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lundi 15 mars 2021

UN CERCUEIL VIDE INSTALLE DANS L'EGLISE

 Extrait "Vers l'Avenir - Luxembourg" 11/03/2021

ARLON

Un cercueil vide installé en l’église Saint-Martin d’Arlon «pour montrer le mépris des cultes»

«Face au mépris, je ne peux plus me taire», dit le doyen Roger qui avait déjà fait le buzz avec la messe drive-in.                                                                                                                                   ÉdA

Dimanche, un cercueil vide prendra place en l’église Saint-Martin. Le doyen Roger dénonce l’incohérence des règles sanitaires. «Les cultes sont méprisés», dit-il.

Pascal Roger, vous êtes le doyen d’Arlon. Un cercueil vide sera exposé ce dimanche à la messe pour exprimer un ras-le-bol des croyants. Vous n’êtes plus d’accord avec les mesures sanitaires. Votre sortie, c’est un vrai coup de gueule?

Mon propos n’est pas de refuser les mesures sanitaires, il faut garder des mesures rigoureuses pour arriver à bout de cette maudite pandémie et continuer à se mobiliser, mais j’en appelle à de la cohérence. Qu’on reconnaisse le non lucratif, le non commercial. L’homme ne vit pas seulement de pain.

Dites-nous ce qui n’est plus tenable?

Ce qui paraît inacceptable, ce sont la disproportion et le manque de bon sens appliqué au culte et à la culture. Cinquante personnes sont autorisées pour les funérailles, je m’en réjouis. Pour les funérailles, on ne nous demande pas notre avis. Mais on maintient quinze personnes pour les offices dominicaux alors que les gens restent sur place. À la cour d’assises, on dénombrait plus de 50 personnes. Au supermarché, on se croise à des centaines. Les normes sont les mêmes pour la chapelle du quartier que pour la basilique de Koekelberg. Derrière mon coup de gueule, le message est le suivant: «Arrêtons de faire de l’homme une mécanique qui ne subviendrait qu’à ses besoins physiques et où tout le reste serait secondaire, inutile.»

 

Si on veut interpeller, il faut des gestes qui marquent. Comme acteurs chrétiens, nous avons été très présents dans l’accompagnement du deuil

 

Vous parlez de mépris concernant les cultes et la culture?

Évidemment, on ne parle pas de nous, nous sommes inexistants. Nous allons célébrer Pâques à quinze dans les grandes églises! Ce n’est plus acceptable aujourd’hui. Chez nos voisins, personne n’agit de la sorte. Je suis allé à l’archevêché à Luxembourg. Là-bas, ils ont droit à cent personnes au prorata de la superficie. C’est une question de justice et de bon sens.

«Aujourd’hui, la loi n’est plus réaliste»

Est-ce du bon sens que de mettre ce dimanche un cercueil vide dans l’église? Cela pourrait choquer alors que la mort touche tant avec ce Covid?

Si on veut interpeller, il faut des gestes qui marquent. Comme acteurs chrétiens, nous avons été très présents dans l’accompagnement du deuil. Une mortalité dans des conditions dramatiques, sans pouvoir accompagner ses proches.

Vous avez aussi des commerces qui meurent. Alors oui, ce n’est pas simple pour les autorités, mais prenons des mesures réalistes. Si vous demandez aux conducteurs de rouler à du 10 km/h pendant des centaines de kilomètres, ils ne le respecteront pas. Aujourd’hui, la loi n’est plus réaliste. Ce n’est pas la mort physique que nous allons évoquer, c’est la mort spirituelle des choses. C’est montrer l’incohérence de ne pas ouvrir pour le culte dominical. Avec un cercueil, nous pourrons être à cinquante. Il n’y a rien de pire que d’être considérés comme inexistants. Et c’est le ressenti de beaucoup de communautés religieuses.

 

«Je ne suis pas un anarchiste»

«Je ne suis pas un anarchiste», insiste le doyen arlonais. Mais allons-nous rester silencieux et une fois encore faire le gros dos? Personnellement, je ne veux plus me taire devant les incohérences des mesures et le mépris dont culte et culture sont l’objet. Dimanche, autour d’un cercueil vide, nous nous recueillerons nombreux pour le repos éternel du vieil homme instrumentalisé et réduit à sa corporéité. Dimanche, autour d’un cercueil vide, nous prierons dans l’espérance de la résurrection d’un homme nouveau pris au sérieux dans toutes ses dimensions et respecter dans sa liberté.»

Pour lui, les dernières décisions du Comité de concertation manifestent «un mépris des cultes et de la culture. Elles confirment une indifférence insupportable réduisant l’être humain à une mécanique dépourvue d’esprit. Réduits à la catégorie du non essentiel culte et culture ne sont pas pris en considération.»

Pour lui, ceux qui ont interrogé leur foi savent que la dimension spirituelle n’a rien de secondaire: «Le spirituel est de l’ordre de l’essentiel pour vivre en humain. Il est temps de sortir de ce silence assourdissant. Bravo aux artistes qui se sont fait entendre au risque d’encourir des soucis avec la justice. Alors que les chrétiens se préparent à Pâques, sommet de l’année liturgique et plus grande fête chrétienne, les autorités du pays n’envisagent aucun ajustement de bon sens quant aux normes en vigueur pour l’exercice des cultes.»