«Face au mépris, je ne peux plus me taire», dit le doyen Roger qui avait déjà fait le buzz avec la messe drive-in. ÉdA
Dimanche,
un cercueil vide prendra place en l’église Saint-Martin. Le doyen Roger dénonce
l’incohérence des règles sanitaires. «Les cultes sont méprisés», dit-il.
Pascal
Roger, vous êtes le doyen d’Arlon. Un cercueil vide sera exposé ce dimanche à
la messe pour exprimer un ras-le-bol des croyants. Vous n’êtes plus d’accord
avec les mesures sanitaires. Votre sortie, c’est un vrai coup de gueule?
Mon
propos n’est pas de refuser les mesures sanitaires, il faut garder des mesures
rigoureuses pour arriver à bout de cette maudite pandémie et continuer à se
mobiliser, mais j’en appelle à de la cohérence. Qu’on reconnaisse le non
lucratif, le non commercial. L’homme ne vit pas seulement de pain.
Dites-nous
ce qui n’est plus tenable?
Ce
qui paraît inacceptable, ce sont la disproportion et le manque de bon sens
appliqué au culte et à la culture. Cinquante personnes sont autorisées pour les
funérailles, je m’en réjouis. Pour les funérailles, on ne nous demande pas
notre avis. Mais on maintient quinze personnes pour les offices dominicaux
alors que les gens restent sur place. À la cour d’assises, on dénombrait plus
de 50 personnes. Au supermarché, on se croise à des centaines. Les normes sont
les mêmes pour la chapelle du quartier que pour la basilique de Koekelberg. Derrière
mon coup de gueule, le message est le suivant: «Arrêtons de faire de l’homme
une mécanique qui ne subviendrait qu’à ses besoins physiques et où tout le
reste serait secondaire, inutile.»
Si on veut interpeller, il faut des
gestes qui marquent. Comme acteurs chrétiens, nous avons été très présents dans
l’accompagnement du deuil
Vous
parlez de mépris concernant les cultes et la culture?
Évidemment,
on ne parle pas de nous, nous sommes inexistants. Nous allons célébrer Pâques à
quinze dans les grandes églises! Ce n’est plus acceptable aujourd’hui. Chez nos
voisins, personne n’agit de la sorte. Je suis allé à l’archevêché à Luxembourg.
Là-bas, ils ont droit à cent personnes au prorata de la superficie. C’est une
question de justice et de bon sens.
«Aujourd’hui, la loi n’est plus réaliste»
Est-ce
du bon sens que de mettre ce dimanche un cercueil vide dans l’église? Cela
pourrait choquer alors que la mort touche tant avec ce Covid?
Si
on veut interpeller, il faut des gestes qui marquent. Comme acteurs chrétiens,
nous avons été très présents dans l’accompagnement du deuil. Une mortalité dans
des conditions dramatiques, sans pouvoir accompagner ses proches.
Vous
avez aussi des commerces qui meurent. Alors oui, ce n’est pas simple pour les
autorités, mais prenons des mesures réalistes. Si vous demandez aux conducteurs
de rouler à du 10 km/h pendant des centaines de kilomètres, ils ne le
respecteront pas. Aujourd’hui, la loi n’est plus réaliste. Ce n’est pas la mort
physique que nous allons évoquer, c’est la mort spirituelle des choses. C’est
montrer l’incohérence de ne pas ouvrir pour le culte dominical. Avec un
cercueil, nous pourrons être à cinquante. Il n’y a rien de pire que d’être
considérés comme inexistants. Et c’est le ressenti de beaucoup de communautés
religieuses.
«Je ne suis pas un anarchiste»
«Je ne suis pas un anarchiste», insiste le
doyen arlonais. Mais allons-nous rester silencieux et une fois encore
faire le gros dos? Personnellement, je ne veux plus me taire devant les
incohérences des mesures et le mépris dont culte et culture sont l’objet.
Dimanche, autour d’un cercueil vide, nous nous recueillerons nombreux pour le
repos éternel du vieil homme instrumentalisé et réduit à sa corporéité.
Dimanche, autour d’un cercueil vide, nous prierons dans l’espérance de la
résurrection d’un homme nouveau pris au sérieux dans toutes ses dimensions et
respecter dans sa liberté.»
Pour lui, les dernières décisions du Comité de
concertation manifestent «un mépris des cultes et de la culture. Elles
confirment une indifférence insupportable réduisant l’être humain à une
mécanique dépourvue d’esprit. Réduits à la catégorie du non essentiel culte et
culture ne sont pas pris en considération.»
Pour lui, ceux qui ont interrogé leur
foi savent que la dimension spirituelle n’a rien de secondaire: «Le
spirituel est de l’ordre de l’essentiel pour vivre en humain. Il est temps de
sortir de ce silence assourdissant. Bravo aux artistes qui se sont fait
entendre au risque d’encourir des soucis avec la justice. Alors que les chrétiens
se préparent à Pâques, sommet de l’année liturgique et plus grande fête
chrétienne, les autorités du pays n’envisagent aucun ajustement de bon sens
quant aux normes en vigueur pour l’exercice des cultes.»