EDITO : "...Et pourtant, il faudra bien un jour se réconcilier !"
Le mois de mai, dans la foulée de Pâques, est dans la mémoire collective celui « du blanc » : blancheur des baptêmes, des communions ou professions de foi, des jeunes mariées… et même de la fête des mamans. Sans oublier, bien sûr, le « mois de Marie », la Vierge immaculée.
Cette blancheur est évoquée dans les évangiles
de la Résurrection : « et elle (Marie Madeleine) vit deux anges vêtus
de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l'un à la
tête, l'autre aux pieds. » (Jean 20,12)
C’est la blancheur des commencements,
comme une page vierge. Si le blanc représente pour beaucoup de chrétiens la
pureté, il signifie également la nouveauté. Repartir à zéro. D’un être vieilli,
abîmé, souillé peut-être, redevenir un être neuf à l’image de Jésus Christ.
Tout nouveau ! C’est la grâce pascale qui est offerte à tous, au
travers des sacrements comme le baptême bien entendu -et qui est manifestée par
le « vêtement blanc »-, mais pas seulement. Tout le temps de Pâques
jusqu’à la Pentecôte retentit de cet appel à accueillir ce renouvellement total
dans la Foi.
Le dimanche qui suit celui de Pâques, jadis appelé « in albis » parce que les baptisés de Pâques y rendaient leur habit blanc, est maintenant nommé « dimanche de la Divine Miséricorde », fête instituée par le pape Jean-Paul II le 30 avril 2000 lors de la canonisation de sœur Faustine Kowalska, une mystique polonaise à qui Jésus a demandé que ce jour soit consacré à la Miséricorde de Dieu. Le jour choisi pour cette fête montre le rapport étroit entre Pâques et la Miséricorde.
Nous rendons-nous bien compte qu’en
ressuscitant son Fils Jésus, Dieu pardonnait aux hommes tout le mal qu’ils lui
ont fait et leur péché ? C’est tellement énorme ! Du coup, il ouvrait
une source de pardon qui ne pourra plus jamais être tarie. Les apparitions du
Ressuscité aux disciples manifestent ce Don perpétuel : « La paix
soit avec vous » (Jn 20,21) « Recevez l’Esprit Saint. À qui
vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; à qui vous maintiendrez
ses péchés, ils seront maintenus. » (Jn 20,22-23)
Depuis Pâques, nous sommes dépositaires pour toute l’humanité du pardon, de la Miséricorde ! Le Seigneur nous confie là une responsabilité immense. À quoi cela nous appelle-t-il aujourd’hui ?
D’abord, comme le soulignait un membre
de notre groupe de partage, à savoir se pardonner à soi-même : Nous
traînons parfois des gros sacs de regrets et de culpabilité, par rapport à une mauvaise
image de soi par exemple. Il s’agit de lâcher ces regrets (« la paix soit
avec vous ») en se laissant aimer inconditionnellement par Dieu pour qui
chacun est et reste toujours aimable. Le sacrement de la Réconciliation peut nous
être d’une aide précieuse à ce stade.
Ensuite, d’un cœur libéré, il nous faut « remettre les péchés les uns aux autres ». On réduit souvent cet ordre à ce que les prêtres doivent offrir le Pardon de Dieu aux pénitents qui se confessent. Je pense que l’invitation de Jésus dépasse largement ce cadre sacramentel : Premièrement, nous avons tous reçu l’Esprit Saint, lors de notre baptême et de notre confirmation ; c’est donc une mission de toute l’Eglise et de chacun. Deuxièmement, il s’agit de ne pas « maintenir les péchés » aux autres qui nous ont blessés (volontairement ou involontairement), en les étiquetant-cataloguant, en gardant rancune, en nourrissant de la rancœur à leur sujet. La phrase de Jésus « celui à qui vous maintiendrez ses péchés ils lui seront maintenus » appelle pour moi à prendre garde à notre responsabilité : si je ne pardonne pas « de tout mon cœur » (cf Mt 18,35) à mon frère qui m’a fait mal, je lui colle sur la tête un péché non effacé (comme on entend dire parfois : « Je pardonne, mais je n’oublie pas ! »).
Et, pour finir, en pratiquant largement
la Miséricorde reçue de Dieu envers tous ceux que nous rencontrons, nous
entrerons dans une spirale de la bienveillance, du respect et de la douceur
qui devient contagieuse au point de s’étendre de proche en proche au monde
entier : C’est, je crois, le projet inscrit au cœur des paroles et des
gestes du Christ lors de ses apparitions pascales. Casser la spirale du péché,
de la haine et de la violence en la remplaçant par la spirale de l’amour et de
la Miséricorde. Si le mal est contagieux, l’amour l’est aussi, et désarme le
premier. La guerre doit finir.
Si nous n’avons pas prise sur le conflit
qui se déroule en ce moment en Ukraine et qui déploie ses atrocités, nous
pouvons cependant apporter chacun quelque chose d’unique et d’irremplaçable :
mettre la Miséricorde divine au cœur de nos relations pour qu’elle s’étende au
monde entier. Un jour, il faudra bien se réconcilier, les occidentaux avec les
Russes, et les Russes avec les Ukrainiens. Comme l’ont fait les Européens et les
Allemands. Les Hutus et les Tutsis rwandais. Les Noirs et les blancs
sud-africains. Parce que sans réconciliation, il n’y a pas d’avenir, et on ne
peut pas voler leur avenir aux enfants.
La Paix soit avec vous !
Bernard P.