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lundi 22 février 2021

EDITORIAL

 

Sommes-nous devenus « mabouls » ? ……Le monde est-il devenu « maboul » ?


On n’a plus connu une situation pareille depuis un siècle, date de la pandémie de l’Influenza de 1918-1920, ou depuis les couvre-feux, les rationnements et les restrictions de la dernière guerre. Comme lors de ces événements passés, quand une catastrophe menace l’humanité, c’est du coup tout le fonctionnement de la société est perturbé. Au début unis face au danger, les gens, après de longs mois de privations et de frustrations, se divisent et s’affrontent, réclamant plus de liberté, et un certain nombre « pète déjà les plombs ».

En français, le mot « Maboul » est un mot familier signifiant « fou ». Il vient de l’arabe ma’hbul, « fou, sot, stupide ». Mais en hébreu, Maboul, sans H, c’est le Déluge, comme celui qui est raconté dans la Bible avec l’histoire de Noé. On pourrait aussi traduire ce terme par confusion. Or le fou est celui qui vit dans la confusion et qui a perdu tout repère. L’homme devient maboul lui-même dans cette folie destructrice.

Car la folie est la perte des repères, alors que la création au contraire, est l’acte de séparer, distinguer le ciel de la terre, la mer du sol ferme etc. (Gn 1). Ne plus distinguer le bien du mal, l’homme de la femme, le juste de l’injuste, le droit du devoir, voilà le déluge qui rend l’homme maboul et le fait se laisser submerger par l’indifférenciation… Tout se vaut, on confond ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas, ou l’est moins. Et la Terre trinque…


Alors, attendrons-nous sans rien faire que la terre et le ciel disparaissent -et l’homme avec eux-, sous des amas de pollution, de destruction de la nature, de maladies ou de cataclysmes causés par sa maboulie ?  Que tout soit détruit comme au temps des dinosaures pour dans 100 millions d’années repartir à zéro sur une terre purifiée, et qu’un vague cousin hominidé ou autre prenne à nouveau conscience de lui-même… ?  A moins que le développement des voyages interstellaires ne permette à quelques privilégiés de s’envoler vers mars ou une autre arche céleste… ? 

 


Le Carême dans lequel nous venons d’entrer nous propose une autre direction, plus porteuse d’espérance et réaliste : Pour nous empêcher d’être contaminés par la maboulie, s’engager tous ensemble avec une conscience droite pour rechoisir Dieu et collaborer à son projet d’un monde réconcilié, une terre qui soit la maison de tous et ou le loup et l’agneau font bon ménage (cf Isaïe)… Favoriser la communion, ce qui rassemble les êtres plutôt que ce qui les divise, les intérêts contradictoires, alors que le confinement peut conduire au chacun-pour-soi. En reprenant grâce au carême la maîtrise de nos sens et de nos désirs, nous apprenons à ne plus user de la création en consommateurs-prédateurs, mais à la respecter sans la détruire et à partager de façon équitable avec nos frères de tous continents ce qu’elle nous offre. 


Ce faisant, nous nous rappellerons notre baptême dont le Déluge est l’image dans la Bible : ou plutôt un anti-déluge puisqu’il ne détruit que le péché mais pas le pécheur ! Et l’Eglise, aujourd’hui, serait dans ce cas l’Arche construite avec du bois (le bois de la croix), arche qui existe pour arracher les hommes au déluge du péché qui les rend mabouls et les noie… C’est dans cette Arche qu’il nous est donné d’expérimenter une communion venant de Dieu-Trinité lui-même : Communion entre nous – si juxtaposés, si séparés d’ordinaire – ; communion avec nos compagnons animaux dont on redécouvre la sensibilité, l’intelligence, et ce n’est que justice ; communion avec le monde créé qui nous entoure et dont les chrétiens partagent avec les écologistes de tous bords l’amour, le respect, la volonté de protection.


Chers frères et sœurs, notre engagement envers Dieu avec une conscience droite n’est pas facultatif, ce n’est pas optionnel : nous l’avons déclaré avec toute l’Eglise mercredi dernier en recevant les cendres. Nous avons 40 jours pour changer notre rapport à notre environnement, pour rétablir au moins un peu l’harmonie de la création que nous perturbons si souvent d’habitude par notre maboulie. Le projet initié en Doyenné avec nos frères protestants de Verviers veut nous y encourager, vous le découvrirez en surfant sur le Coronablog du Sacré-Coeur.

Nous voulons aussi contribuer à rétablir l’équilibre et la justice en nous engageant pour aider nos frères et sœurs du Tiers-Monde et réduire leur dette vis-à-vis des pays riches, comme nous le suggère la campagne d’Entraide et Fraternité axée à nouveau sur le Congo cette année. A ce titre, la collecte du Carême de Partage est un geste important : ne manquez pas de verser ce que vous pouvez sur le compte qui figure sur les affiches et flyers à votre disposition dans nos églises.


Oui, aujourd’hui, pour ne pas rester Maboul ou le devenir, REFAISONS ALLIANCE : c’est la phrase clé de notre itinéraire de Carême ; c’est aussi le sujet de la lettre pastorale de carême de notre évêque Mgr Delville (disponible au secrétariat paroissial 087/34.00.75).

Et, au terme du Carême, ayant enfin traversé les eaux menaçantes des déluges de la confusion et de la pandémie du Covid-19, nous pourrons -j’espère tous ensemble- chanter joyeusement l’alléluia au cours de la messe de Pâques, en communion avec toute l’Arche-Eglise qui nous sauve et l’Arche-Monde qui nous porte. 



Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche. Aide-moi, aide-nous Seigneur à renouveler l’Alliance avec toi, avec mes frères et toute la création. Amen. 

Bon Carême, et que Dieu vous bénisse. Continuons à veiller les uns sur les autres.

Votre curé Bernard Pönsgen


P.S.  Nous suivons la situation au fur et à mesure pour vous prévenir dès qu’un élargissement du nombre de participants aux célébrations (15 actuellement) sera autorisé ; en attendant, n’oubliez pas de vous inscrire chez la personne responsable dans votre paroisse ou ailleurs pour pouvoir participer à la messe. Il y a des places qui ne sont pas toutes occupées !  (Les personnes chez qui s'inscrire figurent dans la colonne de droite.)