"Sortir de la légèreté" : Le père Pierre de Charentenay sj, ancien rédacteur en chef de la revue Études, apporte son éclairage sur la crise sanitaire actuelle et invite à “reconsidérer la légèreté de nos existences” pour nous préparer sérieusement à faire face à la crise climatique à venir. (Lire article sous l'éditorial)
Chers paroissiens de notre Unité du Sacré-Cœur,
Au terme de cette année qui aura été marquée par la
pandémie, le
Saint Père nous conviait à une semaine Laudato Si’ du 16 au 24 mai 2021 pour
achever cette année et nous inviter à ne pas négliger les questions qui touchent
au respect de la Création et qui s’avèrent de plus en plus urgentes. Le
mouvement mondial « Youth for climat » (les jeunes pour le climat) témoigne d’une
prise de conscience de la jeunesse autour de ces thèmes dont dépend l’avenir de
l’humanité – leur avenir. Ces jeunes qui s’engagent concrètement pour un
changement, nous interpellent aussi sur notre mode de vie et de consommation.
On ne peut que les en féliciter …et en prendre de la graine !
La démarche de carême « 40 jours pour changer »
initiée dans notre Doyenné en collaboration avec les communautés protestantes
de la rue Laoureux et de Hodimont, se voulait une réponse concrète à l’appel du
Pape afin d’intégrer dans tous les domaines de notre vie personnelle, familiale
et communautaire ce souci de la Maison commune. Le partage d’expériences au
travers de nombreuses capsules vidéo nous invitait à stimuler notre imagination
pour réinventer nos modes de vie. En plus de nous rapprocher, chrétiens de
différentes sensibilités et de lieux divers, ce partage nous a inoculé un
souffle de changement et d’espérance !
Dans une capsule vidéo récapitulative, la pasteure Heike Sonnen nous
offre un résumé des meilleurs moments de ce parcours commun : https://youtu.be/5D6qQp7JGoc
Poursuivons ces efforts, chacun et tous ensemble, dans tous nos
milieux de vie avec la force et l’inspiration de l’Esprit de Pentecôte ;
vous
trouverez ici des « propositions pour protéger la terre », ainsi qu’une
liste de « bonnes adresses ». Pour ceux qui
n’ont pas l’internet, ces documents seront disponibles à l’entrée des églises.
Commençons mes amis par nous tourner ensemble vers le Seigneur,
source de tout bien et qui nous confie la Création ; une messe spéciale
à cette intention, mais aussi pour demander la fin de la pandémie, sera
célébrée en plein air le vendredi 11 juin à 18h au Sacré-Cœur de Dison
(rue Ma campagne) – on vous le rappellera. En attendant, je vous propose de
prier avec ces passages de la prière du Pape François :
« Dieu qui nous aime,
Créateur du ciel, de la terre et de tout
ce qui s’y trouve,
Tu nous as fait à ton image et tu as fait
de nous les bergers de toute la création. […]
Puissions-nous aider ceux qui sont dans le
besoin à trouver la nourriture et les ressources qui leur sont nécessaires.
Sois présent pour les plus démunis en ces
temps difficiles, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables.
Délivre-nous de nos peurs et de nos
sentiments d’isolement et transforme-les en espoir et en fraternité, afin que
nous puissions tous connaître une véritable conversion du cœur.
Aide-nous à nous montrer créatifs et
solidaires alors que nous faisons face aux conséquences de cette pandémie
mondiale. Donne-nous le courage d’accepter les changements dont nous
avons besoin dans notre recherche du bien commun.
[…] Que les souffrances actuelles
soient les douleurs d’une naissance d’un monde plus fraternel et durable.
Nous t’en prions par le Christ, notre
Seigneur. Amen »
COMMUNICATIONS :
- à partir du 9 juin,
en principe, les assemblées du culte pourront accueillir 100 personnes :
il ne sera donc plus nécessaire de s’inscrire. Par contre, les mesures de
distanciation, les masques et le gel restent obligatoires et on recommande une
saine prudence. Les réunions pourront avoir lieu dans les mêmes conditions.
Je remercie au nom de
l’équipe pastorale de l’Unité tous les paroissiens et paroissiennes des efforts
qu’ils ont consentis pour respecter les conditions sanitaires et ainsi protéger
la santé de tous. Merci également aux
responsables des Fabriques d’église et
des équipes paroissiales
pour leur excellente collaboration. Continuons à porter le souci de tous ceux
que cette pandémie a impactés et restons vigilants pour leur venir en aide et
réconforter ceux qui sont découragés.
– Durant les mois de
juillet et août, pour compenser un peu la
privation d’eucharistie à laquelle beaucoup ont été contraints, et pour aider
ceux qui avaient peur de la contagion à retrouver le chemin de l’église et de
la communauté, nous avons décidé de ne pas réduire cette année l’horaire de
vacances en allégeant le nombre de messes comme nous le faisions depuis deux ans :
C’est donc l’horaire habituel qui continuera à s’appliquer,
en intégrant aussi Saint-Roch où les travaux seront achevés. Vous pourrez
consulter cet horaire sur le blog ou la feuille dominicale, ainsi que sur
MessesInfo.be.
Bernard Pönsgen, curé
Sortir de la légèreté
Pierre de Charentenay sj
On pouvait tout faire, prendre l’avion pour aller trois jours aux Maldives, commander sur Internet n’importe quel plat ou n’importe quel instrument, manger des fraises en janvier, visiter toutes les capitales d’Europe, et fêter le mariage de son cousin d’Amérique à Honolulu, etc. C’était le temps de la liberté totale, faire ce que je veux quand je veux, sans contrainte, y compris celle de mourir quand je l’ai décidé.
C’était le temps de la légèreté, où tout est possible sans limite grâce à la puissance de la technique qui avait supprimé les barrières.
Mettre des Limites
Eh bien, non. Ce n’est pas la vie réelle, même si nous en avions rêvé. Il n’y a pas de monde sans limite. Le coronavirus nous le rappelle de manière si violente [1] qu’il faut réagir en prenant des mesures extrêmes et immédiates. Imagine-t-on 4 milliards de personnes confinées ! Imagine-t-on notre espace personnel cloisonné par “des gestes barrières” pendant des semaines !
La crise climatique nous dit la même chose mais autrement [2]. Il faut mettre des limites à nos voyages, à notre consommation, à nos productions !
La différence entre les deux est que nous avons compris, peut-être un peu tard, que le virus nous mettait en danger de mort immédiate, ce que nous ne pouvons pas supporter. Donc, on agit, “quoi qu’il en coûte” ! Alors que la crise climatique se déroule sur un moyen terme qui nous laisse le temps de discuter, de polémiquer, en un sens de ne rien faire qui nous dérange sérieusement. Nous ne voulons pas entendre l’avertissement de la crise écologique parce que les délais sont longs et l’urgence moindre.
Ces deux catastrophes, sous des modes différents, nous font entrer dans le monde des contraintes. On avait oublié qu’elles pouvaient exister, emportés et grisés par tout ce que nous avions inventé, qui nous rend la vie si facile, quand tout va bien. Il a bien fallu obéir et rester confinés, encore que, on a tout essayé et parfois réussi à éviter la contrainte, même au temps du virus et de l’urgence absolu : un million de parisiens ont décidé qu’ils seraient plus forts et plus libres en s’enfuyant dans leur résidence secondaire.
L’agent pathogène : pas le virus, l’homme !
Demain, nous ne changerons pas du tout au tout. Je n’y crois pas et le danger est bien de reprendre notre rythme d’avant dès que possible, dès que la contrainte médicale et étatique sera allégée. Les industriels sont sur les starting blocs. Car la dynamique du développement, des entreprises et du profit est puissante. Elle est visible.
Ce qui est moins visible mais tout aussi puissant, c’est le désir du consommateur qui veut garder son style de vie, ses facilités. C’est cette double dynamique qui épuise notre planète ; les ressorts de notre épuisement, ce sont les choix de chacun, la liberté qu’on veut garder et la légèreté de nos existences. Car “l’agent pathogène dont la virulence terrible modifie les conditions d’existence de tous, ce n’est pas du tout le virus, ce sont les humains !” [3].
Ce virus vicieux est un clin d’œil mortifère sur ce qui sera plus grave encore, car la crise climatique touchera la terre entière et fera des millions de morts. Nous pourrions profiter de cette occasion pour reconsidérer la légèreté de nos existences, leur irresponsabilité. Alors lentement, s’il importe d’abord de sécuriser notre vie dans l’immédiat, nous pourrons progressivement nous préparer sérieusement à faire face à la crise climatique en reconstruisant ce que nous ne voulons pas, des barrières à nos "ego". Reprendre conscience des limites et redonner du poids à l’existence.
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[1] Bill Gates nous avait prévenu il y a 5 ans. Personne ne l’a entendu.
[2] Pierre de Charentenay, Face à la crise climatique, Éditions Chemins de dialogue, avril 2020.
[3] Bruno Latour, Le Monde, 25 mars 2020.
Article paru dans la revue jésuite « Études » – Publié le 18 mai 2020. –
– Repris dans « Tout est lié » 20 5 2021 (toutestlie.catholique.fr) : webzine écologie catholique.