Assomption de la Vierge Marie : "La première en chemin"
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
FÊTE DE L’ASSOMPTION DE LA VIERGE
MARIE - HOMELIE
On aurait sans doute envie de dire
que cette année, la fête du quinze août est une fête bien triste… Les
inondations, les sinistrés, le Covid… Vraiment, pas de quoi se réjouir !
Et pourtant, en ce jour de
l’Assomption, Marie peut nous apprendre une qualité dont nous avons bien
besoin, tous, aujourd’hui : la résilience.
Résilience, le terme est à la mode, cela désigne la capacité de surmonter les
difficultés ou les graves coups du sort. C’est un peu comme un ressort
intérieur qu’on ferait fonctionner quand une catastrophe survient qui
menace de nous écraser, et qu’ainsi, au lieu de laisser tomber les bras et de
sombrer dans la dépression et l’apathie, on « rebondit » en quelque
sorte en mettant en œuvre un certain nombre de capacités à faire face et à
affronter les problèmes et les difficultés, les drames et les pertes, les
deuils…
Un psychologue interrogé à la
radio à propos des récents événements et du rapport du GIEC sur le
réchauffement climatique et ses conséquences futures, disait que ce
dont l’humanité aura le plus besoin dans les années à venir, ce
sera justement de développer la résilience ainsi que la solidarité.
Par exemple, un témoignage raconte
qu’un habitant de Haïti, île qui a été dévastée par un terrible tremblement de
terre le 12 janvier 2010, cet habitant - appelons-le Émile, a été résilient : Après le choc initial où il a perdu sa maison
et toute sa famille, il ne s’est pas effondré, il a survécu, il s’est relevé,
et il a su mettre en place des actions lui permettant de reconstruire sa
vie. Ainsi, il s’est rendu à son travail pour demander
qu’on lui donne un des tapis en réserve pour pouvoir construire un abri
temporaire et faire face à la perte de sa maison. Malgré sa peur des répliques, il retourne très vite au travail, parce
que, comme il dit : « [il] n’avait pas le choix, [il] devait payer
l’enterrement de [son] fils et nourrir ce qui restait de [sa]
famille ». (Vertigo, Hors-série 30, mai 2018 :
« La résilience à l’épreuve du terrain »).
Émile s’est aussi appuyé sur sa foi pour dépasser le
décès de ses proches, et sur le sens communautaire très développé chez les
haïtiens : En Haïti, les gens se soutiennent mutuellement et il semble
bien que cela joue un grand rôle dans la capacité du peuple à résister, à se
relever, à créer chaque jour à partir de rien (Joseph et Derivois,
2016). On sait évidemment que le soutien social est
important pour aider les victimes d’une catastrophe à surmonter leurs
traumatismes. Des liens sociaux solides et étayants sont indispensables pour
aider à co-panser les blessures multiples causées par l’événement.
Bon,
très bien, mais ce n’est pas donné à tout le monde, cette résilience ! En
effet. Si certaines personnes, après un temps normal de sidération,
« rebondissent » quand le malheur les frappe, d’autres ne parviennent
pas à surmonter et se laissent finalement couler.
La capacité de résilience serait
donc inégalement répartie chez les humains. Pourtant, elle semble
exister en potentialité dans l’ensemble de l’humanité qui au cours des
âges a traversé catastrophe sur catastrophe, guerres, famines, épidémies de
toutes sortes, et qui a su malgré tout transmettre le flambeau de la vie, en
cherchant sans cesse à améliorer ses conditions…
Il y aurait donc une
capacité latente chez l’homme à relever la tête dans les
épreuves.
D’accord, mais comment
l’actionner quand on est submergé par le malheur ? Surtout, si on
manque de ces liens sociaux et de ces soutiens si précieux pour amortir les
chocs et espérer en un avenir meilleur ?
Alors, il faut savoir que ces capacités à faire
face ne sont pas activées automatiquement. Elles sont mises en
œuvre par chaque personne en fonction des circonstances, mais aussi au
fil du temps et de leur histoire personnelle : L’activation des capacités
à faire face s’appuie sur des compétences, des savoirs, des ressources
qui sont acquis en amont, au cours de l’enfance et de l’adolescence, et qui ont
déjà permis de développer des stratégies mentales de résistance et de
résilience. Pour être clair, les petites crises vécues au cours de la
construction personnelle permettent si elles sont bien résolues, de trouver des
réponses adéquates lors des grosses crises futures.
Pour établir le parallèle avec Marie et
ce que nous savons de son histoire, qui n’est pas différente des nôtres
en cela qu’elle n’a pas été exempte de crises et de défis : le fait de
se retrouver enceinte avant le mariage ; les doutes de Joseph envisageant
de la répudier ; la naissance de son fils en voyage dans des conditions
pénibles ; la menace de mort par Hérode qui oblige le couple et l’enfant à
peine né à émigrer en pays étranger ; le retour à Nazareth sous le regard
des voisins ; un enfant ‘différent’ à élever ; le même enfant devenu
grand qui prêche des discours qui ne plaisent pas aux autorités et qui
inquiètent sa famille… Et enfin, le drame total de la croix sur laquelle son
fils meurt honteusement… , je pense qu’on peut affirmer que SI MARIE A PU
SURMONTER CES CRISES ET SURVIVRE, CE N’EST QUE GRÂCE A SON « FIAT »,
SON OUI à TOUT CE QUE DIEU LUI PROPOSAIT DEPUIS QU’ELLE ÉTAIT TOUTE PETITE.
Au fil de sa croissance et des événements, Marie,
toute donnée à Dieu, a pu ainsi expérimenter profondément un chemin de
confiance, par lequel l’Esprit Saint pouvait l’habiter et
l’inspirer pour répondre adéquatement à ces situations qui auraient eu de quoi
déstabiliser et démolir n’importe qui d’autre.
Tout cela, en reconnaissant et en acceptant sa
vulnérabilité et sa petitesse, première condition pour que la résilience puisse
se construire.
« Il s’est penché sur son humble,
sa petite servante de rien du tout », chante Marie
dans son Magnificat.
Je suis certain que Marie peut nous aider nous
aussi à faire cet apprentissage de la résilience, en nous suggérant le même
chemin de foi et d’abandon à la grâce d’en-haut. Cependant, il serait faux de
croire que cette résilience de Marie est faite de passivité béate : Bien
au contraire, comme nous le voyons dans l’extrait d’évangile de ce jour, celui
de la Visitation, à peine reçue l’annonce de l’ange et répondu par son Fiat, son
« oui » inconditionnel, Marie, poussée par l’Esprit, court
« avec empressement » par delà la montagnes vers sa cousine
Elisabeth, enceinte comme elle, pour l’assister jusqu’à la naissance et
partager avec elle la grâce spirituelle reçue.
Autrement dit, en cherchant autour de soi quelqu’un
à aider, nous renforçons notre résilience mutuelle. L’exemple de la rencontre
de Marie et Elisabeth est tellement frappant, que l’Esprit Saint communiqué par
la présence du Christ, en faisant tressaillir le futur Jean-Baptiste dans le
ventre de sa maman, cet Esprit fait s’écrier de joie et de reconnaissance
Elisabeth puis Marie qui entonne son « Magnificat » à Dieu.
Quelle meilleure prière pouvons-nous faire que
de reprendre ces paroles si fortes de Marie, lorsque nous nous sentons écrasés
par le destin, que l’avenir semble tellement sombre que nous n’entrevoyons plus
d’espoir ?
« Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux
qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il
renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de
biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son
serviteur, il se souvient de son amour… »
En ce jour de l'Assomption,
nous célébrons ce mystère où Jésus associe déjà sa mère à la propre gloire de
sa résurrection. La Vierge Marie nous apparait comme un signe
d'espérance et un modèle de résilience. Comme Marie, nos vies connaissent
les souffrances de toute sorte, physiques, morales, psychologiques,
relationnelles. Mais comme elle, nous poursuivons notre marche. Marie nous
montre, dans son Assomption, que la mort n'est pas le dernier mot désespérant
de la vie, mais que, par la mort de Jésus, et l’acceptation de toutes nos
petites morts, nos deuils transfigurés dans l’Amour, nous entrons dans le
mystère de sa résurrection pour une vie nouvelle qui n'aura pas de fin.
AMEN.
« La résilience c’est bâtir sa confiance en soi, avoir des buts clairs, être flexible face aux changements, avoir une pratique spirituelle méditative, faire le bien autour de soi, essayer d’être reconnaissant pour ce que l’on a plutôt que se plaindre de ce que l’on n’a pas…" (Cécile Moreschi, Présence Mariste n°298, janvier 2019)
Cette résilience devant les difficultés, cette capacité à rebondir et à créer du neuf, ce n’est pas l’apanage du chrétien…
C’est le lot d’une multitude d’hommes qui font le choix de résister au courant qui semble nous emporter irrémédiablement vers la destruction. Les exemples de cette résilience abondent autour de nous.
« Personne ne peut retourner en arrière, mais tout le monde peut aller de l’avant. Et demain quand le soleil se lèvera il suffira de se répéter : Je vais regarder cette journée comme si c’était la première de ma vie » (Paulo Coelho, écrivain brésilien).
L’idée c’est d’avoir constamment quelque chose en ligne de mire pour nous forcer à aller de l’avant, à progresser.
« Le malheur n’est pas une destinée, rien n’est irrémédiablement inscrit, on peut toujours s’en sortir » (Boris Cyrulnik, psychiatre). « Ensemble ! », ajouterait Pierre Rapsat.