Un article à lire sur "Télémoustique" :
La délicate critique de « Ceci n'est pas un complot »
"Comme « Hold-Up », « Ceci n'est pas un complot » s'intéresse à la pandémie, d'un point de vue différent. Tous les deux ont été financés via crowdfunding. Et la comparaison s'arrête là. Là où le premier prétend de manière grotesque raconter l'histoire secrète du coronavirus, fabriqué par l'homme, le second pose une question de départ légitime et pertinente sur le rôle des médias durant cette crise sanitaire. Mais en lançant des sous-entendus malsains, le documentaire réalisé par Bernard Crutzen risque également de faire des dégâts.
Pendant neuf mois, le réalisateur belge s'est intéressé au traitement médiatique de la pandémie, soulignant d'emblée ne pas nier l'existence du virus. « La pandémie est réelle, c'est sa narration qui est surréaliste », dénonce plutôt celui qui a réalisé, entre autres, le documentaire primé « Malaria Business ». Le matraquage des chiffres sans perspective, les injonctions incessantes à respecter les mesures, la course aux titres racoleurs… Certains reproches que l'on peut faire aux médias durant cette crise sont tout à fait légitimes, et partagés d'ailleurs par de nombreux journalistes.
L'exemple le plus parlant est certainement l'emballement autour de la mort d'une enfant de 3 ans cet été, présenté comme « la plus jeune victime du Covid en Belgique », alors que son père, interrogé dans le documentaire, ne cesse de rappeler que le coronavirus n'a pas tué sa fillette, atteinte d'autres pathologies, mais « l'a accompagnée ». Cela a alimenté le climat anxiogène déjà présent, c'est indéniable.
Il est également question du terme « complotiste » dont l'utilisation intempestive permettrait, selon l'anthropologue interrogée Jacinthe Mazzocchetti, d'éteindre toute pensée critique ou contradictoire. Le doute est pourtant sain. Car, dans cette crise sanitaire, personne ne peut affirmer détenir la vérité absolue. Ni les médias mainstream, ni les médias dits « alternatifs ». Si le documentaire semble partir d'une intention louable, son exécution n'est toutefois pas exempte de défauts. En sélectionnant soigneusement ce qui conforte son propos ou en insinuant l'existence d'un agenda politique caché pour « masquer une crise beaucoup plus grave », le film « Ceci n'est pas un complot » utilise les codes qu'il entend pourtant dénoncer, comme la manipulation et la stratégie de la peur.
Vu plus de 600.000 fois en trois jours, le film questionne aussi les conflits d'intérêts des experts sanitaires, comme Marc Van Ranst, dont le cynisme est troublant. Il interroge oui, mais ne démontre rien, créant ainsi des amalgames confus." [...]
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L'auteure conclut son article ainsi :
" Dans un contexte où la confiance dans les médias était déjà affaiblie avant la crise, « Ceci n'est pas un complot » vient mettre de l'huile sur le feu. Ce qui pourrait faire plus de mal que de bien, à l'heure où une grande partie de la population est légitimement à bout. Il a toutefois le mérite de traduire un malaise sur lequel il serait bon (et urgent) de se pencher."
NDLR : Un certain nombre de personnes dont on a cité le témoignage dans le film ont aussi réagi après sa sortie pour dénoncer le fait que leurs paroles avaient été manipulées ou sorties de leur contexte (selon le débat de ce matin sur La Première (radio) de la RTBF).
Mon avis : Ce film participe à un sentiment global de méfiance vis-à-vis des institutions et des discours officiels, sentiment qui est de plus en plus ancré dans la population, surtout dans certains milieux en recherche de repères et que la "politique politicienne" a déçu ou que la mondialisation a perturbés. C'est un phénomène mondial dangereux, surtout quand il est relayé et entretenu par des populistes sans scrupules : nous en avons eu récemment un exemple éloquent aux Etats-Unis avec la tactique négationniste du président Trump et la "prise du Capitole"... Et en France, on pense déjà à un affrontement Le Pen-Macron pour les futures présidentielles. Garder un esprit critique est une bonne chose, nécessaire au bon fonctionnement des démocraties, mettre tout systématiquement en doute conduit inévitablement à des dérives complotistes.