaie dessus… Le charivari a dû être énorme.

Qu’est-ce qui peut bien justifier cette colère et cette violence ? Cela semble si loin du Jésus que l’on connaît - ou qu’on croit connaître.

Et qu’est-ce que cet épisode vient faire dans notre chemin de carême, où nous essayons de maîtriser nos sens et nos émotions ?

Tout d’abord, remarquons que chez nous, chrétiens, la colère a mauvaise presse. On en fait un défaut, voire un péché capital. On dit qu’elle est mauvaise conseillère. On lui attribue un aveuglement fait de haine, de revanche, de violence, donc incompatible avec une vie moralement saine.

Pourtant, dans l’histoire, bien des choses n’auraient pas changé s’il n’y avait pas eu quelques cris de colère devant l’injustice ou l’absurde.

Sans remonter à Moïse brisant les tables de la Loi devant l’infidélité du peuple, il y a beaucoup d’exemples plus récents :

En 1864, Damien de Veusterle futur saint Père Damien, alors missionnaire à Hawaï, est confronté à la lèpre et à ses terribles conséquences. Que les lépreux, en plus d’être malades, soient également exclus, attise sa colère. Il décide d’aller vivre parmi eux afin de les aider et d’éveiller la conscience internationale.

Quand l’Abbé Pierre en hiver 1954 voit à Paris le corps gelé d’une femme morte dans la rue, il va crier sa révolte dans le micro de radio Luxembourg :  « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… »  - Un immense mouvement de solidarité allait jaillir de ce cri, que les communauté Emmaüs poursuivent aujourd’hui.

En 1969, Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart-Monde « se mettait en colère contre l'assistanat qui prive les pauvres de la dignité d'être acteurs de leur avenir. » 

En septembre 1985, Coluche à son tour s’indignera qu’on puisse encore crever de faim dans le cinquième pays le plus riche du monde à l’époque : « Quand il y a des excédents de bouffe et qu’on les détruit pour maintenir les prix sur le marché, nous on pourrait peut-être les récupérer… » - Les Restos du Cœur étaient nés.

Ces coups de gueule célèbres – et il y en a eu tant d’autres, et pas seulement chez les chrétiens, Dieu merci ! – ont comme vertu de ne pas accepter l’inacceptable, de réveiller la conscience de l’opinion publique, d’enclencher une action immédiate.

Voilà déjà de quoi nous faire voir la colère sous un jour plus sympathique ! On emploie souvent le terme de « saintes colères » pour désigner ces indignations devant l’injustice qui frappe les autres.

Il y a aussi des femmes qui osent exprimer leur colère jusque dans l’Eglise, non pour la critiquer de façon stérile, mais pour faire avancer l’institution : les théologiennes Anne Soupa, Christine Pedotti, Lytta Basset… pour ne citer qu’elles.

Le pape François lui-même, dans le discours avec lequel il concluait le sommet  sur les abus sexuels sur mineurs par des membres du clergé, a surpris tout le monde en disant que « dans la colère légitime des personnes violentées, l’Église voit un reflet de la colère de Dieu ».

L’évocation de la « colère de Dieu » est rarissime dans la bouche de François qui insiste plutôt sur la miséricorde divine. Il faut dire que le thème de la « colère de Dieu » est plutôt tabou aujourd’hui.  Il met mal à l’aise et on ne l’évoque plus guère… Pourtant, dans bien des passages de l’écriture, on parle de cette « colère » 

- le passage de l’Exode lu ce dimanche fait dire à Dieu : « Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération… »  Cela nous paraît pour le moins disproportionné, mais le but du texte est de faire comprendre combien l’idolâtrie est une rupture avec l’Alliance qui a des conséquences désastreuses bien plus larges que le cercle restreint de la personne qui la commet. La punition, c’est l’homme qui se l’inflige, mais aussi hélas à son entourage, sa descendance (on le voit dans la crise climatique par ex.)

Et les évangélistes nous ont transmis au moins six situations où la colère de Jésus se manifestait (c’est donc qu’il y en a eu beaucoup d’autres…) :

- contre le refus des pharisiens de faire passer l’esprit de la Loi avant la lettre, lors de la guérison de l’homme à la main desséchée : « Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, il dit à l’homme : “Étends la main.” Il l’étendit, et sa main redevint normale ». (Mc 3,5)

- contre l’hypocrisie, Jésus explose de colère avec ses « Malheureux êtes-vous ! » si rarement lus en liturgie (Mt 23,13-22).

- contre le figuier qui ne produit pas de fruits alors qu’il est visité par le Messie : « il dit au figuier : “Que jamais plus personne ne mange de tes fruits !” Et ses disciples avaient bien entendu » (Mc 11, 12 14).

- contre le lépreux qui va l’obliger à s’exposer trop tôt : « Avec colère, Jésus le renvoya aussitôt » (Mc 1, 43)

- contre ceux qui veulent écarter les enfants de Jésus : « Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : Laissez les enfants venir à moi… » (Mc 10, 14)

- contre le trafic se substituant à la religion, dans notre évangile d’aujourd’hui.

Ce qui nous bloque avec ce concept de la « colère de Dieu », c’est qu’on met nos émotions humaines issues de nos psychismes qui résistent mal aux frustrations et aux blessures d’amour-propre, on les met sur le même pied avec un mouvement de l’Esprit divin qui est en fait un moyen de communication avec l’être humain, quelque chose que l’homme peut comprendre. Nous projetons sur Dieu nos émotions, nos sentiments imparfaits. Or, chez Dieu, ce que nous appelons « colère » ne peut jamais être séparé de l’amour qu’il nous porte!  Rien à voir avec ce que ressentirait une personne qui s’énerverait.

« Un Dieu qui ne serait que douceur et bonté, écrit un des Pères de l’Eglise des premiers siècles, Tertullien, « est une absurde perversion ».  S’il ne conteste rien et s’il ne se met pas en colère, s’il ne s’oppose pas au mal, rien n’a plus de sens : les commandements, les normes morales… tout se vaut, tout est permis.  Ce serait un Dieu « malhonnête envers la vérité, qui a peur de condamner celui qui condamne et de haïr celui qui n’aime pas ».  Un Dieu qui « accepte, après coup, ce qu’il ne permet pas que l’on fasse ». 

: Ce Dieu ne serait pas bon, il serait juste indifférent.

Alors, la colère, légitime ? 

Oui, si elle se coule, se conforme sur celle de Dieu :  seul l’amour peut la motiver, la justifier : l’amour de Dieu et l’amour des autres, qui nous fait pas seulement crier, mais aussi nous engager pour défendre celui qui ne peut pas se défendre.

Bien sûr, il faut aussi se respecter soi-même. Souvent, nos colères portent sur un de nos besoins fondamentaux non satisfait, quand on ne se sent pas reconnu par exemple. Ou quand une des valeurs à laquelle nous tenons beaucoup, très importante, nous semble bafouée. La colère peut également toucher à nos limites, à ce que nous n’arrivons plus à supporter (ex : ‘j’explose de colère parce que je n’en peux plus et qu’on m’en demande toujours plus’). Enfin le message de la colère peut être objectivement une vraie prise de conscience adressée à l’autre : (ex : ‘ne vois-tu pas que ce que tu es en train de faire est une injustice… ?’). Dans ce cas, plutôt que de se mettre un couvercle sur la cocotte-minute, il vaut mieux que la colère s’exprime, tout en restant mesurée et constructive.

L’émotion–colère, en soi, peut être positive : elle libère une énergie incroyable pour faire changer les choses ! Elle permet de soulever des fardeaux dix fois plus lourds que d’ordinaire ; elle bouscule les habitudes, les complicités établies. Et en se calmant (la ‘descente en pression’), elle invite à trouver de nouveaux chemins pour tenir compte de ce qu’elle a exprimé.


HOMELIE POUR LE 4ème DIMANCHE DE L’AVENT B (20/12/2020)

 

Mes bons amis, j’ai eu quelques problèmes ces temps-ci :

-Il y a deux mois à peu près, ma montre s’arrête (une montre à 10 euros) et une nouvelle pile s’avère inopérante. Bof, il suffit de la remplacer !

-Le mois dernier, mon smartphone (de réemploi) refuse de reconnaître la carte sim : je ne peux pas rester sans téléphone, car il me faut toujours être joignable. J’ai pu heureusement transférer la carte sim sur un vieux gsm antique gardé dans un tiroir, espérant mieux plus tard.

-Voici trois semaines, mon imprimante refuse obstinément de fonctionner : J’ai eu beau réinstaller les pilotes et tout et tout, rien à faire. Sûrement l’obsolescence programmée ! Il a fallu que je commande par internet une nouvelle imprimante, les files devant les magasins d’informatique étant interminables.  

-La semaine passée, descendant chercher un peu de soupe dans mon congélateur, je m’aperçois que ce dernier s’est arrêté, et donc tout son contenu est pratiquement perdu. Zut !

-Lundi matin, mon ordinateur qui faisait depuis un bout de temps un bruit bizarre, a décidé de ne plus s’allumer. Pas de chance ! Chez un informaticien, on me confirme que c’est un crash du bios, et que Windows est en berne… Peu de chance de récupérer quelque chose. Mes archives se sont envolées en fumée… Evidemment, plus d’internet.

Là, c’est la grosse tuile. Et me voilà courant partout pour essayer de trouver un ordinateur de remplacement, afin de pouvoir travailler. Et tout ça quelques jours avant Noël ! Zut, zut, et zut de zut ! Evidemment, tous les magasins sont en rupture de stock, la demande d’ordis pour le télétravail étant énorme en ce moment. Saint Antoine, aidez-nous ! Ouf, enfin j’en trouve un d’expo, à un prix abordable. Mais quelle complication, il faut tout reconfigurer…

 

Tout cela m’a fait réfléchir.

D’abord, je me rends compte de la dépendance que j’ai -que nous avons tous?- envers ces outils et ces gadgets rendus presque obligatoires par notre belle civilisation : tablettes, smartphones, gps, ordis, agendas connectés... Qu’un de ces appareils nous lâche, et nous sommes stoppés net dans la course trépidante et infernale de la vie moderne – démunis comme un astronaute sans moyen de communication dans l’espace.

Sans nous en rendre compte, au fil des années, nous avons accumulés ces outils-gadgets qui sont sensés nous faciliter la vie. Je ne suis pas né dans l’ère informatique, donc je sais que je ne mourrai pas si je suis privé de tous ces trucs. Pour un jeune, sans doute, ce type d’accident comme je l’ai vécu serait beaucoup plus grave, et il risquerait d’entrer dans une grosse dépression…

N’empêche, la place que prennent tous ces appareils empiète sur d’autres secteurs de la vie, et l’usage qu’on en fait nous change, nous transforme sans qu’on s’en rende compte. Homo informaticus ! Et n’oublions pas que les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple…) ne sont là que pour nous manipuler en vendant nos informations personnelles… et nous lier à leurs « services ».

Non pas que je sois partisan d’un retour à l’âge de pierre, mais pratiquer un certain détachement vis-à-vis de la technologie nous serait sans doute salutaire. En tout cas, être lucide et vigilant pour ne pas se laisser « bouffer » par elle. Même si la liturgie des heures sur la tablette est beaucoup plus pratique que les vieux bréviaires d’autrefois.

 

Ma deuxième réflexion est en lien avec la Parole de ce 4ème dimanche de l’Avent.

« C’est moi (dit Dieu) qui te bâtirai une maison. » (2 Samuel 7,11)

David est arrivé au bout de ses succès. Il est roi, il a, en plus de son armée, un palais de cèdre, des serviteurs par centaines, des femmes (Bethsabée…) et un fils, Salomon. Victorieux sur tous les plans, il songe à construire un temple, « une maison pour le Seigneur » (un peu comme ces gens fortunés qui ajoutent une piscine ou une annexe à leur villa terminée).

Et Dieu répond par l’intermédiaire du prophète Nathan, avec un certain humour ou dérision : « Alors comme ça, c’est toi qui me bâtirais une maison, à moi le Dieu des univers, pour que j’y sois enfermé ? C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour faire de toi ce que tu es : le chef de mon peuple... »

 

Eh bien, mes amis, ça c’est caractéristique de nous les hommes (les femmes je sais pas, peut-être).

On construit sa vie, son existence sur des projets qu’on a le plus souvent conçu soi-même : on s’est choisi des études, un métier, puis une carrière ; parfois ça marche, parfois c’est plus compliqué. Il y a des échecs, mais aussi, en général, des réussites. On apprend, on réajuste le tir, et on avance… En chemin, on continue de bâtir sur d’autres plans : affectif, familial, relationnel… On s’entoure d’amis, d’un conjoint, d’enfants... Là aussi, parfois, on doit réajuster le tir quand les projets échouent, mais à terme, chacun a construit sa vie comme on bâtit une maison.

Dans ces projets, Dieu n’a pas toujours énormément la parole. Non pas qu’il se taise : il cherche toujours à proposer des chemins, des voies pour ses enfants. Mais nos oreilles sont souvent fermées, on lui laisse peu de place. En fait, sa place est à l’église, bien enfermé dans le tabernacle ! De temps en temps, on va lui rendre visite, prendre de ses nouvelles, et surtout lui raconter ses succès ou ses déboires, comment on a construit notre propre maison…

Vous trouvez que j’exagère ? Je ne pense pas. Pour preuve de ce que j’avance, le chiffre des vocations religieuses qui n’a jamais été aussi bas (la tendance existait déjà avant les scandales dans l’Eglise) ! Or, que je sache, Dieu appelle toujours. Pas seulement à la vie religieuse d’ailleurs (il existe beaucoup de sortes d’engagements et de formes de vie chrétiens) mais le nombre de nouveaux prêtres ordonnés ou de religieuses consacrées est un baromètre fiable.  

Peu, très peu d’entre nous ont envie de laisser Dieu construire la maison de notre vie, d’en être l’architecte et le maître d’œuvre. Pourtant, le résultat serait sans doute étonnant. Car il en a plein, lui, d’idées sur ce que pourrait être notre vie, notre maison ! Mais sa conception d’une vie réussie n’est sans doute pas tout à fait la même que celle que nous nous faisons…

Et même quand on a répondu une fois à un appel, et qu’on a décidé de laisser le Seigneur construire notre maison selon l’Evangile, on n’est pas encore sûr de laisser Son projet prendre le pas sur les siens à soi… Tant la croyance est profondément enracinée dans l’humain de savoir choisir soi-même ce qui est le meilleur, et d’imaginer qu’on peut y arriver tout seul !

En pastorale, combien de prêtres comme moi ou de responsables paroissiaux ou diocésains, sympathiques, généreux, dévoués jusqu’à l’extrême… s’engagent dans des projets qui restent encore humains, trop humains – et y enferment leurs ouailles, leurs brebis avec eux. Résultat : une Eglise où Dieu n’est plus. François d’Assise, lui, avait renoncé à tous ses projets de succès et de prestige, pour s’atteler à la reconstruction d’une humble chapelle, alors que tout le monde se moquait de lui. Pourtant, en suivant les chemins de Dieu, l’humble poverello a rebâti l’Eglise de son époque qui tombait en ruines.

Pour réaliser nos projets propres, mais aussi pour construire la maison de Dieu, nous nous appuyons trop sur nos moyens personnels, nos talents – et sur la technologie, les moyens matériels – plutôt que sur la grâce de Dieu.

C’est là, mes amis, qu’une cure de détachement (comme celle que je viens de subir) nous fait du bien. Détachement de nos moyens propres, pour sauter dans la CONFIANCE.  

C’est la Foi, et rien que la Foi dans la puissance de Dieu qui se déploie dans nos propres vies quand nous le laissons faire, qui nous permet de réaliser de grandes choses si nous voulons bien qu’il construise lui-même la maison.

La CONFIANCE est donc le maître mot de la liturgie de ce dimanche, le 4ème de l’Avent.

 

Nos projets trop humains sont des châteaux de cartes. Tout peut s’effondrer en un rien de temps. Même la pandémie du coronavirus nous le rappelle !  « Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, les bâtisseurs travaillent en vain. » (Ps. 126,1) . « …Un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable, lorsque la tempête est arrivée, la maison s’est écroulée, et son écroulement a été complet. » (Mt 7, 24-27).  

Le Roc, c’est le Christ et sa Parole.

La Foi, c’est l’abandon à la volonté de Dieu pour avancer dans le noir avec pour seule lumière la Parole reçue.

 

Celle qui a parfaitement vécu cela, c’est Marie.

Nous méditons aujourd’hui le récit de l’Annonciation. Si Marie a laissé Dieu bouleverser son existence de fond en comble pour le laisser construire en elle, faire d’elle LA MAISON DE DIEU, c’est parce que dans son cœur, dans son âme, elle n’était que « OUI » au Seigneur : à tout ce que Dieu lui demanderait, elle avait déjà consenti dans la Foi, digne fille d’Abraham. Le « oui » à Joseph qui la demandait en mariage s’inscrivait déjà dans ce « oui » total d’offrande de sa personne.

Et ce « oui », elle a dû le redire maintes fois, de la crèche à la croix, quand Jésus enfant au temple lui a dit qu’il devait être chez son Père, et quand il a répondu plus tard à sa mère qui le cherchait encore : « Ma mère, mes frères, ce sont ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux. » « Femme, voici ton fils – Voici ta mère », dit encore Jésus en la confiant à Jean son disciple au pied de la croix.

Et Marie laisse chaque jour le Projet de Dieu se réaliser en elle, par elle. Aujourd’hui encore, car en la priant, elle nous apprend à faire de nos chemins des chemins de Foi.

 

Elle nous est donnée en modèle, pour nous apprendre à dire comme elle « oui » à Dieu et lui abandonner nos projets pour accueillir le Sien sur nous. Ainsi le Seigneur peut-il vivre et agir en nous, « comme en une humanité de surcroît » disait la petite Thérèse.

Jésus vient à nous cette année à Noël, moins par nos églises maisons de pierre qui sont souvent fermées, sans culte ni sacrements à cause du confinement, mais il vient davantage par les cœurs qui disent « oui » à sa Parole, qui renoncent à leur volonté propre et qui acceptent de laisser le Seigneur construire Lui-même sa Maison en eux.


Marie, toi qui as dit oui, apprends-nous comme toi, à vivre de l’Esprit.  

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâces ;
le Seigneur est avec toi.
Tu es bénie entre toutes les femmes et Jésus,
ton Enfant, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen.
    

Déjà, joyeux Noël !   BP



Homélie pour le 3e dimanche de l’Avent B12 décembre 2020


SOYEZ DANS LA JOIE !

Bonjour mes amis,

La liturgie de ce 3ème et avant-dernier dimanche de l’Avent parle de joie. Mieux, elle nous invite à la joie : « Je tressaille de joie dans le Seigneur » (Is 61, 10). « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 46b).  « Soyez toujours dans la joie » (1 Th 5, 16).

Cela peut nous paraître bien loin de nos soucis et de nos préoccupations actuelles ; la crise du Covid-19 a coupé les ailes en quelque sorte à ce que nous appelons la joie et la fête.  Chaque année, que l’on soit croyant ou non, Noël représente pour beaucoup le moment de l’année où l’on oublie un peu le quotidien morose pour retrouver des émotions en accomplissant les rites traditionnels des retrouvailles et des repas en famille, des cadeaux et des surprises qui illuminent le visage des enfants et l’ambiance particulière de Noël manifestée à travers les décors de sapins, de lumières, de musiques… La messe de Noël aussi et les crèches pour un certain nombre encore.

Cette année, hélas, l’insouciance n’est pas de mise. Outre les mesures drastiques de sécurité qui réduisent nos contacts personnels, empêchant en grande partie ces rassemblements familiaux si précieux, le contexte sanitaire ne nous invite pas spécialement à la joie avec les hôpitaux toujours au bord de la surcharge, la peur de contaminer ceux qu’on aime, l’inquiétude vis-à-vis de l’avenir, l’angoisse des professionnels pour qui le temps des fêtes est lune source irremplaçable de revenu… Ce serait plutôt le temps de la déprime !

Alors, quid de la joie cette année ? L’Eglise est-elle encore une fois « à côté de la plaque » avec ses formules toutes faites ?

Il faut reconnaître que nos sentiments ne correspondent pas toujours à ce que suggère la Parole de Dieu. Quand je prie les psaumes par exemple, je tombe parfois sur des versets qui sont des cris d’angoisse devant la mort (les complies du vendredi),  des appels à la justice de Dieu contre les méchants,… Bref, des prières qui ne correspondent pas à ce que je vis à cet instant-là. Mais je me sais invité à les prier en union avec mes frères qui vivent, eux, des situations de souffrance et de désarroi. Je sais aussi qu’à certains moments dans ma vie, ces paroles trouveront écho en moi, et me parleront pour me soutenir dans ma foi et dans la confiance en Dieu.

Il en va de même quand je suis dans la tristesse et que je reçois des paroles qui m’invitent au contraire à la joie. Plutôt que de me braquer et de les rejeter, j’essaye de les accueillir en les méditant et en m’interrogeant sur ce qui peut être source de joie dans ma vie, et quelle joie particulière le Seigneur veut me donner AUJOURD’HUI,  en ce moment si pénible que moi, vous, nous traversons… une joie qui est cachée peut-être mais qui est réelle et que seules mes lunettes sombres m’empêchent de voir et de goûter…

Eh bien, c’est l’exercice qu’une paroisse a réalisée en demandant à ses fidèles d’écrire librement sur un quart de feuille (rose, comme la couleur liturgique de ce dimanche) la joie qui irrigue leur vie en ce moment. L’avalanche de bulletins roses qui en résulta a surpris tout le monde, car l’ambiance n’est pas particulièrement à l’optimisme en ce temps de confinement !

J’ai eu envie de vous les partager, mes amis, car je suis sûr que vous trouverez dans ces réponses UNE JOIE que le Seigneur vous donne, a préparée pour vous AUJOURD’HUI, et bien sûr à NOËL. Elles sont regroupée autour de trois têtes de chapitres : la joie humaine, la joie de Dieu, la joie chrétienne. Loin de s’opposer, elles se répondent et se complètent, se nourrissent les unes des autres… Faites-moi savoir quand vous aurez trouvé la (les) vôtre(s) – ou une joie que l’on aurait oubliée, car c’est loin d’être épuisé - épuisable.

Voici plus bas les résultats de cette "enquête". Il me plaît d'y voir le "sensus fidei", le sens de la foi des fidèles à l'oeuvre - quand on leur donne la parole !

Bon chemin d’Avent, avec Jean-Baptiste, l’ami de l’Epoux (Jésus) qui vient, dont la voix le remplit de joie !

« Telle est ma joie, elle est parfaite. Il faut qu’il grandisse et que moi, je diminue » Jn 3,29-30


Bernard


Les trois joies que l’Avent fait descendre sur nous comme la rosée du ciel.

 

1. La joie humaine

Il y a des moments, dans la vie, qui sont de purs ravissements de bonheur, qui sont des joies simples mais profondes. Ce sont celles-là qui nous nourrissent au plus profond de notre cœur. En voici quelques-unes.

Racontez-nous la joie des hommes.

-La joie, c’est quand un papa soulève son enfant au bout de ses bras, le lance en l’air et le reprend tout contre lui, quand les deux rient aux éclats et que leurs yeux brillants se mirent les uns dans les autres.
-La joie, c’est quand la fiancée repose tendrement dans les bras de son fiancé, en silence et en amour, et que ce moment pourrait durer une éternité sans sombrer dans l’ennui ou la distraction.
-La joie, c’est quand les enfants reviennent de l’école et, tout en savourant une tartine et un verre de lait, racontent en toute confiance leur journée à leur maman qui les écoute avec amour.
-La joie, c’est quand toute la famille, profitant du congé des Fêtes, va skier et glisser à la montagne, avant de partager ensemble un bon repas chaud.

———-

-La joie, c’est quand, après avoir vécu une grande angoisse, tu retrouves soudain la paix pour un nouveau départ.
-La joie, c’est quand ton cœur, las de tristesse et de douleur, trouve consolation et réconfort auprès de personnes que tu aimes et qui t’aiment.
-La joie, c’est quand tu retrouves un ami perdu depuis longtemps et qui, par un soir d’hiver, frappe à ta porte et te serre chaleureusement dans ses bras.
-La joie, c’est quand tu es malade ou seul et que, sans s’être annoncée, de la belle visite envahit ton foyer et vient te causer amicalement.
-La joie, c’est quand une maman met au monde un enfant sous les yeux émus du papa et le montre ensuite, éblouie, à la famille, à la parenté, aux amis, aux visiteurs.

———–

-La joie, c’est quand, de ta fenêtre, tu regardes la neige tomber en silence et décorer tranquillement l’épinette de ta pelouse et que ton cœur chante au-dedans de toi.
-La joie, c’est quand tu regardes les gens passer dans ta rue et que, même emmitouflés jusqu’au cou, tu les trouves beaux et bons.
-La joie, c’est quand tu te promènes le soir dans les rues et que tu regardes toutes les décorations de Noël, et que tu te dis : « Que c’est beau ! »
-La joie, c’est quand tu donnes un cadeau à un enfant ou à un plus pauvre que toi et que tu vois leurs yeux briller comme des soleils, et que tu te dis : « Que c’est bon ! »

————

-La joie, c’est une petite source d’eau claire qui chante sa douce musique au creux de ton cœur, qui rafraîchit tout ton être et te fait trouver bonne la vie.
-La joie, c’est une petite fleur de rien du tout qui pousse soudainement au jardin de ton âme, qui parfume tout ton être et embellit toute ta vie.
-La joie, c’est une petite lumière qui vient éclairer ta nuit, une étoile minuscule qui t’indique le chemin, qui te rassure, te console et te pacifie.
-La joie, c’est un nuage qui te fait un clin d’œil dans le ciel, un oiseau qui passe en chantant, un enfant qui te sourit, un vieillard qui te regarde aimablement, c’est la vie toute simple qui t’apporte un supplément d’être.
-La joie, c’est l’amour que tu donnes et que tu reçois, qui te réjouit le cœur et allume des lumières dans ta vie…


2. La joie de Dieu

S’il y a la joie des humains, il y a aussi celle de Dieu lui-même. Dieu, qui nous envoie son Fils pour nous sauver, n’est pas un Dieu triste et revanchard. Tout au contraire, il est un Dieu aimant et aimable et qui trouve sa joie précisément dans cet amour.

Racontez-nous la joie de Dieu.

-La joie de Dieu, c’est de nous regarder vivre comme un père ou une mère regardent leurs enfants, avec beaucoup d’amour au cœur et dans les yeux.
-La joie de Dieu, c’est de nous accompagner sur tous nos chemins, qu’ils soient heureux ou malheureux, bons ou mauvais, et de ne jamais nous abandonner.
-La joie de Dieu, c’est de nous accueillir dans sa maison en tout temps et encore plus quand nous revenons de loin, de si loin parfois que nous l’avions presque oublié.
-La joie de Dieu, c’est de s’approcher de nous, d’être avec nous, jusqu’à nous donner son Fils unique comme preuve de son amour de toujours et pour toujours.
-La joie de Dieu, c’est ce petit enfant qui repose dans une crèche et qui dort paisiblement en notre cœur.


3. La joie chrétienne

La joie chrétienne repose principalement sur notre foi en notre Dieu qui nous aime et qui nous sauve à chaque instant. C’est une joie que même les plus grands malheurs ne peuvent assombrir. Regardons-la un peu.

Racontez-nous la joie chrétienne.

La joie chrétienne, c’est…

-savoir que Dieu habite au plus profond de ton cœur et que tu peux lui parler où tu veux, quand tu veux, de ce que tu veux…
-aider un plus malheureux que toi et de reconnaître en lui le Seigneur lui-même qui se cache dans ses frères et sœurs les plus humbles…
-s’arrêter à l’église en revenant de tes courses de Noël pour dire à Jésus que tu l’aimes et pour l’écouter te dire qu’il t’aime aussi…
-faire une prière à Jésus avec ton petit enfant quand tu bordes son lit le soir et lui raconter une histoire pour l’endormir…
-regarder les enfants jouer dans la cour et de demander humblement au Seigneur de leur ressembler un peu…
-découvrir Jésus en chaque personne, même la pire…

————–

La joie chrétienne, c’est…

-quand tu te pâmes pour Dieu, que tu le trouves formidable, merveilleux, extraordinaire, unique, super…
-quand tu fermes les yeux devant qui te fait du mal et que tu ouvres bien grands ton cœur et ta maison pour l’accueillir au nom de Jésus…
-quand tu tournes ton cœur vers le Seigneur dans ta vie de pécheur, étant sûr que son cœur est bien plus grand que toutes tes bêtises…
-quand tu te mets à danser et à chanter avec tes frères et sœurs dans la foi tellement tu es heureux que Jésus soit au rendez-vous de nos vies…
-quand, même au milieu de grandes épreuves, tu sais que le Seigneur ne t’abandonnera jamais, qu’il sera toujours là pour t’écouter et te tendre la main comme un père aimant et une maman très douce…

———–

La joie chrétienne, c’est…

-quand tu donnes ton pardon ou que tu en reçois un au nom de Jésus et qu’ils te lavent l’âme aussi nette qu’une grande ondée de printemps…
-quand tu découvres, dans l’émerveillement, qu’au fond Dieu seul suffit pour que tu vives le vrai bonheur…
-quand tu pleures, tellement le bonheur inonde ton cœur, parce que tu comprends de plus en plus de quel amour profond le Seigneur t’aime et t’aimera toujours…
-quand le Seigneur place sur ton chemin un ange de paix et de lumière qui panse tes plaies et te relance sur le chemin de l’espérance…
-quand tu découvres qu’en ce petit enfant, couché dans une crèche, il y a tout l’amour du monde, tout l’amour d’un Dieu…

Et vous ? 

      ...   Qu’écririez-vous de votre joie actuelle sur un quart de feuille rose ?



 

 



Homélie pour le 2e dimanche de l’Avent B, 6 décembre 2020

Nous avons un peu perdu l’habitude d’entendre parler de bonnes nouvelles. Chaque jour, nous n’en recevons presque que des mauvaises.

Les médias ne cessent de nous parler de la crise du coronavirus, du nombre d’hospitalisations et de décès, des fermetures ou des faillites, des violences de toutes sortes.

Dans ce contexte, qu’est-ce qui serait pour les gens aujourd’hui, une bonne nouvelle ? Et pour vous mes amis ?

La majorité dira probablement : Pouvoir fêter Noël en famille, avec tous les siens, tous ceux qu’on aime, autour d’une table chaleureuse et bien garnie ! – Ce n’est hélas pas à l’ordre du jour !

Beaucoup répondront : la fin de la pandémie, enfin jugulée (mais ce ne sera que dans de longs mois encore, préviennent les experts, en ajoutant : si nous sommes sages !) ; les hôpitaux qui se vident de leurs patients, les aînés qui peuvent enfin recevoir les visites qu’ils attendaient depuis si longtemps…

Un grand nombre dira aussi : la fin du confinement, du couvre-feu (pour les jeunes surtout) et des mesures qui étranglaient notre liberté et notre capacité à avoir une vie sociale, économique, familiale correcte…

Une bonne partie de la population dira sans doute (au vu de la ruée dans les magasins annoncée pour ce w-e) : la réouverture des commerces dits non-essentiels ; pouvoir enfin acheter (ou vendre) tout ce dont on a envie, les cadeaux à offrir à Noël, les vêtements, les gadgets dont regorgent déjà souvent nos maisons et nos placards…  Acheter, consommer, recommencer comme avant ! - La liberté de voyager aussi, de s’entasser dans les stations de ski ou sur les plages des pays chauds, de se faire coiffer ailleurs qu’en Hollande ou au Luxembourg et de recevoir les soins esthétiques dont il est « impossible de s’en passer »…  

Quelques-uns diront (peut-être) : la possibilité de pouvoir aller à la messe dans leur paroisse (pour ceux qui en retrouveront le chemin), une messe qui ne soit pas virtuelle avec un curé-streaming, mais où ils pourront enfin communier et prier avec ceux de leur communauté…

….Enfin, peut-être, peut-être quelqu’un (vous ?) dirait : La venue de Jésus Christ Fils de Dieu en notre chair ?

Peut-être…

...Et pourtant, c’est de cela qu’il est question AUJOURD’HUI.

 

L'évangile selon Marc que nous lisons dans cette année liturgique s'ouvre lui sur ces mots : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ Fils de Dieu ».

Est-ce que cette venue est une bonne nouvelle, une vraie bonne nouvelle pour moi aujourd’hui, en ce moment où nous traversons une crise multiple et douloureuse pour tant de personnes ? Et que la fête de Noël tellement attendue avec toute sa charge d’émotions, de chaleur humaine et affective, de rêve et d’émerveillement, est « racrapotée » en une fête en très petit comité autour d’une mini-table, d’un mini-sapin avec des mini-cadeaux… Mini budget pour certains… ?

: Est-ce que la venue de Jésus Christ Fils de Dieu il y a 21 siècles est aujourd’hui pour moi une bonne nouvelle ? Ou une simple anecdote… au mieux, un fait historique ?

Si cette venue ne change RIEN à ma vie, alors, effectivement, ce n’est pas une nouvelle importante.

Et tout doit recommencer « comme avant » : le monde avec son système économique et social tel qu’il était construit ; la pression commerciale qui crée sans cesse de nouveaux besoins et creuse le fossé entre les riches et les pauvres ; la politique des luttes d’intérêts et des petits arrangements ; les vieux qu’on parque dans des homes de plus en plus grands ;  les migrants qu’on rejette à la mer ;    etc. etc.

Avec pour objectif : accumuler, consommer, produire, des biens, de l’amusement, des sensations… SANS LIMITES NI RESTRICTION. J’ai l’impression que c’est cela que la plupart de nos contemporains attendent le plus : pouvoir tout faire « comme avant » la pandémie… comme je veux, quand je veux, avec qui je veux. Point.

On avait dit pourtant, au tout début : « Rien ne sera jamais plus comme avant ! La société toute entière va changer… » Ben non ! On est pressé de relancer les compagnies aériennes, on va soutenir le secteur automobile, intensifier et encourager la consommation… Injecter (quand même) un peu d’argent dans le secteur médical. Mais sans remettre en question, fondamentalement, tout le système qui produit quand même pas mal d’inégalités et appauvrit ou rend dépendantes des régions entières de la planète, sans parler des dégâts environnementaux et climatiques. La seule chose qui restera, sans doute, après la période Covid, c’est la pratique du télétravail !

 Si la venue en notre chair de Jésus Christ ne me change pas, moi, alors le monde ne changera pas non plus. Et personne ne sera « consolé », selon la parole d’Isaïe : « Consolez, consolez mon peuple ! Dites-lui que son service est accompli, que son crime est expié, et ses fautes pardonnées… »

Ce changement promis par Dieu commence en moi-même, en chacun de nous. L’Avent, c’est le temps des commencements ; d’ailleurs c’est comme cela que Marc ouvre son Evangile : « Commencement de la Bonne Nouvelle ».

Avec Jésus un monde nouveau, tout neuf, surgit. Comme au début de la Genèse : « Au commencement… ».  C’est le début d’une action de Dieu, mais qui ne se fait pas sans nous.

Commencer, mettre en route un projet, faire du neuf et créer, c'est transformer notre milieu de vie. C'est aussi nous transformer nous-mêmes. Commencer n'est pas toujours facile. C’est parfois même très angoissant et plein de passages tortueux dans des terres arides comme dit Isaïe. Commencer, c'est toujours prendre un risque car il faut accepter de se mettre en marche vers l'inconnu. Accepter de laisser là ce qui était notre univers familier, notre habitude, notre tranquillité ou notre routine.

Quand Jésus commence à proclamer la Bonne Nouvelle, il ne sait pas à quoi il s'engage. La route qu'il prend ne sera pas de tout repos. C'est une route dans le désert, sur une terre aride et montagneuse, pleine de ravins et de passages tortueux. Cette route s'achèvera sur la butte du Golgotha. Mais Dieu son Père fera de ce « commencement » un « accomplissement » en le ressuscitant pour lui donner Sa gloire.

Le Seigneur ne veut pas que nous accomplissions (dans le sens de perfection)  ; mais que nous commencions, encore et toujours, un pas à la fois, chaque matin. 

Commencer, c’est changer, se changer. L’accomplissement, ou l’achèvement, c’est Dieu qui le réalise, cela lui appartient.

Commencer, S’ENGAGER sur le chemin de la justice et de l'amour, de la vérité et de la paix, c’est à la fois accueillir un DON et essayer d’y correspondre en ajustant sa façon de vivre, de croire, d’espérer : « Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. » (Ps 84)

La venue de Jésus Christ en notre chair, c’est un commencement, une Bonne Nouvelle qui est toujours neuve et qui doit s’ajuster et s’actualiser au temps où elle est proclamée. Elle doit surtout s’incarner dans notre comportement, en cherchant à être comme Jésus qui s’est rendu proche de chaque être humain et s’est fait même semblable à eux.

Pierre dans sa lettre nous dit d’être patients, de vivre le commencement de la Bonne Nouvelle dans nos vies.  Il n'y a pas de petites actions pour aplanir la route caillouteuse : le moindre coup de pelle du plus faible ouvrier est utile et nécessaire. (Et nous avons la chance de pouvoir ajouter notre petit coup de pelle en participant à la campagne de "Vivre Ensemble" pour soutenir les associations de notre région qui œuvrent pour donner dignité et espoir aux personnes défavorisées de chez nous : VOIR ARTICLE SUR LA PAGE D'ACCUEIL. Soyons généreux, cette année plus que jamais ! -puisqu'il n'y a pas de collecte possible, un N° de compte est fourni avec exonération de 60%)

Il faut passer cependant parfois par le désert : c’est le lieu (d’épreuve) pour reconnaître la fragilité de notre condition humaine – comme aujourd’hui dans cette période de pandémie, et c’est là que Jean le Baptiste annonce son message de salut. Ce passage au désert de la pandémie peut susciter la prise de conscience de ce que nous sommes, notre besoin de conversion, notre désir de changer la réalité et la nécessité d’y participer. C’est là, au désert, que peuvent renaître toutes les espérances pour chacun sans exception. Le temps d’attente consiste à découvrir quelqu’un qui est déjà là et à le reconnaître dans les événements qui sont les nôtres, à travers les femmes et les hommes d’aujourd’hui. 

C’est au travers des réalités des femmes et des hommes de notre temps que Jésus vit et qu’il veut apporter son message d’espérance dans notre monde : Dieu ne nous abandonne pas ; pour lui, il n’y a pas de situation désespérée. Un commencement ou un re-commencement est toujours possible. « Un temps pour changer », comme dit le pape François en titre de son nouveau livre.

L’Avent est là pour nous rappeler que Dieu vient à notre rencontre. Il nous rejoint au cœur de nos vies, de nos joies et de nos épreuves pour nous annoncer du neuf, le Fils de Dieu, celui que Pâques a révélé.

Malgré l’insécurité qui nous guette, nous devons NOUS ENGAGER pour ouvrir de nouveaux sentiers et non pas « refaire du vieux » sur nos anciens chemins d’errance. C’est la seule façon de faire naître l’espérance aujourd’hui. Dieu frappe à notre porte et il attend de nous une réponse pour annoncer la Bonne Nouvelle : « Monte sur une haute montagne ! » N’ayons pas peur, Jésus nous accompagne.


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Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent (29 novembre 2020)


L’AVENT, UN TEMPS POUR CHANGER ?

 

Alors que tout le monde en ce moment se demande comment il va fêter Noël cette année, avec combien de personnes de sa famille et dans quel endroit,

que les commerçants paniquent en ne sachant pas s’ils pourront ouvrir ou non en cette période de fêtes et s’ils pourront écouler leurs stocks,

que les consommateurs se ruent sur les sites internet de commande à distance, le « click and collect »,

que les postiers et autres livreurs croulent sous les paquets à déposer,

que les restaurateurs, hôteliers, propriétaires de gîtes ou de salles de fête désespèrent en regardant leur livre de réservations plein de ratures,

que les parents rassurent leurs enfants en leur promettant que saint Nicolas et Père Noël viendront bien cette année,

que les étudiants ignorent s’ils passeront leurs examens en présentiel ou en virtuel et sur quelle matière ils seront finalement interrogés,

que les fidèles paroissiens se demandent s’ils auront une (vraie) messe de Noël cette année, et que les curés anticipent en se rabattant sur des célébrations de Noël en streaming,

l’avertissement de Jésus dans l’évangile en ce premier jour de l’Avent : « Veillez donc, restez éveillés, car vous ne savez pas… », cet avertissement tombe comme un cheveu dans la soupe !

… Effectivement, nous ne savons pas !

Nous ne savons pas plein de choses – toutes celles que nous venons de détailler – , mais surtout, surtout, nous ne savons pas quand le Maître va venir.

La rencontre, notre rencontre avec le Seigneur (le Maître) est l’évènement le plus important de notre vie ! de ma vie… Car ce moment décide de ce que je suis et de ce que je serai pour toujours.  Voulons-nous vivre avec Jésus, être avec Lui ?

 

 Or, cette question-là, nous ne nous la posons presque jamais. Bien trop obsédés par toutes les autres, qui occupent tout le temps notre esprit et notre cœur ; ce sont d’ailleurs à peu près les seules choses dont on nous parle constamment dans les médias… ces questions qu’on répète à l’infini : « Qu’allons-nous manger, qu’allons-nous boire, quels cadeaux vais-je pouvoir acheter, est-ce qu’on pourra faire la fête, voyager, dépenser ou gagner de l’argent… ?  Est-ce qu’on pourra rassembler ceux qu’on aime et partager avec eux des moments d’affection à Noël – fête symbolique s’il en est ?  On en a tant besoin !!! »     

Le Covid-19 a mis tout ou presque, par terre. – Ou plutôt, tout est suspendu. Plein de questions sont sans réponses. Beaucoup de gens ont l’impression qu’ils sont dans le vide, et n’ont plus de prises sur leur vie… Très insécurisés, certains sombrent déjà dans la dépression. Toute la société vacille dans son fonctionnement, ses rouages se grippent… Et les pauvres (ceux qu’on ne songe pas à inviter à la fête à Noël !) sont toujours aussi pauvres ou encore plus. Pour eux, nos questions ne les tracassent guère, vu qu’ils sont depuis toujours dans la survie. D’ailleurs, ils ne portent généralement pas le masque ; qu’ont-ils à protéger, à sauvegarder ??

Les personnes précarisées, les malades dans les hôpitaux, les soins intensifs - et ceux qui se battent à leurs côtés, tous n’ont qu’un objectif : vivre, sauver la vie. Et nous voilà contraints, soit d’être de leur côté et de porter une partie du fardeau en assumant nos responsabilités, soit de choisir notre confort et notre sécurité (ou notre plaisir) à nous. Quel dilemme !

Quel révélateur que cette pandémie ! Nous obliger à choisir entre nous et les autres, ceux qu’on pouvait auparavant faire semblant d’ignorer : les souffrants, les malades, les pauvres… Nous sommes obligés à présent de les regarder à la télévision, couchés sur leur lit d’hôpital entourés de blouses blanches et avec des tuyaux partout, ou confinés dans leur chambre de maisons de repos, avec leur regard triste derrière leurs rides, qui semblent nous dire : « Je veux bien vivre encore un peu, si vous me le permettez… »   Si vous me le permettez !

 

Alors oui, l’avertissement du Christ : « Veillez ! Vous ne savez pas quand le Maître vient », il tombe comme un cheveu dans la soupe ! Car il nous arrache à nos fausses questions autour de Noël – en tout cas, des questions secondaires par rapport à celle qui doit nous préoccuper avant tout en premier : Est-ce que mon cœur est éveillé, ou endormi ?   Un cœur éveillé, c’est un cœur tourné vers l’Autre, vers les autres… Comme quelqu’un qui attend son maître, son époux ou son épouse, son père ou sa mère, après une longue absence, avec désir, espoir, impatience même !  « Mon âme attend le Seigneur, comme un veilleur attend l’aurore ! » (psaume 129)

Ecoutez, moi je me pose vraiment la question. Est-ce que mon cœur est éveillé ou endormi par les soucis de la vie, les questions subsidiaires ?

Je désire Jésus, oui, mais de façon lointaine, et j’ai déjà loupé pas mal de rendez-vous… de ses « venues », m’endormant souvent au lieu de prier, d’espérer… Même si certaines fois, il m’a brusquement réveillé en toquant à ma porte, au travers de telle ou telle personne qui me sollicitait…  Tu étais là, Seigneur !  Merci de m’avoir réveillé !  Et de m’avoir mis en route pour aider à la vie de frères ou de sœurs que tu m’envoyais, me donnais à aimer... !

Tu es bon, Seigneur, oui, tu es bon ! Pour moi, c’est ça Noël : c’est quand mon cœur s’éveille à l’Amour, à la Joie, au Partage… Cela dépasse de loin un 25 décembre, si belle puisse-t-elle être cette fête aux relents de nostalgie d’enfance.

 

Justement, qu’allons faire cette année pour préparer Noël (et pas seulement le menu…) ? Ce Noël qui, on nous a déjà prévenus, ne sera pas pareil à ceux que nous avions l’habitude de connaître…

Un bout d’émission entendu ce matin sur RCF parlait de cet enfant de Noël, qui était si petit et si humble qu’on pourrait passer à côté sans le remarquer. Or, cet Enfant était la Vie ! « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance. »  (Jean 10,10). Cette plénitude de vie est donnée au travers de la fragilité, de la précarité, du manque. C’est tout le symbole de la crèche, mais aussi le sens de l’Incarnation du Fils de Dieu en notre chair.

Voilà le mystère que nous allons célébrer à Noël, que ce soit ou non dans une église. Celui qui vient pour donner la Vie, je puis l’accueillir et le reconnaître au travers de toutes ces fragilités et ces manques que nous expérimentons aujourd’hui et qui se sont imposés à nous en conséquence de la crise du Covid-19.  Chaque jour, je le vis et le rencontre en ma faiblesse, car je découvre que je ne peux m’appuyer que sur Lui seul. Lui seul est ferme et il m’affermit moi Bernard, si je me laisse façonner par Lui comme l’argile dans la main du potier (cf les 2 lectures de dimanche). « C’est lui, le Christ, qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, car Dieu est fidèle, Lui. » (=ferme). (1 Co 1,8-9)

Ainsi, notre fragilité nous fait redécouvrir que notre force ne vient pas de nous-mêmes. Merci quand même, Covid ! …Mieux, Jésus nous appelle et nous apprend à accepter et à aimer notre fragilité, car elle ouvre la porte de notre cœur en nous évitant de nous endurcir et en nous rendant sensibles et compatissants vis-à-vis de nos frères et sœurs compagnons d’épreuve.

Ainsi, nous sommes appelés – spécialement en ce temps d’Avent – à faire grandir la Vie, protéger la vie (des plus faibles), aider la vie partout où nous le pouvons, celle des jeunes, des vieux, des travailleurs ou des chômeurs, des malades ou de ceux qui ont peur de le devenir, de ceux qui espèrent ou qui désespèrent…

Cet Avent, je veux le vivre « en communion avec le Fils du Père fidèle, Jésus Christ notre Seigneur » (1 Co 1,9) , et avec vous tous mes amis, sœurs et frères, qui me gardez éveillés pour Sa venue !  J’espère que nous aurons une Eucharistie pour Noël, bien sûr ; ce serait une très grande joie et une consolation, pour tous nos chrétiens et pour moi aussi. Mais je suis convaincu aussi que si l’épreuve du confinement et du Covid doit perdurer encore et nous priver de célébration, voire de grande fête en famille large, les dons de la grâce eux ne nous manqueront pas (1 Co 1,6) si nous restons vigilants, le cœur éveillé et ouvert, et ils nous feront tenir fermement jusqu’au bout dans l’espérance et la charité active, solidairement avec les plus fragiles de notre société. [cf la Campagne d’Avent de Vivre Ensemble].

 

Le pape François va sortir ici au début de l’Avent un livre qu’il a intitulé : « Un temps pour changer ; viens, parlons, osons rêver… »

Faisons de cet Avent 2020 un temps pour changer !

 Votre curé Bernard




Le Jugement Dernier - homélie du curé Bernard pour le dimanche du Christ-Roi (22/11/2020)


Rogier van der Weyden (1399–1464)   Jugement Dernier, Hôtel Dieu, Beaune

« Quand le Fils de l’Homme viendra dans la gloire, et tous les anges avec lui, il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui et il séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres ».

Nous avons tous en tête cette scène dite du « Jugement dernier », telle qu’elle a été représentée par de nombreux peintres et sculpteurs, ornant vitraux et tympans des cathédrales du Moyen-âge ; elle figurait encore dans les manuels de catéchisme de mon enfance, avec cette séparation définitive entre ceux qui sont sauvés et s’en vont au ciel, et ceux qui sont damnés et partent en enfer…

Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, la plupart des chrétiens ont bien du mal avec cet enseignement de l’Eglise – il a d’ailleurs pratiquement disparu de la catéchèse et des homélies. Parler de jugement après la mort nous révulse, si cela ne nous laisse pas totalement indifférent.

En fait, deux éléments interviennent je crois dans ce rejet. D’une part, l’imagerie employée par l’Eglise et les artistes de jadis pour décrire les supplices des condamnés torturés par des démons ricanants : de quoi en perdre le sommeil ou à l’inverse rejeter ce Dieu impitoyable.

D’autre part, si la justice est une revendication et une aspiration fondamentale de tout être humain et ce depuis la plus tendre enfance, il n’en est pas moins vrai qu’en pratique, nous sommes beaucoup moins enclins à nous laisser juger personnellement, fût-ce par le juge le plus intègre (et le plus clairvoyant) - Dieu lui-même. Le rejet actuel de l’autorité en général dans la mentalité post-moderne n’aide pas vraiment à reconnaître et accepter cette donnée de foi…

Alors, jugement ou pas jugement ?

Si nous abandonnons ce point contesté mais décisif de la foi catholique, notre aventure terrestre a-t-elle encore un sens ? Ou est-elle absurde, sans signification, puisqu’à terme, quelle que soit la manière dont vous avez mené votre vie, la destination est la même ?

Qu’il faille se détacher de l’imagerie effrayante des représentations moyenâgeuses, bien sûr. Que le jugement divin ne puisse servir d’instrument pour manipuler les masses et les faire obéir, certes. Mais est-ce que pour autant il faut jeter le bébé avec l’eau du bain et effacer ce point de notre credo (« Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts »)?

Donc, ce qui donnerait du poids, du sens à notre existence, c’est bien ce Jugement final, mais qui n’est sans doute pas ce que nous croyons. Dieu nous a voulus et créés libres, mais cette liberté est assortie d’une responsabilité : Nous sommes responsables et donc comptables de la gestion de notre vie et des dons que Dieu nous a faits. En fait, la foi dans le jugement de Dieu anéantit toutes les prétentions humaines d’être tout-puissant, seul maître de ses actes et ne devant rendre de comptes à personne : A coup sûr, cet orgueil humain démesuré (ubris en grec) aurait entraîné la destruction de l’humanité !

Je me demande d’ailleurs dans quelle mesure la disparition actuelle de cette notion de jugement ou sa relativisation, ne conduirait-elle pas au bout du compte à la dissolution de ce sentiment de responsabilité vis-à-vis de la société en général, vis-à-vis de la planète en termes de respect de la nature et du climat, de l’équité par rapport à la justice sociale et la pauvreté, et, finalement favoriserait l’émergence de formes de mégalomanie chez certains dirigeants, d’égoïsme, de racisme et de suprématisme chez un nombre important de nos contemporains, même chrétiens ?  Bonne question…

Bon, alors si, une fois jetée l’eau du bain, on garde le bébé, qu’advient-il ? Contrairement aux imageries médiévales, le jugement dernier sera une (bonne) surprise pour beaucoup (« Quand t’avons-nous vu ? »). Le Jugement n’est pas une vengeance de Dieu sur l’homme ; en réalité, le jugement dernier confirmera nos propres choix. Si nous choisissons Dieu, c’est-à-dire l’Amour, même si nous ne connaissons pas son nom, nous choisissons la Vie !  Et chaque décision d’amour prise par moi au cours de mon existence  me conforte dans ce choix fondamental et me fera accepter l’Amour de Dieu quand je paraîtrai devant Lui.

En fait, d’après l’Evangile, si dans l’image du Jugement c’est le Roi qui sépare les hommes comme un berger sépare les brebis et les chèvres, en réalité, Dieu nous aime tant qu’il nous laisse énoncer nous-mêmes notre propre verdict. Elle est bien là, la grande révélation de l’Amour de Dieu : Dieu veut que l’homme soit sauvé, et il lui laisse jusqu’au bout la possibilité de choisir. Mais il est évident que plus souvent nous aurons dis « oui » à l’amour au cours de notre vie sur terre en l’exerçant vis-à-vis de nos frères, d’autant plus facilement nous saurons dire « oui » à l’Amour Divin quand nous serons face à face !  Il n’y aura pas de Procureur général pour établir la culpabilité, ni d’avocat pour détailler les circonstances atténuantes. Toute réplique sera inutile car chaque vie sera vue dans la lumière divine. Ce sera l’unique Jugement absolument clair. Nous ne devons pas le redouter : seulement, mettre en lui notre espérance comme l’ont fait les premiers chrétiens et tant d’autres générations qui ont vécu leur foi dans un monde de violence et de haine, de malheur et d’injustice.

Albert Camus écrivait à propos du Jugement de Dieu : « Je l’attends de pied ferme : j’ai connu ce qu’il y a de pire, qui est le jugement des hommes »

Frères et sœurs, vous avec qui je partage les défis et les espoirs en notre époque pas plus troublée que tant d’autres – mais portant des enjeux au moins aussi sérieux, je voulais vous redire en cette fin d’année liturgique, que le Jugement dernier tel que le proclame l’Eglise n’a pas pour objectif de nous confiner dans la terreur, mais bien de nous remobiliser pour opter pour la vie et l’amour des autres, dans la confiance en Dieu qui veut notre bonheur.

Jésus, qui nous conte cette parabole, a confirmé cette réalité par le don de sa vie. Il nous responsabilise à faire le bon choix. Car, « ce que vous avez fait pour l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! »  

Bonne fin d’année A, et déjà, bonne entrée dans la Nouvelle Année de vie que Dieu nous accorde pour nous préparer à son Royaume !

votre pasteur et frère dans la foi, Bernard Pönsgen

P.S.  À propos de « C’est à moi que vous l’avez fait » et l'absence de messe due au Covid-19  :

« Puisque la pandémie actuelle nous prive de la célébration dominicale, ne pouvons-nous pas réfléchir à l’expression « présence réelle du Christ » ? Elle est, croyons-nous, dans le pain consacré que nous mangeons, mais nous serons jugés sur la façon dont nous l’aurons reconnue dans ceux qui n’ont rien à manger. La communion sacramentelle est un foyer qui doit rayonner sur la communauté universelle de ceux qui manquent. » (R. Devillers o.p.)

« Si tu veux rencontrer un Juge miséricordieux, sois miséricordieux avant qu’il vienne. Pardonne si on t’a offensé ; donne les biens que tu possèdes en abondance…Si tu donnais de ton bien, ce serait de la générosité. Mais puisque tu donnes ce que tu tiens de Lui, c’est de la restitution… Voilà les sacrifices agréables à Dieu : miséricorde, humilité, reconnaissance, paix, charité. Si c’est cela que nous apportons, nous attendrons avec assurance l’avènement du Juge qui « jugera le monde avec justice et les peuples selon sa vérité ». ( St Augustin)

 

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Homélie messe au Sacré-Cœur à Dison, 19 juin 2020
Chers amis,          
Nous sommes rassemblés aujourd’hui en ce lieu symbolique important pour de nombreux disonais, et qui évoque à la fois un passé difficile marqué d’une épreuve collective, celle de la guerre, et une démarche de confiance d’une population qui s’en remettait à l’amour du Cœur de Jésus.
Aujourd’hui, plus de 100 ans après ces événements et cette démarche de confiance et de reconnaissance, alors que une nouvelle catastrophe frappe le monde , celle de la pandémie du Coronavirus, des croyants disséminés partout dans le monde invoquent le Sacré-Cœur à l’appel du pape, pour leurs frères souffrants.
Notre démarche d’aujourd’hui est donc, encore une nouvelle fois, une démarche de confiance et d’abandon à l’amour du Cœur de Jésus.
Qu’est-ce qui nous permet de faire cette démarche ?

 Frères et sœurs, je dois avouer qu’au début, je n’étais pas très à l’aise avec cette fête et cette notion du Cœur Sacré de Jésus, que je considérais comme dévotionnelle et sacrificielle, un peu comme le culte des saints. J’ai dû faire un travail sur moi-même, et toute une recherche, pour comprendre que cette théologie n’est pas périphérique par rapport au message évangélique, mais pourrait même être qualifiée de centrale, pour ne pas dire « au cœur » de la foi et de l’enseignement chrétien.
La difficulté est cependant celle du langage, qui reste fort celui du 18è et 19è siècles, un langage et une iconographie (représentation) qui nous paraissent aujourd’hui à la limite doucereux, d’un goût sentimental et baroque. (Il y a certaines images de Jésus d’une fadeur dégoulinante, avec des yeux de biche… Fort loin des Christs virils de l’antiquité chrétienne.)
Bon. Il ne faut pas s’arrêter à ces représentations qui traduisaient la piété d’une certaine époque. On rencontre la même difficulté quand on lit les textes de certains saints, comme sainte-Thérèse de Lisieux, qui a pourtant été déclarée « Docteur de l’Eglise » par le pape Jean-Paul II. C’est donc que derrière ce langage, il y a des enseignements solides pour notre vie de foi.
Donc, il faut aller au-delà de ce langage et de ces représentations, pour découvrir les perles cachées…
Que nous dit le Sacré-Cœur aujourd’hui ?
Retournons aux textes, et plus particulièrement à l’Evangile. Nous avons écouté ce magnifique passage de St Matthieu où Jésus s’exclame : « Venez à moi, vous tous qui peinez, apprenez de moi, prenez sur vous mon joug, il est léger et facile à porter…  Devenez mes disciples, CAR JE SUIS DOUX ET HUMBLE DE CŒUR. »
Quel est le contexte ? 
Chez Matthieu, ce passage fait suite à l’épisode où Jean-Baptiste, le cousin de Jésus, est en prison pour avoir dénoncé les turpidudes du roi Hérode. En attendant son sort, pris d’un doute, il fait poser la question à Jésus : « Es-tu vraiment le Messie qui doit venir et que j’ai annoncé, un Messie puissant et triomphant, le Juge sévère qui inaugurera la fin des temps, ou bien devons-nous en attendre un autre ? Me serais-je trompé ? »
Pour lui répondre, Jésus renvoie aux signes qu’il accomplit, et que tous peuvent voir : « les aveugles retrouvent la vue, les malades sont guéris, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres… ». Ces signes témoignent de son Cœur, et donc du Cœur de Dieu son Père qui le lui a donné. Un Cœur ouvert à la misère de son peuple. Un Cœur miséricordieux.
Cette bonté du Cœur de Jésus s’est manifestée tout au long de son ministère, mais elle se révèle encore plus dans sa Passion.
En entrant à Jérusalem monté sur un petit âne, il révèle encore quel Messie il veut être, doux et humble de Cœur. Il est acclamé par la foule, mais il sait que c’est plutôt avec la trahison, avec la violence, la souffrance, l’injustice et la mort, qu’il a rendez-vous dans les jours qui viennent.
Tout cela, il le sait.
Mais au fond de lui-même, dans son cœur d’homme où se mêlent, comme en les nôtres, tous les sentiments qu’une telle situation peut susciter - la peur, la tristesse, la déception, l’angoisse - dans son cœur, Jésus croit en son Père, il Lui fait confiance, il Lui confie son espérance, il s’abandonne à Lui. Il sait qu’il ne le décevra pas.
Et le Père sait que son Fils est passé en faisant le bien, même s’il a pris le risque, en son Nom, d’apparaître plus attentif aux pauvres qu’aux riches, aux malades qu’aux bien-portants, à ceux qui se savent pécheurs qu’à ceux qui se prétendent justes.
À travers le cœur humain de Jésus, c’est le cœur de Dieu qui a voulu montrer au monde son amour et sa miséricorde. Par la Résurrection de Jésus, le Père confirme que c’est la Compassion, le Miséricorde et l’Amour qui auront le dernier mot, contre lesquels la mort ne pourra rien.

Frères et sœurs, nous aussi, en ce jour, nous redisons au Père notre confiance, en lui remettant le monde et en nous nous remettons nous-mêmes à Lui par les mains et le Cœur de son Fils.  « Jésus, j’ai confiance en toi », est inscrit en grandes lettres sous la statue du Sacré-Cœur (prière de sainte Faustine).
Oui, les forces de la mort ne l’emporteront pas, Dieu ne veut pas que la terre ni ses habitants soient détruits, mais pour sauver ce monde, il a besoin de tous ces « petits », ces tout-petits que Jésus appelle à le suivre et à qui il a révélé les secrets du Père.
Qui sont ces petits ?
Ce sont, dit l’Evangile, ces foules nombreuses qui de partout accourent à Jésus car elles ont faim et soif de sa parole ; ce sont ceux qui ne sont pas des savants imbus de leur savoir, de leur pouvoir, mais les sans-grade, les exclus, les blessés de la vie, toutes les victimes et les laissés pour compte, les souffrants d’hier et d’aujourd’hui, qui reconnaissent en Jésus celui qui les accueille sans les juger, sans les repousser, mais au contraire les soigne, les guérit et leur donne la vie.
Sommes-nous de ces petits ? Pour eux, pour nous, Jésus annonce cette béatitude qui résume toutes les autres : « Bienheureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ! » Heureux ceux et celles qui dans leur simplicité et leur désir de vérité, dans leur engagement loyal pour la justice et pour la paix, font grandir le Royaume de l’Amour. Leur cœur bat au rythme du Cœur de Jésus, sur lequel ils sont greffés, branchés, unis. Toc, toc, toc.
La confiance à laquelle nous invite la prière au Sacré-Cœur trouve là sa pleine justification : l’amour du cœur humain de Jésus, cœur ouvert, corps livré jusqu’au dernier souffle, sang versé jusqu’à la dernière goutte, est la parfaite et définitive manifestation de l’amour divin du Cœur de Dieu.
Il a été lui-même, volontairement, un de ces « petits » que le monde méprise ou écrase, pour que nous apprenions de lui à être doux et humbles de cœur, et qu’à travers nous aujourd’hui, les hommes et les femmes puissent rencontrer son Cœur et être soulagés.

Frères et sœurs, accueillons le Seigneur pour qu’Il nous consacre dans son Amour. Tournons-nous vers Lui, vers son Cœur sacré, pour qu’Il nous consacre à son service et à celui de nos frères, spécialement en cette période difficile que nous traversons actuellement.
Confions-Lui nos soucis et nos fardeaux. Confions-Lui les angoisses de notre monde éprouvé : l’angoisse des malades isolés du Covid et celle des familles endeuillées, l’angoisse des soignants épuisés et celle des prisonniers sans visite, l’angoisse des parents démunis, des étudiants appauvris et des enfants désœuvrés, l’angoisse des gens de la rue qui cherchent de quoi se nourrir et celle des migrants qui n’osent pas se montrer parce que leurs papiers ne sont pas en règle, l’angoisse de tous ceux qui ont faim et soif d’être considérés avec dignité et d’être aidés…  
Il y a trois cents ans, alors qu’une terrible épidémie de peste ravageait Marseille et sa région, l’évêque du lieu, Mgr de Belsunce, avait exprimé la confiance de tous les chrétiens de Marseille envers le Cœur sacré de Jésus par une consécration de la ville.
Comme les paroissiens de Dison, il y a une centaine d’années en 14-18, et encore une fois au cours de la dernière guerre, se sont aussi confiés au Sacré-Cœur de Jésus, et nous sommes devant le monument qui rappelle cet acte de foi et de reconnaissance, qui porte aussi les tableaux de la tempête apaisée …
Aujourd’hui, frères et sœurs, alors qu’une autre épidémie sévit sur la planète, je voudrais vous proposer de renouveler la consécration de notre unité pastorale et de toute la ville au Sacré-Cœur. Que le virus de l’Amour et de la solidarité, de la fraternité contamine tous ses habitants, et tous les humains nos contemporains, sur notre petite maison commune de la terre.

Que l’Amour du Cœur Sacré de Jésus et Sa miséricorde nous consacre tous dans la vérité et dans la charité.  Amen.


CONSÉCRATION De notre unité pastorALE
AU SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS


Cœur aimant de Jésus,
Toi qui t’es consacré au Père par amour pour nous,
nous voulons, dans le souffle de ton Esprit Saint,
Te rendre cet amour en nous consacrant à Toi.

Nous voulons Te consacrer 
la vie de notre unité pastorale et de nos paroisses,
de notre cité et de notre terre, 
dans la situation où elles se trouvent aujourd’hui,
avec la crainte du Coronavirus 
qui frappe comme un fléau
et détruit tant de vies, de projets et d’espoirs.

Nous Te confions toutes les familles, blessées ou endeuillées,
les personnes âgées souffrant de l’isolement, 
les malades et les handicapés,
le personnel soignant dans les hôpitaux et les maisons de repos,
tous les acteurs de la santé, 
et les responsables du bien public.

Nous Te confions les jeunes si souvent désemparés, 
manquant de repères.
Nous Te confions tous ceux qui se trouvent 
aux prises avec les difficultés de la vie.

Qu’ils trouvent en Toi le courage dans les épreuves
et que notre engagement à leur côté 
leur ouvre des horizons nouveaux
en leur révélant ton dessein d’amour sur les hommes.

Nous Te confions tous les chrétiens 
qui se dépensent avec courage et générosité
dans les paroisses, les services et les mouvements, 
qu’ils ne se découragent pas
mais sachent trouver dans ton Cœur 
les ressources pour poursuivre la mission.

Nous Te confions aussi tous nos prêtres, 
le pape François et les évêques
afin que, puisant à l’amour de Ton Cœur,
ils sachent guider  le Peuple chrétien comme Toi, le Bon Berger.
Aide les à porter ton joug 
en restant toujours tes disciples, fidèles, bien-aimés 
malgré les difficultés qui peuvent les assaillir.

Nous Te confions aujourd’hui tous nos diacres, 
afin qu’en suivant l’exemple de Ton divin Cœur 
ils soient signes pour leurs frères du Christ serviteur.

Que notre Unité Pastorale, docile à Ta parole :
« Je suis venu apporter un feu sur la terre 
et combien je voudrais qu’il soit déjà allumé ! », 
soit le reflet fidèle du rayonnement de Ton Cœur
pour annoncer à tous les hommes 
l’immense amour dont Tu les aimes.

Que la Vierge Marie dont le Cœur immaculé 
est parfaitement uni au Tien
intercède pour nous.


Cœurs de Jésus et de Marie, nous avons confiance en vous !  
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 HOMELIE FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST – 14 juin 2020
« PLUS HAUT !  PLUS HAUT ! »
Savez-vous qui poussait ce cri et dans quelles circonstances ? 
Ce ne sont pas des gosses à un lâcher de ballons, ni des spectateurs lors d’une épreuve olympique de saut en hauteur :  C’étaient des catholiques dévôts, qui, vers 1200, à Paris, couraient de messe en messe pour voir l’hostie au moment de l’élévation, juste après la consécration. « PLUS HAUT, PLUS HAUT » criaient-ils du fond de l’église !
C’est la première trace qu’on a du rite de l’élévation, quand le prêtre lève l’hostie pour que les fidèles la vénèrent... A Dison, on apprend aux enfants du catéchisme à dire cette petite phrase : « Jésus, je t’aime ! ». Personnellement, je répète la parole de saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Le besoin de voir l’hostie, le Corps du Christ, de l’adorer, de le contempler, s’est développé à cette époque, en partie à cause de l’exigence de l’ « état de grâce » pour pouvoir communier.
La Fête-Dieu, fondée en 1264 par le pape Urbain IV a été une réponse à cette aspiration des catholiques de « voir l’Hostie », « voir Dieu ».
Elle est née à la suite des visions de Ste Julienne de Mont-Cornillon, une mystique du 13è siècle. Elle vit à plusieurs reprise une lune rayonnante de lumière mais incomplète, avec une bande noire la divisant en deux parties égales.
Elle finit par comprendre cette lune tronquée comme l’absence d’une fête liturgique au milieu de l’Eglise pour honorer le Saint Sacrement.
La fête, partie de la Collégiale Saint-Martin de Liège, se répandit peu à peu et pris de l’ampleur, mais c’est un ancien archidiacre de Liège, Jacques Pantaléon, devenu pape sous le nom d’Urbain IV, qui a donc probablement connu Julienne et qui a réalisé son rêve en instaurant cette fête à Rome et dans le monde entier. 
Voilà pour l’histoire.
Il est à noter que le Pape n’a pas établi la Fête pour exposer en évidence le Saint Sacrement, ni pour le porter en procession. Ni la bulle d’institution, ni l’office créé par St Thomas d’Aquin ne parlent de ces solennelles démonstrations envers l’hostie.
=>Il y est seulement question d’une « mémoire » « plus particulière et plus solennelle » « d’un si grand sacrement », mémoire dans laquelle le Peuple de Dieu est invité à laisser déborder sa joie et son action de grâces dans la messe associée à cette fête.
RENDRE GRÂCE !   C’est bien pour cela que nous sommes ici ce dimanche ! Pour ce CADEAU inestimable de la Présence Eucharistique. Présence du Christ en son CORPS.
Nous avons été énormément frustrés, durant ces longs mois de confinement :
-églises fermées, ou légèrement entrouvertes vers la fin ;
-messes supprimées,
-plus d’assemblée, plus de chant, plus de prières en commun,
-et surtout, plus de COMMUNION  !
=Juste des vidéos ou des « messes télévisées » pour sanctifier malgré tout le dimanche, et nourrir sa foi.
 Mais le plus dur sans doute fut pour tous, catholiques ou non, le manque de relation sociale.
C’EST BIEN DE PRESENCE DONT NOUS AVONS SURTOUT MANQUE ! 
QUEL DESERT !  Comme celui où les Hébreux ont erré jadis, privés des soutiens habituels, essentiels : nourriture, boisson, orientation (sens de la vie).  Et les scorpions, comme pour nous le coronavirus, leur ont mené la vie dure.  …S’ils n’avaient eu la Manne….. et la PRESENCE de celui qui la donnait…
… et aujourd’hui qu’on a pu enfin reprendre le chemin de nos églises,
qu’est-ce qu’on trouve ?
Des églises où on ne peut plus circuler comme on veut,
où des panneaux, des rubans, des « point verts »  délimitent nos places ou bien indiquent les intervalles obligatoires entre nous dans les allées...
Nous devons rester masqués, un peu comme des voleurs, comme si nous avions besoin de nous cacher les uns des autres,
garder nos distances, mesurées très précisément, en évitant de nous croiser… Ne pas se toucher, surtout. Pas de baiser de paix, pas de poignée de main fraternelle…
Oui, nous avons pu retrouver nos célébrations si chères,
=>Mais qui, nous le sentons bien,  sont comme tronquées, déformées.
Nous sentons bien qu’il manquera quelque chose à nos assemblées et donc à nos célébrations tant que les mesures actuelles - et nécessaires – ne seront pas levées. Un peu comme cette bande noire qui masquait en partie la lune dans la vision de Julienne de Cornillon… TANT IL EST VRAI QUE NOUS AVONS BESOIN DE PRESENCE, ET DONC DE CONTACT, AVEC CEUX ET CELLES QUI AVEC NOUS COMPOSENT LE CORPS VIVANT DU CHRIST, LA FAMILLE DE DIEU.
Une famille qui ne se voit pas, ne se rencontre pas, ne se touche pas, n’est plus une famille !
Il faudra sans doute encore pas mal de patience, de compréhension, de sens des responsabilité et de solidarité chrétienne…    d’ ESPRIT de CORPS, oserai-je dire.
Oui, il faudra encore du temps, et aussi la Foi qui animait les fils d’Israël, malgré les doutes qui les assaillaient dans le désert, la Foi de Julienne qui, ressentant le manque, le vide dans la vie des chrétiens de son temps, dans la vie de son Eglise, a compris à travers ses visions qu’il fallait une nouvelle fête pour RENDRE GRÂCE et REAPPRENDRE A VIVRE LA PRESENCE DE DIEU.
 RENDRE GRÂCE !  Frères et sœurs, si durant ces longues semaines, ces mois de confinement, nous avons-nous aussi connu le manque et la privation, non pas de nourriture, mais de PRESENCE, de RENCONTRE, qu’elle soit Eucharistique ou Fraternelle,
=>n’est-ce pas pour que nous prenions davantage conscience du CADEAU qu’est la PRESENCE, celle que nous recevons à travers la Communion eucharistique, mais aussi au travers de nos frères les chrétiens, et qu’auparavant peut-être nous ne vivions pas à sa juste valeur ?  De façon mécanique ou consumériste ?
CADEAU qu’à notre tour nous pouvons offrir à d’autres par notre qualité de PRESENCE, en « faisant corps » avec eux.

Tout à l'heure, en présentant l'hostie à ceux qui viendront communier, je prononcerai ces simples mots: « Le Corps du Christ ».
Et vous répondrez par ce simple mot : « Amen ».
Amen: oui, Seigneur, je le sais, je le crois, j’ai confiance.
C'est ton corps qui vient en mon corps pour me transformer, me faire vivre en toi. - en étant PRESENT à Toi comme tu es PRESENCE en moi, cadeau que je ne puis garder pour moi seul, mais que je veux, je dois partager à mes frères
 
Au-delà de la routine, au-delà de l'habitude des gestes et des mots, au-delà des entraves encore actuelles du déconfinement, essayons de prendre aujourd'hui toute la mesure du don qui nous est fait :  
=>Dieu vient vivre en nous, nous sommes vivants en Dieu.  Pour FAIRE CORPS, tous ENSEMBLE, dans le CHRIST. 
Alors, « PLUS HAUT » ?
OUI, Plus haut, encore plus haut, et plus large, PLUS PROFOND !
Que le monde puisse voir a travers nous la presence de dieu !  Amen.