HOMELIE FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST (6 juin 2021)
Celui qui aime, désire être le plus proche
possible de celui ou celle qu'il aime.
Ainsi est Dieu. Il nous aime et il a désiré être le plus
proche possible de chacun et chacune de nous.
Dieu aurait pu se contenter de se montrer et
de venir près de nous dans sa création, à travers la beauté de la nature. Et
il l'a fait.
Il aurait pu se contenter aussi, et il
l'a fait, de nous adresser sa Parole par les prophètes: il a envoyé des hommes qui ont parlé de lui
et de sa part.
Et nous avons senti que Dieu était proche,
puisqu'il nous adressait la Parole.
Mais Dieu ne s'est pas contenté de créer le ciel et la terre, même pas de
nous envoyer des hommes, il a voulu venir lui-même, en personne.
Et il a envoyé son Fils, pour qu'il soit le
plus proche possible de nous, qu'il soit semblable à nous et qu'il prenne notre
corps.
Pour que Dieu puisse nous toucher par ses
mains, nous imposer les mains, nous parler par sa bouche, nous embrasser comme
Jésus l'a fait avec les petits enfants.
Pour être vraiment proche de nous, Dieu
descend jusqu'à notre niveau.
=> C'est un amour réaliste.
Mais Jésus est parti. Il a disparu dans son
humanité, nous ne le voyons plus.
Jésus aurait pu se contenter de dire: "Mais ils ont les Evangiles, mes
paroles, mes paraboles, les récits des apôtres... Qu'ils se contentent de
cela!".
Ce n'est pas son genre, à Jésus, Dieu, de
venir par autre chose, un livre, des paroles, ou un souvenir.
Jésus a voulu rester avec nous lui-même, dans
l'Eucharistie; lui-même personnellement, avec tout son être, toute sa présence,
pour qu'il puisse continuer à nous toucher, pour qu'il puisse entrer en nous,
puisque nous le mangeons.
Pour être toujours avec nous.
=> C'est un amour durable.
Jésus est donc si proche que, sous la forme
du pain et du vin, il entre en nous. On ne peut pas être plus proche que cela.
Et il est en nous entièrement, corps et âme,
divinité et humanité.
L'Eucharistie
n'est pas quelque chose de Jésus, c'est Jésus lui-même.
D'ailleurs, si Jésus avait dit: "Je vais vous donner quelque chose de
moi, un souvenir, un objet", les Juifs n'auraient jamais protesté. Ils auraient dit: "Oui, Seigneur, c'est
bon de nous faire un petit cadeau".
Mais ils ont protesté, ils ont dit: "Comment cet homme peut-il nous donner
sa chair?" Ils ont très bien compris que Jésus voulait
donner beaucoup plus qu'un objet ou un petit cadeau. D'ailleurs, beaucoup sont partis; même
Pierre et les 11 autres ont voulu partir...
=> C'est un amour personnel et total.
Chers amis,
Dans une semaine, dans quelques jours, les
mesures de sécurité restreignant le nombre de participants à nos eucharisties
vont être assouplies.
On pourra à nouveau participer à la messe quand
on veut et comme on veut, ou à peu près.
Je me demande :
Cette
privation d’eucharistie, subie, endurée durant des mois et des mois, qu’est-ce
qu’elle aura eu pour effet sur nous les chrétiens, les disciples du Christ ?
-N’aurons-nous souffert que du manque de
contacts sociaux auxquels nous étions habitués en venant habituellement à la messe ?
L’absence de communauté ?
-Aurons-nous été juste dérangés dans nos
habitudes, un peu comme quand on a attendu un bus qui n’est pas passé ; et
que finalement on a pu combler ce temps du dimanche matin ou du samedi soir en
faisant autre chose ?
-Et si un certain manque spirituel s’est
fait sentir, avons-nous cherché comment nous pourrions le combler,
soit en cherchant des lieux où il y avait encore
possibilité d’avoir une place à l’église,
soit en regardant une messe à la télévision
et en demandant au prêtre, diacre ou autre personne de nous rapporter la communion,
soit en prenant un temps de prière au moment
de l’eucharistie et en méditant la Parole…. ?
Ou bien n’avons-nous simplement rien fait ........?
Oui, quel est l’impact de ce confinement
sur notre façon de vivre désormais l’eucharistie ?
Avons-nous
eu faim, réellement faim de Jésus, le Pain de vie ?
J’ai peur que beaucoup ne retrouvent pas le
chemin de la messe après la Pandémie. Ils auront choisi simplement la facilité, une
habitude qui tombe, voilà tout.
Si la branche tombe, c’est qu’elle était
déjà morte depuis un certain temps.
D’autres heureusement ont gardé vivante la
flamme et le désir, envers et contre tout,
et seront heureux de retrouver à la fois
leur communauté et ce cadeau inestimable et irremplaçable de l’Eucharistie.
Je voudrais
ici remercier très chaleureusement tous ceux et celles qui se sont décarcassés
pour garder le flambeau allumé, et permettre grâce à leur dévouement que la
sainte Messe ait lieu dans nos églises afin que les paroissiens qui le
pouvaient (et le voulaient) puissent y participer le mieux possible.
Merci à ceux qui ont tenu les permanences
téléphoniques pour inscrire les gens, sacrifiant leur temps et leur vie
familiale… !
Merci à ceux qui ont maintenu dans des
conditions difficiles l’animation liturgique et musicale, préparant les chants,
produisant les feuillets, fleurissant les autels et les statues… !
Merci à ceux qui, organisant l’accueil, veillaient
en même temps à la sécurité et se débrouillaient pour que les églises soient
ouvertes, propres et chauffées, les chaises désinfectées, les informations
communiquées… !
Beaucoup y ont mis plus que de la bonne
volonté. Nous leur devons de la reconnaissance.
Cependant… aurons-nous tiré les leçons
de ce Grand Jeûne eucharistique que nous a imposé le Coronavirus ? Est-ce que nous, les chrétiens, nous aurons
mieux compris l’importance de l’Eucharistie pour notre vie et celle de l’Eglise ?
: Il n’est pas exclu que d’autres situations de
catastrophe collective arrivent à nouveau à l’avenir. C’est même probable. Il y en a toujours eu
dans l’histoire.
Mais
toujours, l’Eucharistie a été célébrée, dans des conditions parfois extrêmement
dures comme dans les camps de concentration, dans des pays où régnaient des
famines ou la guerre… dans les goulags soviétiques, les prisons communistes
vietnamiennes ou chinoises, ou lors des génocides, des exils ou des
déportations…
Une pandémie comme nous venons de connaître a
eu en plus ce côté pervers que se rassembler -ce qui est le propre de la messe-
était vecteur de mort pour ceux qui viennent pour recevoir la Vie ! Ce fut extrêmement dur de choisir de ne pas
célébrer pour préserver la vie d’autres personnes qui pouvaient être
contaminées directement ou par ricochet.
Les évêques qui ont invité les fidèles à
respecter les mesures de confinement et à s’abstenir un certain temps de vivre
la messe ont dû faire un choix courageux et difficile. Je crois que Jésus l’aurait
approuvé.
Moi, en tout cas, ça m’a aidé à retrouver l’essentiel
de l’eucharistie.
Dans les camps de concentration, il n’y
avait ni chants, ni fleurs, ni beaux vêtements liturgiques… à peine un tout
petit bout de pain moisi et de raisin mûri…
Dans les goulags, il n’y avait pas de sièges
confortables dans des églises chauffées… Pas de sonos ni de projection de
vidéos… Pas de panneau de carême ou d’avent artistiquement décoré…
Chez les chrétiens persécutés se réunissant
subrepticement pour une messe secrète, il n’y avait pas d’envie de papoter avec
son voisin ou sa voisine pendant que le prêtre célébrait, ou de penser à ses
courses à faire pour le dîner…
…Il n’y
avait rien, rien de tout ce à quoi parfois nous attachons tellement d’importance
au cours de nos célébrations !
=>Tellement d’importance parfois que cela
nous stresse si tout n’es pas pile poil comme nous nous y attendions, comme
nous croyons que cela doit être… Et qu’on se prend même la tête à cause d’une
remarque de l’un ou l’autre qui a remarqué le détail qui manque ou la
fausse note!
Je pense que tout cela est certes utile -fort
utile parfois, ajoutant de l’agrément, de la beauté, du confort ;
facilitant pour les fidèles qui trouvent tout prêt quand ils arrivent (et qui
ne se demandent souvent même pas comment et par qui tout s’est mis en place)….
Oui, l’usage de la technologie est un plus,
certes ; l’agencement d’une église pour qu’elle soit belle et accueillante
pour ceux qui viennent à la messe est une chose importante, sans conteste.
Mais le PRINCIPAL
n’est-il pas finalement dans ce que rien ni personne ne peut nous enlever :
communier au Christ qui se donne à nous dans le Pain de vie et dans sa Parole ?
La Rencontre avec le Christ dans l’Eucharistie
ne dépend pas non plus de la qualité du prêtre ou de son homélie ; il peut
être moche, pauvre et inculte, mais il rend Dieu présent dans le pain et le
vin, et c’est cela qui compte ! Une messe de camp sur une table de brelages
vaut le plus bel autel du monde !
Jésus est là dans le pain et le vin
eucharistique, d'une manière mystérieuse et réelle.
=>Si le confinement nous a au
moins appris cela, il n’aura pas que servi à rien !
L'Eglise n'a jamais cessé pendant 20 siècles
de nous l'affirmer, même si toujours au cours des siècles, cela a été dur à
croire.
L'Eglise n'a jamais cessé de le dire. A nous
d’en vivre maintenant, jour après jour, semaine après semaine, pour réaliser la
belle parole de St Augustin, si forte et si interpellante :
« chrétien,
deviens ce que tu as reçu ». Amen !
abbé Bernard Pönsgen